L’Inde émet un avertissement aux voyageurs indiens au Canada

Un avion d’Air India atterrit à Toronto le 23 avril 2021.
Frank Gunn La Presse canadienne Un avion d’Air India atterrit à Toronto le 23 avril 2021.

L’Inde a demandé mercredi à ses citoyens d’éviter de voyager dans certaines régions du Canada, après qu’Ottawa a déclaré soupçonner le gouvernement indien d’être impliqué dans l’assassinat d’un leader sikh en juin, provoquant une grave crise diplomatique.

Mardi, le premier ministre canadien Justin Trudeau a demandé à l’Inde de « prendre au sérieux » l’affaire de la mort de Hardeep Singh Nijjar et les soupçons d’implication d’agents de New Delhi évoqués lundi par Ottawa, qui dit s’appuyer sur des « éléments crédibles ».

Le gouvernement indien a qualifié les accusations canadiennes d’« absurdes » et démenti « tout acte de violence au Canada ».

Les relations diplomatiques entre le Canada et l’Inde sont depuis au plus bas, marquées par des expulsions réciproques de diplomates.

Mercredi, le ministère indien des Affaires étrangères s’est déclaré inquiet pour ses ressortissants voyageant au Canada, « compte tenu de la multiplication des activités anti-indiennes et des crimes haineux et criminels à connotation politique au Canada ».

« Récemment, les menaces ont particulièrement visé les diplomates indiens et les membres de la communauté indienne qui s’opposent à l’agenda anti-indien », a ajouté le ministère dans un communiqué, conseillant à ses concitoyens d’ « éviter de se rendre dans les régions et les sites potentiels au Canada qui ont été le théâtre de tels incidents. »

« Il est conseillé aux étudiants indiens en particulier de faire preuve d’une extrême prudence et de rester vigilants », a-t-il précisé.

Hardeep Singh Nijjar a été abattu en juin par deux hommes masqués sur le parking du temple sikh qu’il dirigeait à Surrey, près de Vancouver, en Colombie-Britannique. Il a succombé à ses blessures sur place.

Militant pour la création du « Khalistan », un État sikh indépendant dans le Nord de l’Inde, il était arrivé au Canada en 1997 et avait été naturalisé en 2015.

Il était recherché par les autorités indiennes pour des faits présumés de terrorisme et de conspiration en vue de commettre un meurtre.

 

Des accusations qu’il niait, selon l’Organisation mondiale des sikhs du Canada, un groupe de défense des intérêts des sikhs canadiens.

Affaire « extrêmement grave »

Depuis son meurtre et les violentes manifestations qui ont suivi au Canada, les relations entre Ottawa et New Delhi se sont largement dégradées.

 

Cette affaire « est extrêmement grave et a des conséquences importantes, tant sur le plan du droit international que sur d’autres aspects pour le Canada », a déclaré mardi Justin Trudeau.

« Nous ne cherchons pas à provoquer. Nous présentons les faits tels que nous les comprenons », a-t-il ajouté.

L’affaire est suivie de près ailleurs dans le monde : mardi, Washington s’est dit « profondément préoccupé par les allégations » canadiennes.

« Il est très important que l’enquête du Canada se poursuive et que les coupables soient traduits en justice », a commenté Adrienne Watson, la porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.

De son côté, Londres a estimé qu’il était « particulièrement important » de laisser les autorités canadiennes mener l’enquête.

Très mobilisée depuis cet assassinat, la communauté sikhe s’est félicitée des déclarations canadiennes.

« Depuis des décennies, l’Inde cible les Sikhs au Canada par l’espionnage, la désinformation et maintenant le meurtre », a affirmé Mukhbir Singh, de l’Organisation mondiale des sikhs du Canada, lors d’une conférence de presse au parlement canadien.

L’Inde s’est souvent plaint de l’activité de la diaspora sikhe à l’étranger, notamment au Canada, susceptible selon New Delhi de relancer le mouvement séparatiste grâce à une aide financière massive.

L’État indien du Pendjab, qui compte environ 58 % de sikhs et 39 % d’hindous, a été secoué par un violent mouvement séparatiste dans les années 1980 et au début des années 1990, qui a fait des milliers de morts.

Selon la diplomatie indienne, M. Trudeau avait déjà porté ces accusations auprès du premier ministre indien Narendra Modi à l’occasion du récent sommet du G20 à New Delhi, lesquelles avaient été « complètement rejetées ».

Le Canada est le pays qui compte le plus grand nombre de sikhs en dehors de l’Inde.



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