La candidature de l’île d’Anticosti est soumise à l’UNESCO

La géologie de l’île d’Anticosti témoigne de la première extinction massive de vie animale à l’échelle mondiale.
Pierre Lahoud La géologie de l’île d’Anticosti témoigne de la première extinction massive de vie animale à l’échelle mondiale.

Après avoir suscité la convoitise pétrolière de gouvernements et d’entreprises au cours de la dernière décennie, l’île d’Anticosti pourrait maintenant être classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Le gouvernement Trudeau vient de transmettre officiellement la candidature de l’île, qui s’appuie sur la valeur exceptionnelle de sa géologie. Celle-ci témoigne de la première extinction massive de vie animale à l’échelle mondiale.

La candidature, qui a été transmise par Parcs Canada avant la date limite du 1er février, doit être annoncée la semaine prochaine. Les ministres fédéral et provincial de l’Environnement, Steven Guilbeault, et Benoit Charette prendraient part à l’annonce, en compagnie notamment de la ministre des Relations internationales et de la Francophonie du Québec, Nadine Girault, de la mairesse de L’Île-d’Anticosti, Hélène Boulanger, et de représentants des Premières Nations.

Une fois la candidature officiellement déposée, l’UNESCO réalisera une analyse de celle-ci pendant 18 mois, afin d’en vérifier la pertinence. Elle devrait comprendre des visites sur le terrain.

Soutenue depuis 2017 par le gouvernement fédéral, la candidature de l’île s’appuie essentiellement sur la « valeur universelle exceptionnelle » et « mondialement reconnue » de sa géologie. Il faut dire qu’on retrouve sur Anticosti le témoignage de « la première extinction massive de vie animale à l’échelle mondiale », principalement à travers ses fossiles.

« L’île d’Anticosti est mondialement reconnue pour ses fossiles exceptionnels de la période se situant entre l’Ordovicien supérieur et le Silurien inférieur [il y a près de 445 millions d’années], qui n’ont aucun équivalent ailleurs sur la planète. Cette période représente un jalon important dans l’histoire de la Terre, à savoir la première extinction massive de vie animale à l’échelle mondiale », précisait alors une note publiée par Parcs Canada.

Directeur scientifique du comité de pilotage du dossier de candidature pour l’UNESCO, André Desrochers a étudié pendant plusieurs années la géologie et la paléontologie d’Anticosti. Et selon ce qu’il a déjà fait valoir au Devoir, la plus grande île du Québec est carrément « une première de classe » comme témoin de cette période.

La municipalité d’Anticosti estime que cette reconnaissance à l’UNESCO pourrait lui permettre de développer l’attrait touristique de la plus grande île du Québec, située dans le golfe du Saint-Laurent. Sa superficie est 16 fois plus importante que celle de l’île de Montréal. Il n’a pas été possible d’obtenir d’entrevues mercredi, puisque celles-ci sont prévues seulement au moment de l’annonce officielle, le 25 février.

Coupes forestières

 

En 2019, la poursuite des coupes forestières avait suscité des inquiétudes pour la candidature d’Anticosti à l’UNESCO, alors que le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs avait rejeté un projet de protection du pourtour de l’île, où se trouvent les meilleurs sites fossilifères.

André Desrochers avait alors été formel : « Tout site du patrimoine mondial de l’UNESCO nécessite des mesures de protection. C’est absolument essentiel, à tel point que sans ces mesures, le site sera refusé. » Le ministère a finalement accepté l’implantation de cette bande de protection d’un kilomètre, de la rive vers l’intérieur de l’île.

Avant cela, l’île avait suscité l’intérêt du gouvernement péquiste de Pauline Marois, qui avait lancé en 2014 un programme d’exploration pétrolière sur l’île. Ce projet a finalement été abandonné en 2017 par le gouvernement libéral de Philippe Couillard. Le projet a coûté 92 millions de dollars au gouvernement du Québec, principalement pour verser des compensations aux entreprises qui étaient les partenaires de l’État dans le programme de recherche de pétrole de schiste.

La saga Anticosti

14 février 2011 Le Devoir révèle que le potentiel pétrolier de l’île serait très important. Hydro-Québec, qui détenait les permis d’exploration, a cédé ses droits à Pétrolia et Corridor Resources.

 

29 septembre 2011 Une étude évalue le potentiel pétrolier sur Anticosti à plus de 40 milliards de barils.

 

13 février 2014 Le gouvernement péquiste de Pauline Marois s’engage à investir 115 millions pour réaliser un projet d’exploration, en partenariat avec Pétrolia et Corridor Resources.

 

5 décembre 2015 Philippe Couillard déclare qu’il n’a « aucun enthousiasme » pour le pétrole, dont le projet Anticosti.

 

28 juillet 2017 Le gouvernement met fin au projet Anticosti et offre des millions de dollars en compensations aux entreprises concernées.

 

25 octobre 2018 Le premier ministre François Legault affirme qu’il ne souhaite pas relancer l’exploration pétrolière sur l’île. « Il n’y a aucun intérêt de notre part. Il n’y a pas de projets sur la table », dit-il.



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