Comprendre le séisme au Maroc en données

Mosa'ab Elshamy Associated Press Le tremblement de terre a causé des dégâts matériels dans plusieurs régions rurales. À Amizmiz, au sud-ouest de Marrakech, plus de 100 maisons ont été complètement détruites par les secousses.

Un séisme d’une ampleur record a frappé le Maroc tard vendredi dernier. Le tremblement de terre, qui a fait plus de 2900 morts et 5600 blessés, a causé des dégâts matériels dans plusieurs régions, principalement rurales. Décryptage.

Où était situé l’épicentre ?

L’épicentre du séisme a été enregistré à environ 71 km de Marrakech, à Ighil, une commune rurale située au coeur du Haut Atlas, une chaîne montagneuse qui parcourt les régions centrales du Maroc. Ce sont surtout les villages environnants qui ont été le plus fortement touchés par le séisme.

Quelles sont les régions les plus touchées ?

Le séisme a frappé dans la région de Marrakech-Safi, qui regroupe notamment Marrakech, ainsi que les villes côtières de Safi et d’Essaouira. Toutefois, les provinces les plus touchées sont celles d’Al-Haouz — où se situe l’épicentre — et Chichaoua, dans la région de Marrakech-Safi, mais aussi les provinces de Taroudant au sud, dans la région de Souss-Massa, ainsi que Ouarzazate vers l’est, dans la région de Drâa-Tafilalet, et Azilal, au nord-est de l’épicentre, dans la région de Béni Mellal-Khénifra. Le royaume définit ces provinces comme étant des milieux principalement ruraux.

Ces régions sont aussi historiquement berbérophones, où on parle encore de nos jours des langues amazighes, comme le tamazight dans le Moyen-Atlas ou encore le tachelhit, dans le Souss.


 

« Tout s’est arrêté dans cette zone », explique Touhami Abdelkhalek, professeur à la Faculté de gouvernance, sciences économiques et sociales de l’Université Mohammed VI Polytechnique, joint à Rabat par Le Devoir. « Soyons clairs : dans la ville de Marrakech, tout est revenu à la normale. Mais en milieu rural, il n’y a plus rien. […]. Les routes sont bloquées. On voit bien qu’on ne peut accéder ni à la commercialisation ni aux services. »

Dans la ville de Marrakech, tout est revenu à la normale. Mais en milieu rural, il n’y a plus rien.

Le milieu rural est historiquement plus pauvre que la moyenne au Maroc par rapport aux centres urbains, explique le chercheur, qui a longuement travaillé sur la pauvreté au sein du royaume. « Les revenus sont faibles, la productivité est faible, il y a beaucoup d’analphabétisme, les gens vivent dans les montagnes… Que ce soit dans les zones touchées [par le séisme] ou dans les autres zones rurales. »

Cette différence entre les milieux urbains et ruraux au pays remonte aux siècles passés, lorsque l’administration française, à l’époque du protectorat, avait scindé le pays en deux : le Maroc « utile », urbain et économiquement prospère, et le Maroc « inutile », une zone délaissée par les colons français. Principalement rurale, cette zone s’étend sur la diagonale de la ville d’Oujda, au nord-est, jusqu’à Agadir, située sur le littoral atlantique, au sud-est.

Dans cette région, même depuis l’indépendance, « le rattrapage ne s’est pas fait en matière de revenus », explique le professeur. Dans la province d’Al-Haouz, notamment, non seulement les revenus sont faibles, mais l’accès à l’éducation et à la santé est restreint, souligne-t-il. Les habitations y sont encore conçues de façon traditionnelle, et ne sont donc pas toujours aussi solides que les constructions plus modernes en milieu urbain.

La province d’Al-Haouz compte le plus grand nombre de décès, soit 1684 sur les 2946 recensés à l’échelle du pays, selon le dernier bilan du ministère de l’Intérieur.

Quelle est l’ampleur des dégâts matériels ?

L’ampleur des pertes humaines et des dégâts matériels dans cette région s’explique en partie en raison de la situation économique initiale de la région, confirme M. Abdelkhalek.

Des données de l’observatoire européen Copernicus permettent de constater l’étendue des dégâts dans huit communes du pays qui ont subi des dommages importants à la suite du séisme. En date du 12 septembre, le Service Copernicus de gestion des urgences (CEMS) comptait 1416 résidences endommagées réparties dans les huit régions étudiées. C’est à Talat N’Yaaqoub et à Amizmiz que l’on compte le plus de résidences complètement détruites par le séisme, avec respectivement 208 et 121 maisons détruites.


 

Outre les résidences détruites, la commune de Talat N’Yaaqoub est aussi celle qui compte le plus de dommages : 236 habitations ont été endommagées par le séisme, et Copernicus en compte aussi 74 autres « possiblement endommagées ».

Dans les environs d’Amizmiz, c’est dans le petit village de Tafeghaghte que l’on dénombre le plus grand nombre de maisons détruites. Situé à une cinquantaine de kilomètres de l’épicentre, le village a presque été entièrement détruit par le séisme.

Qu’est-ce qui attend le Maroc dans les prochaines semaines ?

En ce moment, la priorité demeure l’aide aux sinistrés. À long terme, toutefois, il est encore trop tôt pour anticiper ce qui s’en vient, explique Touhami Abdelkhalek. Une commission interministérielle a été mise en place par le royaume afin de coordonner les efforts de reconstruction sur le long terme.

Au-delà de l’indemnisation des biens ou d’une reprise des activités économiques locales, le plus gros dossier demeurera la reconstruction des logements détruits et des infrastructures qui les entourent : les routes, les canaux d’irrigation, les écoles, les hôpitaux…

« Pour l’instant [cette organisation] n’est pas encore claire, ce n’est pas encore structuré, dit le chercheur. On sait qu’il y a un fonds de soutien. On sait qu’il va y avoir de l’aide internationale. Mais, est-ce que ce sera suffisant ? Comment est-ce que ce sera distribué aux ménages et aux régions touchées ? »

Avec l’Agence France-Presse



À voir en vidéo