Cri du coeur contre les délais du regroupement familial au Québec

Taline Nehme (au micro) a dénoncé les délais de traitement en réunification familiale au Québec lors d’une conférence de presse organisée par le député de Québec solidaire Guillaume Cliche-Rivard (à droite).
François Carabin Le Devoir Taline Nehme (au micro) a dénoncé les délais de traitement en réunification familiale au Québec lors d’une conférence de presse organisée par le député de Québec solidaire Guillaume Cliche-Rivard (à droite).

Les délais de traitement en réunification familiale s’étirent au Québec, et pour les familles prises dans ce dédale, la douleur s’aggrave.

Invitées à témoigner à l’Assemblée nationale, mardi, trois femmes en attente de parrainage ont poussé un cri du coeur commun pour la réduction des délais du regroupement familial. Impossibilité de voir ses proches, incapacité d’accéder à l’assurance maladie ou d’élever un enfant : les conséquences des listes d’attente sont réelles, ont-elles raconté.

Taline Nehme attend d’être réunie avec sa fille et son mari depuis décembre dernier. Son dossier de parrainage de sa famille n’a toujours pas été traité. « Ma fille, elle a 6 ans. Déjà, elle m’accuse [de l’avoir] abandonnée parce que je suis partie au Canada », a-t-elle affirmé lors d’une conférence de presse organisée par le député de Québec solidaire (QS) Guillaume Cliche-Rivard.

« Mon fils de 17 ans ne cesse de voir sa mère pleurer jour et nuit. Il me dit que ça va aller. Mais quand est-ce que ça va aller ? Dans deux ans ? Dans trois ans ? Quand ma fille, elle va [avoir] 8 ans, 9 ans ? » a-t-elle ajouté.

Quitter le Québec

 

En juillet dernier, l’arriéré en matière de réunification familiale au Québec s’élevait à 36 800 personnes, selon le ministère québécois de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI). Le délai estimé de traitement par le gouvernement fédéral avait, lui, grimpé à 24 mois.

Des retards qu’Ottawa lie aux cibles d’immigration du gouvernement de François Legault. « Comme IRCC [Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada] reçoit plus de demandes de la catégorie du regroupement familial destinées au Québec que ce que le MIFI lui permet de traiter, un arriéré se forme », a expliqué un porte-parole du ministère canadien au Devoir cet été.

Québec a fixé sa cible d’accueil d’immigrants issus de la réunification familiale à 10 600 personnes pour 2023. En juin, ce total était déjà atteint à 66 %.

« Moi, je suis citoyenne canadienne, québécoise. Je suis née, j’ai grandi au Québec. Mon mari, c’est un citoyen du Guatemala, a relaté Laurianne Lachapelle, une autre témoin invitée par QS mardi. En janvier 2022, on s’est mariés avec une promesse que mon mari allait pouvoir venir au Québec en 13 mois. Puis, du jour au lendemain, 14 mois plus tard, il n’y a aucune nouvelle. »

Les yeux embués, elle a expliqué comment cette situation l’avait menée à demander un avortement. « Je ne voulais pas vivre une grossesse, un accouchement, peut-être même les premières années de la vie d’un enfant sans mon mari, toute seule », a-t-elle laissé tomber.

« À bout », elle considère désormais quitter le Québec. « Si ça empire, je vais regarder [pour] aller en Ontario, peut-être, ou peut-être changer de pays, tout simplement », a-t-elle dit.

Rehausser les seuils

 

Porte-parole en matière d’immigration de Québec solidaire, Guillaume Cliche-Rivard exhorte le gouvernement de François Legault à revoir ses cibles pour permettre à ces familles d’être réunies en sol québécois. Il interpelle directement la ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, qui étudie présentement des révisions de ses cibles dans le cadre des consultations sur la planification pluriannuelle de l’immigration.

« Oui, il faut hausser les seuils d’immigration dans le regroupement familial spécifiquement », a-t-il dit, sans préciser de combien. « Je n’ai pas voulu fixer un chiffre, mais je pense qu’on devrait se donner comme objectif maximum 12 mois », a-t-il indiqué lorsque relancé à ce sujet.

Questionnée en chambre, la ministre Fréchette a pour sa part refusé de s’engager à quoi que ce soit, mardi. « Nous sommes très sensibles au stress vécu par les familles en lien avec les délais de traitement dans les programmes de regroupement familial », a-t-elle dit, avant de préciser que « l’approche du Québec est de fixer les seuils d’immigration de manière à garder un équilibre ».

Si le gouvernement de François Legault évalue la possibilité de rehausser ses seuils d’immigration à 60 000 personnes en 2027, il n’entend pas revoir ses cibles dans la catégorie de la réunification familiale. Selon les scénarios proposés par la ministre Fréchette, le total annuel resterait figé à 10 000 et quelques nouveaux arrivants.



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