L’île d’Anticosti est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO

L’île d’Anticosti est la plus grande du Québec et elle témoigne de « la première extinction massive de vie animale à l’échelle mondiale », à travers ses fossiles.
Pierre Lahoud L’île d’Anticosti est la plus grande du Québec et elle témoigne de « la première extinction massive de vie animale à l’échelle mondiale », à travers ses fossiles.

La liste du patrimoine de l’UNESCO compte maintenant un nouveau site québécois : l’île d’Anticosti. Le Comité du patrimoine mondial a confirmé mardi l’inscription de la plus grande île de la province, en raison de sa géologie, qui témoigne de la première extinction massive de vie animale à l’échelle mondiale.

Soutenue depuis 2017 par le gouvernement fédéral, la candidature de l’île s’appuyait essentiellement sur la valeur de sa géologie, principalement à travers ses fossiles.

« L’île d’Anticosti est mondialement reconnue pour ses fossiles exceptionnels de la période se situant entre l’Ordovicien supérieur et le Silurien inférieur [il y a près de 445 millions d’années], qui n’ont aucun équivalent ailleurs sur la planète. Cette période représente un jalon important dans l’histoire de la Terre, à savoir la première extinction massive de vie animale à l’échelle mondiale », précisait alors une note publiée par Parcs Canada.

Laboratoire naturel

 

Directeur scientifique du comité de pilotage du dossier de candidature pour l’UNESCO, André Desrochers a étudié pendant plusieurs années la géologie et la paléontologie d’Anticosti. Et selon ce qu’il a fait valoir au Devoir, la plus grande île du Québec est tout simplement « une première de classe » comme témoin de cette période.

M. Desrochers s’est rendu sur l’île cet été pour épauler des collègues des États-Unis, de France et de Belgique venus y prélever des échantillons dans le cadre de leurs travaux de recherche.

« Anticosti, c’est le meilleur laboratoire naturel au monde pour l’étude des fossiles et des couches sédimentaires à la frontière de l’Ordovicien et du Silurien, et cette période-là coïncide avec un point critique de l’évolution de la vie sur Terre : la première extinction massive du vivant », expliquait-il.

Les géologues venus cet été tentent de replacer certains morceaux dans le grand casse-tête de l’évolution. La couche rocheuse de l’île renferme les fossiles d’organismes marins qui vivaient sur Terre il y a environ 440 millions d’années — et qui, pour plusieurs, sont disparus durant l’extinction massive.

« Journée historique »

Le gouvernement Trudeau a salué mardi l’inscription du territoire. « Anticosti est un véritable joyau du Québec, du Canada, et du monde entier. Cette île extraordinaire nous dévoile des secrets au sujet de notre passé et de l’impact que le changement climatique a eu sur la Terre il y a des millions d’années », a souligné Diane Lebouthillier, ministre de Pêches et Océans Canada et députée de Gaspésie—Les Îles-de-la-Madeleine.

« Aujourd’hui est une journée historique. Anticosti est une île emblématique qui se distingue à l’échelle mondiale par l’abondance, la diversité et l’état de conservation des fossiles présents sur son territoire. C’est également un milieu naturel unique où cohabitent de nombreuses espèces qu’on se devait de protéger », a pour sa part fait valoir le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs du Québec, Benoit Charette.

La municipalité d’Anticosti estime que cette reconnaissance à l’UNESCO pourrait lui permettre de développer l’attrait touristique de l’île, située dans le golfe du Saint-Laurent. Sa superficie est 16 fois plus importante que celle de l’île de Montréal. « Aujourd’hui, ce projet prend forme et nous fait entrer dans une nouvelle ère sur laquelle nous allons maintenant bâtir notre avenir », a d’ailleurs déclaré la mairesse d’Anticosti, Hélène Boulanger.

« Nous devons nous préparer à recevoir un nombre beaucoup plus important de visiteurs, et nos infrastructures d’accueil doivent être mises à niveau. Nous avons besoin d’une meilleure desserte en transport et d’une nouvelle offre d’hébergement, mais aussi d’autres infrastructures et services de base », a-t-elle ajouté.

« Les générations actuelles et futures pourront remercier la mobilisation citoyenne qui a permis de protéger ce joyau collectif et d’assurer un avenir durable à la communauté de l’île. Maintenant, il faut s’assurer que les gouvernements provincial et fédéral soutiennent la communauté pour mettre en valeur Anticosti », a par ailleurs réagi Alice-Anne Simard, directrice générale de Nature Québec.

Coupes forestières

 

En 2019, la poursuite des coupes forestières avait suscité des inquiétudes pour la candidature d’Anticosti à l’UNESCO, alors que le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs avait rejeté un projet de protection du pourtour de l’île, où se trouvent les meilleurs sites fossilifères.

Le ministère a finalement accepté l’implantation de cette bande de protection d’un kilomètre, de la rive vers l’intérieur de l’île. Le gouvernement Legault, qui a été mis en garde par l’Union internationale pour la conservation de la nature, a par la suite annoncé des mesures plus importantes de protection pour ce territoire, notamment en appui à la candidature à l’UNESCO.

Avant cela, l’île avait suscité l’intérêt du gouvernement péquiste de Pauline Marois, qui avait lancé en 2014 un programme d’exploration pétrolière sur l’île. Ce projet a finalement été abandonné en 2017 par le gouvernement libéral de Philippe Couillard. Le projet a coûté 92 millions de dollars au gouvernement du Québec, principalement pour verser des compensations aux entreprises qui étaient les partenaires de l’État dans le programme de recherche de pétrole de schiste.

L’arrondissement historique du Vieux-Québec et le parc national de Miguasha sont déjà inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO.

La saga Anticosti

14 février 2011 Le Devoir révèle que le potentiel pétrolier de l’île serait très important. Hydro-Québec, qui détenait les permis d’exploration, a cédé ses droits à Pétrolia et Corridor Resources.

29 septembre 2011 Une étude évalue le potentiel pétrolier sur Anticosti à plus de 40 milliards de barils.

13 février 2014 Le gouvernement péquiste de Pauline Marois s’engage à investir 115 millions pour réaliser un projet d’exploration, en partenariat avec Pétrolia et Corridor Resources.

5 décembre 2015 Philippe Couillard déclare qu’il n’a « aucun enthousiasme » pour le pétrole, dont le projet Anticosti.

28 juillet 2017 Le gouvernement met fin au projet Anticosti et offre des millions de dollars de compensations aux entreprises concernées.

25 octobre 2018 Le premier ministre François Legault affirme qu’il ne souhaite pas relancer l’exploration pétrolière sur l’île. « Il n’y a aucun intérêt de notre part. Il n’y a pas de projets sur la table », dit-il.



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