Un faux avocat en immigration condamné pour pratique illégale

Pour déterminer la peine, la juge s’en est remise aux arguments de la procureure, qui a exposé plusieurs facteurs aggravants, dont la durée de la tromperie. Elle a également insisté sur le fait que Ricky Sirroi est membre actif du collège des consultants en immigration sous le nom de Parminder Singh.
Catherine Legault Archives Le Devoir Pour déterminer la peine, la juge s’en est remise aux arguments de la procureure, qui a exposé plusieurs facteurs aggravants, dont la durée de la tromperie. Elle a également insisté sur le fait que Ricky Sirroi est membre actif du collège des consultants en immigration sous le nom de Parminder Singh.

Un faux avocat en immigration poursuivi par le Barreau pour exercice illégal de la profession a été condamné à une amende de plusieurs milliers de dollars vendredi au palais de justice de Montréal. Parminder Singh, qui se présente sous plusieurs identités, dont celle de Ricky Sirroi, a exigé d’importantes sommes à des clients qui lui ont confié diverses demandes d’immigration, demandes auxquelles il n’a jamais donné suite.

Plusieurs ex-clients de Ricky Sirroi, qui a aussi utilisé le nom de Sarabjot Singh, ont accepté de raconter leurs déboires au Devoir. Tous ont évoqué son manque de diligence et ont déploré, preuves à l’appui, avoir perdu des milliers de dollars pour leurs demandes d’immigration qui ont été bâclées et, dans certains cas, n’ont même pas été déposées.

Paramjeet Singh se dit très frustré des services qu’il a reçus de Ricky Sirroi. En 2019, à la suggestion d’un ami, cet homme, qui vit aujourd’hui en Ontario, a sollicité les services du prétendu avocat pour en appeler de sa demande d’asile qui venait d’être refusée.

Or, Paramjeet ignorait que son interlocuteur n’était pas un avocat et qu’il ne pouvait donc pas représenter quiconque devant la Cour fédérale. C’est en recevant un avis de renvoi de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) qu’il a compris que son appel avait été rejeté. « J’ai essayé d’appeler [Ricky Sirroi], mais il n’a jamais répondu. Quand j’avais besoin de lui, il ne me répondait pas », a raconté Paramjeet, qui avait déboursé 1500 $ pour cette démarche.

À force d’insister, il finit par reprendre contact avec Ricky Sirroi, qui lui a cette fois demandé 2000 $ en argent comptant pour le dépôt d’une demande de résidence permanente pour motifs humanitaires, soit le dernier recours possible. « Mais deux mois plus tard, j’ai voulu vérifier où en était le dossier et il n’a pas répondu à mes appels. Il avait disparu. »

Après des mois de démarches et d’incertitude sur son statut, Paramjeet Singh a finalement pu obtenir la résidence permanente en janvier dernier, grâce à sa conjointe, qui l’a parrainé.

Ricky a ruiné ma vie.

Deux autres ex-clients d’origine indienne, qui ont souhaité garder l’anonymat pour ne pas nuire à leurs demandes d’immigration en cours, ont également raconté au Devoir qu’ils ont été très insatisfaits du service offert par Ricky Sirroi, qui s’est présenté à eux comme un avocat. L’un d’eux dit lui avoir versé plus de 4000 $ pour diverses démarches d’immigration, dont une demande de résidence permanente pour motifs humanitaires en 2021 dont il n’a jamais eu de nouvelles. « Ça fait un an que je n’ai pas de ses nouvelles. Quand tu paies quelqu’un pour des services, la moindre des choses, c’est qu’il te retourne tes appels », dit cet homme, qui souhaite ardemment régler sa situation migratoire pour revoir sa famille qu’il n’a pas vue depuis dix ans. « Ricky a ruiné ma vie. »

De sérieux préjudices

 

Ce sont plusieurs plaintes au Barreau de Montréal qui ont permis d’entamer le recours en 2021. Après avoir plaidé non coupable en 2021 aux accusations d’exercice illégal de la profession, Parminder Singh, alias Ricky Sirroi, s’est ravisé et a reconnu sa culpabilité. Lors d’une audience pour déterminer la peine en avril dernier, M. Singh s’était alors présenté pour informer la cour qu’il voulait revenir à son idée initiale, soit celle de plaider « non coupable », ce qui n’a vraisemblablement pas été fait.

Lors des observations sur la peine vendredi, une autre victime a exprimé tout le tort que lui a causé Ricky Sirroi. Alors qu’elle venait d’apprendre qu’elle était enceinte, la jeune femme lui a versé près de 4000 $ pour des démarches d’immigration pour elle, mais aussi pour faire venir son mari resté en Afrique. « Je lui demandais toujours des nouvelles du visa de mon mari, et je n’en ai jamais eu », a raconté la témoin Soumahoro, devant la juge. « J’ai été hospitalisée, j’étais malade. À cause du stress, j’ai accouché prématurément. J’étais sous le choc. »

Encouragée par un nouvel avocat de l’aide juridique — à laquelle elle a appris qu’elle avait droit —, Mme Soumahoro s’est renseignée elle-même auprès d’Immigration Canada pour savoir si une demande de visa avait été déposée au nom de son mari. « Il m’a dit qu’il n’y avait pas eu de demande faite en son nom. »

Mme Soumahoro a expliqué à la cour à quel point elle a souffert de la situation causée par Ricky Sirroi puisqu’elle s’est retrouvée seule pour s’occuper d’un bébé prématuré et qu’elle était en dépression. « Le fait de ne pas pouvoir ravoir mes documents rendait le travail de mon [nouvel] avocat difficile et, moi, j’étais très anxieuse », a-t-elle confié. « C’est comme quelqu’un qui est déjà à terre et qui a juste besoin d’un peu d’espoir, mais on lui tire dessus à coups de fusil. » Aujourd’hui, son statut est régularisé, mais son mari attend toujours sa résidence permanente.

Une peine « peu sévère »

Parminder Singh, alias Ricky Sirroi, écope ainsi, en plus des frais de cour, d’une amende de 7500 $, soit plus que le minimum, qui est de 2500 $ pour ce type d’infraction. Une peine que la juge Patricia Compagnone a elle-même admis trouver « peu sévère » à la lumière du dossier présenté.

Pour déterminer la peine, la juge s’en est remise aux arguments de la procureure, qui a exposé plusieurs facteurs aggravants, dont la durée de la tromperie. « Il a mené madame en bateau sur les délais d’immigration, alors qu’aucun dossier n’a été ouvert », a fait valoir MNathalie Guertin. Elle a également insisté sur le fait que Ricky Sirroi est membre actif du Collège des consultants en immigration et en citoyenneté du Canada (CCIC) sous le nom de Parminder Singh. « Il est inscrit comme consultant réglementé, il connaît les règles. »

La juge Patricia Compagnone a trouvé « indignant » le comportement de Ricky Sirroi à l’endroit de son ex-cliente, « qui était pour le moins vulnérable » et à qui « il aurait pu offrir légalement le service à titre de consultant réglementé. » Quant à la décision de l’accusé de plaider coupable, elle la considère comme un facteur atténuant, qui a « très peu de valeur » dans les circonstances.

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