Prévoir l’impact des changements climatiques sur la qualité de l’air

Kim Nunès
Collaboration spéciale
Des curieux observent le centre-ville de Montréal durant un épisode intense de smog causé par les feux de forets dans le Nord du Québec, en juin dernier.
Photo: Valérian Mazataud Archives Le Devoir Des curieux observent le centre-ville de Montréal durant un épisode intense de smog causé par les feux de forets dans le Nord du Québec, en juin dernier.

Ce texte fait partie du cahier spécial Recherche: enjeux climatiques

Malgré les récents épisodes de smog qui, cet été, ont placé Montréal dans le palmarès des trois villes dont l’air était le plus pollué dans le monde, la qualité de l’air serait généralement bonne au Québec. Mais qu’en sera-t-il dans l’avenir ? C’est ce sur quoi travaille entre autres le professeur et chercheur en chimie environnementale de l’Université de Montréal Patrick Hayes. Avec son équipe, il se concentre sur la modélisation des effets des changements climatiques sur la qualité de l’air. Il étudie conséquemment les particules atmosphériques qui influencent le climat afin de déterminer leur impact environnemental.

Jusqu’à maintenant, le bilan québécois est bon puisque les lois et les mesures mises en place dans les dernières années par les gouvernements pour réduire les émissions de polluants ont été concluantes. Ainsi, à titre comparatif, la concentration de particules fines à Montréal en 2000 était considérablement supérieure à celle observée en 2020, note Patrick Hayes. « Il y a beaucoup de progrès, mais dans l’avenir, les changements climatiques auront pour effet d’augmenter la concentration des polluants », ajoute-t-il. Cela pourrait donc affecter la qualité de l’air.

Nicole Trieu, étudiante au doctorat de l’Université de Toronto, s’intéresse, avec le professeur Hayes, à la composition de la fumée des feux de forêt et à sa toxicité. Elle soutient d’ailleurs que l’augmentation de la température à cause du réchauffement climatique entraînera une plus grande concentration de polluants secondaires, soit des polluants qui se créent « lorsque deux polluants primaires réagissent au soleil et à l’air stagnant », peut-on lire sur le site du gouvernement du Canada. Parmi les polluants secondaires à surveiller, il y a l’ozone, un gaz incolore qui peut avoir d’importantes répercussions sur la santé publique si sa concentration est élevée.

Prévoir la concentration de tels polluants fait partie des objectifs de la modélisation des effets des changements climatiques, car cela permet aux chercheurs d’évaluer et de prévoir l’évolution de la qualité de l’air. Il s’agit donc d’un modèle où la composition de l’atmosphère, y compris le vent, est simulée afin d’étudier la corrélation qui existe entre les changements climatiques, la composition atmosphérique et les conditions météorologiques.

Le voyage des polluants

Si plusieurs polluants sont susceptibles de nuire à la qualité de l’air au Québec, ceux causés par les feux de forêt ne sont pas négligeables. « Les changements climatiques ont un impact sur la fréquence des feux de forêt et les feux de forêt ont un impact sur la qualité de l’air, affirme Nicole Trieu. La fumée produite par ces feux et les panaches de fumée ont d’ailleurs la capacité d’être transportés sur de très longues distances, car l’air n’a pas de frontières. Ils peuvent donc voyager grâce aux vents dominants et affecter les gens qui habitent près des feux de forêt, mais aussi ceux qui vivent à des milliers de kilomètres », explique-t-elle.

Puis, comme le mentionne Patrick Hayes, le Québec se trouve à un mauvais endroit puisque sa position géographique fait en sorte qu’il reçoit généralement les émissions des autres provinces et des États-Unis. De plus, puisque le réchauffement climatique a un effet sur le mouvement du vent, soit sur sa circulation, les feux de forêt auront de plus en plus d’incidences sur la qualité de l’air du Québec.

« Il faut donc résoudre le problème à la source en réduisant le plus rapidement possible les émissions de gaz à effet de serre », indique Patrick Hayes. Comment ? Utiliser les transports collectifs et actifs fait partie des pistes de solution. Réduire notre utilisation de produits ménagers polluants et de parfums qui émettent des contaminants de composés organiques volatils (COV) dans l’atmosphère fait aussi partie des gestes quotidiens qui peuvent influencer la qualité de l’air de la province.

Des contaminants atmosphériques

Au printemps dernier, le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs a publié l’inventaire québécois des émissions des principaux contaminants atmosphériques de 2020 ainsi que leur évolution depuis 1990.

Outre les particules totales et respirables qui ont augmenté en raison du nombre de voitures sur les routes et de l’accroissement des chantiers de construction qui créent de la poussière, la majorité des émissions de contaminants ont diminué.

En effet, les lois et les mesures mises en place par les gouvernements ont permis de réduire de presque la moitié les émissions de monoxyde de carbone (CO) et d’oxydes d’azote (NOx) issues principalement du secteur du transport. Les émissions de composés organiques volatils (COV) provenant également des secteurs des transports, mais aussi de l’utilisation des peintures et des solvants, ont quant à elles diminué de 58,2 %. Les émissions de dioxyde de soufre (SO2) attribuables au secteur des minerais et des industries minérales ont, pour leur part, diminué de 72,7 % au cours des 30 dernières années.

Ce portrait permet aux chercheurs de faire des projections en plus de permettre aux décideurs d’élaborer des stratégies, des politiques et des règlements afin de contrôler la qualité de l’air.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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