Le Québec est-il vraiment un leader dans la lutte contre les changements climatiques?

Ce texte est tiré du Courrier de planète. Pour vous abonner, cliquez ici.

Le premier ministre du Québec, François Legault, participe mercredi au Sommet de l’ambition climatique, qui se tient à New York, à l’invitation du secrétaire général des Nations unies. Il entend y vanter le rôle de « leader » de la province dans cette crise.

Des experts soulignent toutefois que le Québec a encore fort à faire pour affirmer son leadership en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre par habitant, de transformation du secteur des transports et d’adaptation aux impacts du réchauffement.

Président du comité consultatif sur les changements climatiques du gouvernement du Québec, Alain Webster souligne qu’il existe en effet « des éléments qui témoignent d’une forme de leadership », surtout à l’échelle canadienne.

Il cite comme exemples certains jalons importants du plan québécois de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), dont le marché du carbone, la décision de mettre un terme à l’exploration pétrolière et gazière, les investissements de 9 milliards de dollars sur cinq ans dans le Plan pour une économie verte et le financement de la recherche climatique.

M. Webster précise néanmoins que, malgré les gestes faits au cours des dernières années, les réductions d’émissions de GES du Québec ne témoignent toujours pas d’une « décarbonation rapide ». Il pointe le secteur des transports, où on constate une croissance continue du parc automobile, qui se développe désormais au profit de véhicules plus énergivores.

Cible

Selon lui, les objectifs de réduction des GES pour la présente décennie manquent par ailleurs d’ambition. « On ne peut pas dire que la cible de 2030 soit ambitieuse. C’est moins que les objectifs à l’échelle des Nations unies et beaucoup moins que l’Union européenne. »

La cible de réduction du Québec est actuellement de 37,5 % par rapport au niveau de 1990. Elle a été établie en 2015 sous le gouvernement libéral de Philippe Couillard, qui affirmait alors faire preuve de « leadership ». Et malgré les appels des Nations unies à revoir les cibles à la hausse, elle est demeurée inchangée.

Si le Québec l’atteint, les émissions annuelles de GES seraient de 53,3 millions de tonnes à la fin de la décennie. Or, pour espérer limiter le réchauffement planétaire à un seuil viable, soit 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, les scientifiques estiment nécessaire de réduire d’au moins 43 % les émissions de GES par rapport au niveau de 2019. Cela équivaudrait à des émissions de 47,2 millions de tonnes pour le Québec. La différence entre la cible du gouvernement du Québec et celle de la science équivaut aux émissions annuelles de 2,5 millions de voitures.

Les émissions de GES par habitant avoisinent en outre les neuf tonnes par année, soit le double de la moyenne mondiale. Pour espérer respecter l’objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris, soit limiter les dérèglements du climat à +1,5 °C, les émissions par citoyen ne devraient pas dépasser les deux tonnes.

Bref, dans une perspective mondiale, « il est beaucoup plus difficile de dire que le Québec est un leader. Mais il peut et il doit le devenir. Nous avons tout pour que ça fonctionne », affirme Alain Webster, qui fait valoir le devoir d’exemplarité du Québec. « Si on ne peut pas réussir, je me demande qui pourra réussir. »

« Échec »

Titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau rappelle pour sa part qu’« à peu près tous les États du monde prétendent être des leaders, en utilisant une mesure qui leur est favorable ».

Il souligne que le Québec fait effectivement « bonne figure » au Canada, avec les émissions par habitant les plus basses, mais aussi avec le marché du carbone, même si celui-ci « n’a pas été un moteur de réduction des émissions important ».

M. Pineau ajoute que le Québec est un « leader » en matière de surconsommation d’électricité. « Nous consommons des quantités d’énergie par habitant à peu près équivalentes aux moyennes canadienne et américaine », mais aussi « près de quatre fois supérieures à la moyenne mondiale ».

Par ailleurs, insiste-t-il, « aucune politique de transport ou d’aménagement du territoire ne positionne le Québec comme leader de la lutte contre les changements climatiques, à mon sens. L’étalement urbain et la croissance du parc automobile, autant en nombre qu’en grosseur des véhicules, illustrent au contraire l’échec des approches récentes et encore actuelles dans ces domaines critiques de la lutte contre les changements climatiques ».

Responsable de la campagne Climat-Énergie à Greenpeace Canada, Patrick Bonin réfute l’idée que le Québec soit un leader climatique. Il rappelle que, pour le moment, le gouvernement Legault a annoncé des mesures qui lui permettront d’atteindre, au mieux, 60 % de sa cible de réduction des GES pour 2030.

Il déplore aussi un « manque de financement » pour le développement des transports collectifs, l’absence de taxation pour les véhicules énergivores et l’absence d’une stratégie d’adaptation aux impacts de la crise climatique. Les municipalités du Québec réclament au moins 2 milliards de dollars par année afin de faire face aux impacts du réchauffement.

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