Le Québec émet quatre fois trop de GES

Le secteur des transports est un poids lourd du bilan des émissions de gaz à effet de serre du Québec.
Alexandre Shields Le Devoir Le secteur des transports est un poids lourd du bilan des émissions de gaz à effet de serre du Québec.

Si tous les humains émettaient autant de gaz à effet de serre que le Québécois moyen, la planète se dirigerait vers un véritable naufrage climatique. C’est ce que démontre une estimation de l’empreinte carbone effectuée par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) et publiée vendredi, à l’occasion du Jour de la Terre.

Selon les données dévoilées par l’organisme gouvernemental, les émissions annuelles de GES des ménages québécois atteignent au total 71,9 millions de tonnes d’équivalent CO2. Cela équivaut, au « minimum », à 8,7 tonnes par citoyen.

« L’empreinte carbone des ménages correspond aux émissions de GES produites pour répondre aux besoins de consommation des ménages, qu’elles aient été générées par les ménages eux-mêmes ou par les secteurs d’activité économique qui leur fournissent les biens et services demandés », précise l’ISQ. Elle mesure les émissions occasionnées au Québec (44 millions de tonnes), ailleurs au Canada (9,9 millions de tonnes) et ailleurs sur la planète (17,4 millions de tonnes). Parmi ces émissions à l’étranger, 26 % proviennent des États-Unis, 24 % de la Chine, et 4 % du Mexique.

Qui plus est, les données utilisées par l’ISQ sont celles de 2017. Or, depuis ce moment, les émissions totales du Québec ont légèrement augmenté. Selon le plus récent bilan disponible, soit celui de 2019, elles atteignaient alors 84,32 millions de tonnes, comparativement à 83,31 millions de tonnes en 2017.

Les chiffres publiés par l’ISQ se déclinent selon 10 différentes catégories de biens et de services consommés par les ménages. Le secteur « énergie et combustibles » est le poids lourd du bilan des Québécois. En y ajoutant celui des transports, qui utilisent essentiellement des énergies fossiles, on comptabilise 5,4 tonnes sur une base annuelle. À cela s’ajoute le secteur « aliments et boissons », avec 1,5 tonne. Viennent ensuite, notamment, les « meubles et équipements ménagers » (0,4 tonne), les « vêtements et accessoires » (0,3 tonne), ainsi que les « loisirs » (0,3 tonne).

Un monde qui s’en va vers +2,7 °C

Avec un bilan évalué à 8,7 tonnes par année par personne, les émissions de GES des Québécois sont au moins quatre fois trop élevées pour respecter l’objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris, soit limiter les dérèglements du climat à +1,5 °C. Pour y parvenir, les émissions par citoyen ne devraient pas dépasser les deux tonnes, au maximum.

Les Québécois sont toutefois loin d’être les seuls à émettre trop de GES. À l’échelle canadienne, les émissions par citoyen atteignent de 15 à 20 tonnes, selon les méthodes de calcul. Ce bilan est similaire à celui des États-Unis, mais il est deux à trois fois plus élevé que la moyenne des pays de l’Union européenne.

Sans surprise, les pays les plus pauvres de la planète — dont plusieurs subissent déjà les impacts de la crise climatique — ont des émissions de GES par habitant beaucoup plus faibles. Selon des données de la Banque mondiale, la moyenne pour les pays d’Amérique latine et des Caraïbes se situe à 2,64 tonnes. En Afrique subsaharienne, celle-ci atteint 0,76 tonne. Quant à la moyenne mondiale, elle se situe à 4,5 tonnes.

Des pistes de solution

 

Titulaire de la Chaire de gestion de l’énergie à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau estime que l’évaluation de l’ISQ est tout à fait plausible. Il affirme aussi qu’il existe des pistes de solutions très claires pour réduire le bilan de GES des Québec : « moins brûler de combustibles — donc, de produits pétroliers dans nos voitures et véhicules —, moins consommer de protéines animales et posséder moins de véhicules ». «Ce sont les trois priorités. Ensuite, réduire, réutiliser et recycler au maximum tous nos biens aiderait pour les 24 % d’émissions restantes.»

Pour cela, il serait nécessaire de miser sur le transport actif, le transport collectif et l’autopartage, mais aussi de se tourner vers une alimentation végétarienne, tout en réduisant le gaspillage alimentaire, souligne M. Pineau.

« Bien que les émissions associées à la combustion d’hydrocarbures et de combustibles représentent la plus importante source de carbone des ménages du Québec, c’est l’ensemble de nos modes de vie qu’il faut changer. Nous devons passer de l’ère de la surconsommation et du gaspillage à une ère qui valorise la sobriété et la décroissance, et ce, dans la quasi-totalité des secteurs d’activité », ajoute le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin.

« La population du Québec est loin d’être exemplaire et de faire sa juste part de l’effort climatique mondial requis. Alors qu’il faut diminuer d’au moins de moitié nos émissions de carbone d’ici 2030, la solution ne pourra pas être qu’individuelle et devra également être collective et inclure les gouvernements et entreprises qui, actuellement, font davantage partie du problème que de la solution », fait-il également valoir.

Un mode de vie à changer

Dans un contexte d’augmentation continue des émissions de GES dans le monde, la planète se dirige actuellement vers un réchauffement qui pourrait dépasser les 2,7 °C au cours des prochaines décennies. Pour limiter le réchauffement à 1,5 °C, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) évalue qu’il faudrait que les émissions mondiales plafonnent au plus tard en 2025, puis diminuent de 43 % d’ici 2030, par rapport au niveau de 2019.

Ce virage sans précédent depuis le début de l’ère industrielle est essentiel pour espérer respecter les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat. Or, les engagements actuels nous conduisent vers une croissance d’au moins 14 % des émissions d’ici la fin de la décennie.

Le rapport publié au début du mois d’avril par le GIEC constate en outre le besoin de « changements dans nos modes de vie » afin de lutter contre les bouleversements du climat. Cela passe par une réduction des besoins en transports motorisés (dont les voyages en avion), mais aussi par l’aménagement des villes, qui doit impérativement permettre de « réduire la consommation d’énergie » et de ressources.

Répartition de l’empreinte carbone des ménages québécois, par habitant et par an

Au total : 8,7 tonnes d’équivalent CO2 (t éq. CO2)

 

Énergie et combustibles (combustion directe par les ménages) : 3,8 t éq. CO2

 

Aliments et boissons : 1,5 t éq. CO2

 

Transport : 0,8 t éq. CO2

 

Énergie et combustibles (processus de production) : 0,8 t éq. CO2

 

Meubles et équipements ménagers : 0,4 t éq. CO2

 

Logement : 0,3 t éq. CO2

 

Soins de santé et soins personnels : 0,3 t éq. CO2

 

Vêtements et accessoires : 0,3 t éq. CO2

 

Autres services : 0,3 t éq. CO2

 

Loisirs : 0,3 t éq. CO2

 

Télécommunication et matériel audiovisuel : 0,1 t éq. CO2



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