L’industrie laitière veut réduire son empreinte carbone

Charles-Édouard Carrier
Collaboration spéciale
Selon la professeure Édith Charbonneau, les médias ont vite recours à la photo d’une vache pour illustrer la production de méthane, alors que le secteur laitier travaille fort pour s’améliorer.
Photo: Valérian Mazataud Archives Le Devoir Selon la professeure Édith Charbonneau, les médias ont vite recours à la photo d’une vache pour illustrer la production de méthane, alors que le secteur laitier travaille fort pour s’améliorer.

Ce texte fait partie du cahier spécial Recherche: enjeux climatiques

De 1990 à 2019, l’empreinte carbone du lait produit au Canada a diminué de 24 % par litre. Les fermes laitières sont des systèmes complexes et la collaboration entre les chercheurs et les producteurs laisse entrevoir des pistes de solutions durables pour réduire davantage encore les gaz à effet de serre produits par cette industrie. Le projet du nouveau Laboratoire vivant au Québec va dans ce sens.

Édith Charbonneau est professeure titulaire en production laitière à l’Université Laval. Elle s’intéresse tout particulièrement à des projets de recherche en lien avec la durabilité des fermes laitières. De son côté, Marie-Élise Samson, qui s’intéresse à la protection des sols, est agronome et professeure adjointe à l’Université Laval depuis 2021. Toutes les deux collaborent au projet de Laboratoire vivant pour un lait carboneutre, une recherche participative incluant les producteurs laitiers du Québec et qui se déroulera en partie dans les fermes, dans le but de réduire la production de gaz à effet de serre (GES). Le financement fédéral pour le projet a été annoncé récemment par la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, Marie-Claude Bibeau.

Vers un litre de lait carboneutre ?

La course à la carboneutralité est partout, même en cuisine. Qualifiant l’idée d’obtenir un lait carboneutre de « grand défi », Édith Charbonneau affirme que la réduction des gaz à effet de serre du côté des producteurs laitiers est possible. Celle qui est à la direction scientifique du laboratoire piloté par Les producteurs de lait du Québec ajoute toutefois qu’il est difficile d’envisager une production d’aliment zéro carbone « surtout quand on est en production animale ». Est-ce que les producteurs y arriveront ? Difficile à dire, répond-elle. « Mais on amènera des pistes de solutions et des outils pour les aider. »

Les Producteurs laitiers du Canada sont engagés à atteindre la carboneutralité provenant des fermes laitières canadiennes d’ici 2050. Le secteur s’est également fixé des cibles concernant les sols et les terres, l’eau, la biodiversité, les déchets et l’énergie. Le futur de l’industrie laitière laisse donc entrevoir de nombreuses occasions d’avancement, y compris la protection des sols : « Il y a un momentum pour les sols, qui ont longtemps été oubliés. Pourtant, c’est la ressource de base. Il faut se rappeler que la plante pousse sur le sol, elle nourrit l’animal, et l’animal nourrit l’homme. C’est une ressource non renouvelable et elle est en déclin majeur à l’échelle de la planète. Tout ce qui s’y passe est invisible, mais c’est la base de notre société, de notre système alimentaire », plaide Marie-Élise Samson.

Chercheurs et producteurs : cocréation payante

La portion de recherche des projets s’orchestre autour d’une collaboration serrée entre des professeurs chercheurs universitaires de plusieurs universités et des chercheurs d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. L’approche proposée par le Laboratoire vivant ajoute une dimension multidisciplinaire en incluant les producteurs laitiers dans les travaux. Notons que le principe du Laboratoire vivant existe déjà dans d’autres projets de recherche en agroalimentaire.

Pour éviter le travail en vase clos, il faut penser à l’échelle de la ferme et non uniquement au troupeau, comme l’illustre Édith Charbonneau, prônant une approche cocréative et collaborative où la science ne parle plus seulement à la science, mais prend davantage en compte les contraintes du terrain. Par exemple, l’actuel Laboratoire vivant auquel participent les deux chercheuses a démarré avec une journée de réflexion où scientifiques, spécialistes en sciences sociales et producteurs ont discuté des questions, des défis et des intérêts du projet avant même le dépôt des questions de recherche.

« Il y a des défis tant du côté des producteurs que des chercheurs pour créer un lien, même si c’est une forme de recherche qui est de plus en plus mise en avant, fait remarquer Marie-Élise Samson. On a des réalités et des livrables différents, il y a tout un travail pour arrimer [les deux pôles]. Cela signifie pour nous de faire de la recherche différemment, mais en même temps, c’est vers où s’en va la science. »

Une industrie prise pour cible ?

L’empreinte carbone d’un litre de lait produit au Canada est inférieure à plus de la moitié de la moyenne mondiale, ce qui en fait l’une des plus faibles sur la planète. Pourtant, lorsque l’on parle des GES, on pointe souvent du doigt les productions animales, dont l’industrie laitière, entre autres à cause du méthane entérique issu de la fermentation des aliments durant la digestion des vaches.

Les ruminants, même s’ils produisent le méthane, contribuent à maintenir un équilibre dans un écosystème fragile : « Ils consomment les plantes fourragères pérennes et contribuent aux rotations plus saines au niveau des sols. Ils produisent du fumier, un engrais organique qui contribue à la matière organique des sols. Ils mangent des aliments non consommables pour l’humain et les transforment en d’excellents produits pour les humains. Une protéine d’excellente qualité pour les animaux peut se transformer en une protéine excellente pour l’humain », explique la professeure Charbonneau.

Alors, est-ce qu’on s’acharne à tort sur les vaches laitières ou même sur l’industrie bovine lorsque l’on parle de production des gaz à effet de serre ? « J’ai l’impression que d’un point de vue médiatique, on a vite recours à la photo d’une vache […] Pourtant il existe d’autres secteurs qui produisent plus de méthane, comme c’est le cas avec l’énergie par exemple. Mais le secteur laitier travaille fort pour s’améliorer », assure Édith Charbonneau.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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