Les 12 travaux de François Legault et de Justin Trudeau

Les retraites des conseils des ministres de Justin Trudeau et de François Legault ont permis de jeter les bases de ce que seront leurs grands chantiers respectifs cet automne. Certains s’entrechoqueront, on n’a qu’à penser au logement, à l’immigration ou au très attendu verdict de la Cour d’appel du Québec sur la Loi sur la laïcité de l’État. Ces rentrées parlementaires se feront également sous le signe d’une certaine nervosité, car cette fin d’été s’accompagne aussi, pour chacun des premiers ministres, d’un climat politique soudainement ennuagé.

Tout indique que François Legault n’attendra plus très longtemps avant de déclencher l’élection partielle dans Jean-Talon. Les hostilités sont déjà lancées entre la Coalition avenir Québec et le Parti québécois, qui s’accusent mutuellement de mentir quant à la cour qu’aurait faite la CAQ au candidat Pascal Paradis, aspirant caquiste finalement péquiste. Au vu des sondages, la CAQ semble sentir qu’elle pourrait payer les frais de l’abandon du troisième lien.

Justin Trudeau termine aussi l’été à l’ombre de sondages inquiétants, le Parti conservateur de Pierre Poilievre ayant désormais détrôné le Parti libéral. L’horizon électoral demeure lointain. Si le premier ministre le souhaite, il pourrait patienter encore deux ans en espérant que l’inflation ralentira et que la crise du logement se résorbera quelque peu. Le pari n’est toutefois pas garanti, et son gouvernement devra proposer de nouvelles mesures rapidement. La reprise parlementaire, la mise à jour économique ou la possible tenue d’un sommet multipartite offriront autant d’occasions d’annoncer une fois pour toutes des actions concrètes, mais concertées.

À Québec, la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a promis un plan d’action pour s’attaquer également à la crise du logement. Espérons que ses consultations menées cet été l’auront aiguillée. Et qu’elles inspireront quelques amendements à son récent projet de loi, décevant pour les locataires.

En marge de ces différents plans d’action seront en outre débattues les capacités d’accueil en immigration. On verra ce qu’il advient du ballon d’essai fédéral laissant entendre que l’arrivée d’étudiants étrangers pourrait être plafonnée pour éviter de surcharger le marché locatif.

Le gouvernement Legault dévoilera s’il maintient le statu quo ou s’il augmente ses cibles d’immigration de 50 000 à 60 000 nouveaux arrivants. Le débat promet d’être animé. Le Devoir révélait que 66 organismes et individus souhaitent être entendus en commission parlementaire. Le gouvernement doit cependant déposer son plan 2024-2027 d’ici le 1er novembre. Le défi sera de taille.

S’ajoutent les deux grandes réformes que le gouvernement Legault souhaite voir adoptées. Le ministre de la Santé, Christian Dubé, assure ne pas souhaiter de bâillon pour que son projet de loi 15 entre en vigueur dès le printemps. Mais il ne l’exclut pas non plus. L’étude parlementaire, bien qu’entamée avant la rentrée, n’a permis d’éplucher jusqu’ici que 105 des 1180 articles proposés.

La réforme de Bernard Drainville sur la gouvernance scolaire est quant à elle plus succincte. En s’octroyant une série de pouvoirs discrétionnaires, le ministre de l’Éducation a toutefois lui aussi soulevé des inquiétudes, qu’il devra apaiser.

D’autant plus que les grands syndicats de ces deux secteurs névralgiques sont en pleines négociations collectives. La menace de grève n’est pas écartée.

On saura enfin si l’énergie nucléaire sera relancée, puisqu’Hydro-Québec fera rapport au gouvernement quant aux sources d’énergies potentielles pour combler le manque d’électricité annoncé. Le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, présentera son projet de loi visant à optimiser le réseau. Une stratégie qui pourrait passer par la modulation des tarifs d’entreprises ainsi que de ceux des consommateurs résidentiels.

Du côté fédéral, le gouvernement Trudeau finira bien par lancer l’enquête publique sur l’ingérence étrangère, promise depuis le début de l’été. Parions que l’annonce n’attendra d’ailleurs pas la rentrée, afin qu’il évite de traîner à nouveau ce boulet aux Communes. La création d’un registre d’agents étrangers, attendu depuis des mois, ne devra pas tarder si les libéraux veulent convaincre la population que leur inertie est chose du passé dans ce dossier.

La nouvelle ministre du Patrimoine, Pascale St-Onge, reprend les laborieuses négociations avec Google et Meta. Espérons que la publication prochaine des règlements qui encadreront l’entrée en vigueur de la loi C-18 sur le partage de leurs revenus avec les médias permettra de relancer les pourparlers.

À travers tout cela, il est à souhaiter que le gouvernement Trudeau accélère enfin le rythme de ses nominations. Il manque un juge à la Cour suprême ainsi que 86 autres juges fédéraux. Le poste de commissaire à l’éthique est vacant depuis cinq mois, celui de la GRC est pourvu par intérim depuis six mois. Si Justin Trudeau veut convaincre le pays que son gouvernement n’est pas à bout de souffle, à mi-chemin de son troisième mandat, il devra faire plus que répliquer à Pierre Poilievre. Il devra gouverner.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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