Les résidents de Ville-Marie veulent élire leur maire d’arrondissement

Lors de la campagne électorale de 2021, Projet Montréal avait promis de revoir la gouvernance de Ville-Marie.
Photo: Olivier Zuida archives Le Devoir Lors de la campagne électorale de 2021, Projet Montréal avait promis de revoir la gouvernance de Ville-Marie.

La gouvernance de l’arrondissement de Ville-Marie fera-t-elle l’objet d’une réforme ? C’est ce que souhaitent une majorité de citoyens ayant participé à une consultation menée au printemps dernier. Ceux-ci veulent pouvoir élire leur maire d’arrondissement ainsi que l’ensemble de leurs conseillers locaux.

L’hiver dernier, l’administration Plante avait confié à l’Institut du Nouveau Monde (INM) la mission de tenir une consultation afin de sonder la population sur le modèle de gouvernance instauré en 2009 dans Ville-Marie. Rappelons que cet arrondissement est dirigé de facto par le maire de la Ville, qui désigne deux conseillers poursiéger au conseil d’arrondissement, le tout afin de garantir la majorité à l’administration en place.

Ce système est décrié depuis son implantation par des résidents qui dénoncent le déficit démocratique dont ils font les frais.

 

Pour guider l’exercice de consultation, trois scénarios avaient été élaborés par un comité d’experts. Le premier scénario maintenait le statu quo, le second suggérait que le maire d’arrondissement soit désigné parmi les conseillers élus et le troisième proposait l’élection au suffrage universel du maire et de tous les conseillers de l’arrondissement.

Plus de 731 personnes, des résidents de Ville-Marie dans la grande majorité, ont participé à la consultation en répondant à un questionnaire en ligne ou en participant à des ateliers de discussion.

Un message clair

Les résultats de la consultation menée par l’INM sont sans équivoque. Trois personnes sur quatre ayant répondu au questionnaire sont insatisfaites du système électoral actuel. Et la grande majorité des répondants souhaitent l’élection directe du maire d’arrondissement. « Les électeurs et électrices de l’arrondissement de Ville-Marie se sentiraient mieux représentés par cette personne qui aurait plus de temps pour se consacrer aux enjeux locaux puisqu’elle n’aurait plus à assumer les responsabilités liées à sa double fonction », indique le rapport.

Les citoyens sont aussi nombreux à demander que les conseillers désignés soient remplacés par des conseillers élus localement.

Pour les participants, la désignation d’un maire d’arrondissement par le mairede la Ville parmi les conseillers élus « ne permettrait pas de régler le déficit démocratique perçu ». Si, toutefois, ce scénario était retenu, plusieurs citoyens ont suggéré que cette personne soit identifiée dès l’élection municipale comme « colistier » du maire de la Ville.

Quelques personnes, soit 58 des 639, privilégient le statu quo, estimant que la double fonction du maire de Montréal permet un accès privilégié à celui-ci et facilite le développement de l’arrondissement, jugé stratégique.

Promesse de campagne

Lors de la campagne électorale de 2021, Projet Montréal avait promis de revoir la gouvernance de Ville-Marie. Vendredi, l’administration Plante a dit prendre acte du rapport. « Il s’agit d’un travail important que nous considérons avec beaucoup de sérieux. Notre premier objectif était de procéder de manière collaborative et ouverte et, aujourd’hui, c’est chose accomplie », a commenté le conseiller Robert Beaudry, responsable de la participation citoyenne et de la démocratie au comité exécutif, dans une déclaration transmise au Devoir.

Pour l’instant, toutefois, l’administration n’est pas prête à prendre une décision. « Nous prendrons les prochains mois pour analyser le rapport et y répondrons officiellement à l’automne », a indiqué M. Beaudry.

Rétablir le système électoral d’avant 2009 ouvre la porte à des litiges entre la mairie de Montréal et l’administration de Ville-Marie. C’est d’ailleurs en raison d’un différend avec l’ancien maire de Ville-Marie, Benoit Labonté, que l’ex-maire Gérald Tremblay avait obtenu du gouvernement du Québec un statut particulier pour cet arrondissement.

Une réforme souhaitable

Professeure au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’UQAM, Danielle Pilette voit d’un bon oeil une réforme de la gouvernance dans Ville-Marie. « Je ne vois pas pourquoi il y aurait à Montréal deux statuts de citoyens ; des résidents qui seraient desservis par une démocratie de proximité et d’autres qui ne le seraient pas sous prétexte qu’ils habitent dans Ville-Marie », explique-t-elle.

Selon elle, la mairesse en a déjà plein les bras avec la présidence de la Communauté métropolitaine de Montréal et celle de l’agglomération de Montréal, en plus de la mairie de Montréal. Par ailleurs, le risque de désaccord entre les deux mairies ne devrait pas être un obstacle à une réforme, croit-elle. « Je trouverais très sain qu’il y ait une diversité de représentation politique au sein de l’arrondissement de Ville-Marie, comme on peut avoir dans d’autres arrondissements », dit-elle.

Professeur à l’École nationale d’administration publique, Rémy Trudel est d’avis qu’il faut donner suite à la demande de la majorité des participants à consultation. « Je trouve ça tout à fait souhaitable. Ça réconcilie les citoyens avec la démocratie locale, avance-t-il. On voit bien que les arguments qui avaient été présentés pour accorder un statut spécial à Ville-Marie [en 2009] ne tiennent plus. »

Reconnaissant que porter le nombre d’élus montréalais à 106 est peut-être exagéré, alors que Toronto n’en compte que 25, les deux experts estiment que, près de 25 ans après les fusions municipales, il serait temps de réfléchir à une réduction du nombre d’élus. « On pourrait faire un examen comparatif avec d’autres villes de taille similaire », suggère M. Trudel.

Danielle Pilette évoque la fusion de districts électoraux et une refonte des arrondissements. Elle propose même de scinder l’arrondissement de Ville-Marie pour que la partie est de l’arrondissement, très résidentielle, soit intégrée à un autre arrondissement, celui du Plateau-Mont-Royal, par exemple.

Si l’administration Plante donnait suite aux demandes citoyennes en vue des élections de 2025, il lui faudrait demander à Québec des modifications législatives.

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