La saga pétrolière d'Anticosti a coûté 92 millions

En plus de ses richesses géologiques, l'île d'Anticosti compte un ancien village, Baie-Sainte-Claire, dont certains éléments sont classés au patrimoine du Québec.
Photo: Alexandre Shields Le Devoir En plus de ses richesses géologiques, l'île d'Anticosti compte un ancien village, Baie-Sainte-Claire, dont certains éléments sont classés au patrimoine du Québec.

L’aventure Hydrocarbures Anticosti a finalement coûté au moins 92 millions de dollars au gouvernement du Québec, indiquent les données compilées par Le Devoir. C’est plus du double de ce qui était prévu pour la première phase du projet, qui n’a jamais été complétée. Québec a aussi accepté de prendre en charge tous les futurs coûts de restauration des puits forés sur l’île par les pétrolières.

Après avoir annoncé la fin de tous les projets d’exploration pétrolière et gazière sur l’île d’Anticosti, le gouvernement Couillard a négocié l’été dernier des compensations à verser aux entreprises partenaires du projet Hydrocarbures Anticosti. Pétrolia a ainsi reçu 20,5 millions, tandis que Corridor Resources recevait 19,5 millions et Maurel Prom, 16,2 millions.

Qui plus est, le gouvernement a choisi de dédommager les deux autres entreprises qui possédaient des permis sur l’île, mais qui ne faisaient pas partie du projet d’exploration financé majoritairement par Québec. Junex a donc reçu 5,5 millions pour renoncer aux cinq permis qu’elle détenait depuis 2007. Un dernier joueur, TransAmerican Energy, a reçu 305 694 $ pour céder son seul permis détenu sur Anticosti, et ce, depuis 2009.

Les compensations totales versées aux cinq entreprises ont donc atteint quelque 62 millions. Et combien le gouvernement a-t-il investi dans les travaux d’exploration sur Anticosti ? Investissement Québec a d’abord refusé de préciser le montant, avant de finalement inviter Le Devoir à contacter le ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation.

Le ministère a indiqué que le montant total investi par Ressources Québec dans le projet Hydrocarbures Anticosti était de 29,9 millions, mais aussi que ce dernier « provient entièrement du fonds Capital Mines Hydrocarbures ».

Au total, le montant dépensé pour le projet Hydrocarbures Anticosti, lancé par le gouvernement péquiste en 2014, s’élève donc à au moins 92 millions.

Puits forés

 

Ce montant ne tient toutefois pas compte des fonds publics déboursés pour la réalisation de l’évaluation environnementale stratégique sur l’île d’Anticosti, entre 2014 et 2016. Cette évaluation a permis de révéler que le sous-sol de l’île renfermerait surtout du gaz de schiste, mais aussi que les infrastructures nécessaires pour l’exploiter auraient coûté plusieurs milliards.

En plus des compensations versées à cinq pétrolières, Le Devoir a constaté que le gouvernement Couillard a accepté de prendre en charge tous les futurs coûts liés à la « restauration » et à la « fermeture » des puits forés par Corridor Resources et Pétrolia, et ce, avant le projet Hydrocarbures Anticosti. À cela s’ajoutent les forages réalisés dans le cadre du projet lui-même.

Quoi qu’il en soit, le montant estimé de 92 millions dépensé pour le projet avorté d’exploration sur l’île est déjà au moins deux fois et demie plus élevé que ce qui était prévu comme investissement de la part du gouvernement du Québec dans le cadre de la première phase du projet.

Selon le scénario de financement d’Hydrocarbures Anticosti, le gouvernement devait y investir un maximum de 34 millions, incluant un financement pour trois forages avec fracturation. Or, ceux-ci n’ont jamais été réalisés. C’est seulement à la suite de ces forages qu’une décision devait être prise sur la poursuite des travaux, ce qui aurait pu porter les investissements totaux du gouvernement à 56,7 millions pour l’ensemble du projet.

Relance de l’île

Le montant dépensé dans l’aventure Hydrocarbures Anticosti représente aussi trois fois la somme jugée nécessaire par la municipalité de L’Île-d’Anticosti pour mettre en oeuvre son « plan de développement stratégique ». En incluant le projet de traversier qui permettrait d’améliorer substantiellement l’accès à la plus grande île du Québec, le maire John Pineault évalue en effet les besoins à environ 30 millions.

En entrevue, il précise toutefois que des discussions sont déjà en cours avec le gouvernement du Québec et que des rencontres sont prévues au cours des prochains jours. Aucun engagement financier n’a jusqu’ici été annoncé de la part de Québec, qui a promis de protéger toute l’île d’ici 2020, en plus de soutenir la candidature d’Anticosti à l’UNESCO.

Pour mener à bien le dossier UNESCO, la municipalité a d’ailleurs lancé récemment une campagne de sociofinancement dans le but de récolter les 200 000 $ nécessaires pour produire le dossier de candidature. Le maire Pineault espère être en mesure d’engager un chargé de projet pour mener à bien les démarches en vue d’une inscription sur la liste du patrimoine mondial.

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