Le Québec, grand absent du congrès des conservateurs

«J’ai l’impression que le parti conservateur cherche à cacher ses vraies orientations après les prochaines élections», écrit l’auteur.
Jacques Boissinot La Presse canadienne «J’ai l’impression que le parti conservateur cherche à cacher ses vraies orientations après les prochaines élections», écrit l’auteur.

Une revue sommaire du cahier des propositions du congrès conservateur qui se déroule à Québec du 7 au 9 septembre nous apprend que le Québec et ses 9 députés sont pratiquement absents des débats. J’ai noté à peine cinq propositions marginales de circonscriptions québécoises, dont deux de Charlesbourg — Haute-Saint-Charles.

Curieusement, la députation québécoise n’a soumis aucune proposition prioritaire pour la population du Québec, dont le congrès se déroule justement à proximité de l’Assemblée nationale. Tout se passe comme si le Québec était une entité abstraite aux yeux des conservateurs. Bienvenue tout de même aux 3000 délégués dans la plus belle ville touristique au Canada !

Un programme politique caché jusqu’après les prochaines élections ?

J’ai l’impression que le Parti conservateur cherche à cacher ses vraies orientations jusqu’après les prochaines élections. Pensons-y, les conservateurs du Québec ne font aucune mention de la contestation de la loi 21 sur la laïcité de l’État québécois, une priorité de leur parti, pourtant un enjeu majeur pour l’identité québécoise. Rien non plus sur les pouvoirs en immigration, un contentieux incontournable en cette période de manque de main-d’oeuvre, de logements et de question de protection du français au Québec.

Rien non plus sur l’unilinguisme anglophone de la gouverneure générale du Canada, ni sur celui de la lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick, pourtant une province officiellement bilingue. Par ailleurs, le bilinguisme des juges à la Cour suprême ne semble pas être une priorité pour les conservateurs dans un pays officiellement bilingue.

Enfin, dans un tel désert d’idées, faut-il s’étonner d’avoir plusieurs propositions annonçant la fin du financement de CBC/Radio-Canada, une menace selon eux à la liberté d’expression ?

Le silence complice de l’extrême droite

Quant aux orientations associées à l’extrême droite religieuse du parti, comme l’abolition du droit à l’avortement sauf dans le cas de la sélection du sexe de l’enfant, le silence complice semble de mise. Toutefois, il y a une proposition contre l’aide médicale à mourir, que l’on associe à tort au suicide assisté, une avancée que le Québec doit protéger ; j’ai hâte d’entendre les délégués du Québec sur cette question.

Quant au contrôle des armes à feu, sans nommer les armes de poing ou à répétition, dont la possession, dit-on, « fait partie du patrimoine canadien », on ne parle que de peine de prison plus forte pour ceux qui en font le trafic sans faire mention du contrôle de la passoire des réserves autochtones frontalières, un non-sens absolu !

Sans surprise, les conservateurs sont contre la taxe carbone et soutiennent l’utilisation du pétrole et du gaz tout en faisant la promotion de nouvelles technologies diminuant les GES, notamment la captation du carbone, dont l’efficacité reste à être prouvée.

Un Québec orphelin des conservateurs selon les sondages

 

Les conservateurs sont euphoriques, les sondages leur donnent en moyenne dix points d’avance sur les libéraux à travers le Canada, sauf au Québec où ils sont troisièmes selon le dernier sondage Léger avec 18 % du vote derrière les libéraux (30 %) et le Bloc québécois (36 %). Le congrès à Québec leur permettra-t-il d’augmenter leur appui auprès des citoyens québécois ?

En analysant leur programme politique, j’en doute, je crois que les conservateurs ont fait leur deuil du Québec. Selon leur calcul, ils peuvent obtenir une majorité de sièges au Parlement d’Ottawa sans l’appui du Québec, d’où l’absence de leadership de la députation québécoise devenue au mieux un écran de fumée pour cacher leurs véritables orientations. Le Québec est-il devenu le « village politique gaulois canadien » ?

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com. Juste envie d’en lire plus? Abonnez-vous à notre Courrier des idées.

À voir en vidéo