Identité de genre: le chef du PQ trahit-il l’héritage de son parti?

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon
Jacques Boissinot La Presse canadienne Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon

Après avoir affirmé que personne ne le contraindra à appeler une personne non binaire « Mx » puisqu’il n’a jamais entendu le mot auparavant, le chef du Parti québécois (PQ), Paul St-Pierre Plamondon, récidive avec la question des toilettes mixtes à l’école. Selon lui, des idéologies en provenance de la « gauche radicale » s’imposeraient dans le milieu scolaire et il incomberait à l’Assemblée nationale de tenir une commission parlementaire sur le prétendu phénomène.

Malgré ses récentes explications, ces déclarations demeurent oppressantes, stigmatisantes, et rompent avec l’héritage de sa formation politique. Cela s’inscrit dans la logique des « guerres culturelles » menées par les néoconservateurs américains contre les minorités sexuelles et de genre.

La démocratie et le respect des minorités

 

Ces déclarations sont oppressantes puisque ce n’est pas le rôle de l’Assemblée nationale de fixer l’identité des groupes minoritaires et la façon de les interpeller. Notre régime politique, soit la démocratie libérale, repose sur la recherche d’un équilibre entre le respect de la règle de la majorité et la protection des libertés individuelles ainsi que des droits des minorités. Il serait ainsi malavisé de demander à l’institution majoritaire par excellence, soit l’Assemblée nationale, de débattre seule et de légiférer sur la meilleure manière de désigner et d’accommoder les minorités. Ces dernières doivent être parties prenantes de cette réflexion.

S’il est évident que les pronoms neutres et les toilettes mixtes ne méritent pas une attention médiatique aussi grande, les préjugés et les stéréotypes qui ont été exprimés dans la foulée de ces affaires doivent évoquer quelque chose à Québec. Malheureusement, les interventions faites par le chef du PQ viennent plutôt confirmer et valider ces préjugés. En sous-entendant que la suspicion à l’égard de la diversité de genre est normale et légitime, il donne indirectement plus de travail à la ministre responsable de la Lutte contre l’homophobie et la transphobie, Martine Biron.

L’historique du PQ

Les déclarations de Paul St-Pierre Plamondon contreviennent aussi à l’héritage de son parti politique en matière de reconnaissance des communautés de la diversité sexuelle et de genre. Sur cette question, le PQ a pourtant fait figure de pionnier. Après tout, c’est Marc-André Bédard, alors ministre de la Justice dans le gouvernement Lévesque, qui a modifié en 1977 la Charte québécoise des droits et libertés pour y inscrire l’interdiction de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Pensons également à l’adoption en 2002 du projet de loi 84, qui permet notamment l’union civile des conjoints de même sexe, que parraina le ministre Paul Bégin.

Il y a aussi les figures marquantes que représentent les Claude Charron, Agnès Maltais et compagnie. La visibilité positive qu’ont donnée ces personnalités politiques à ce qui était malheureusement considéré comme une pathologie il y a quelques décennies à peine mérite d’être soulignée. Le PQ a toujours été à l’avant-garde sur ces questions et gagnerait à le demeurer. Pour ce faire, le tir doit être rectifié.

La réflexion à venir

La polémique actuelle sur l’identité de genre coïncide avec la sortie de l’excellent documentaire La purge LGBT. La sombre histoire, qui relate la violence d’État opérée par la fonction publique fédérale dans la seconde moitié du XXe siècle à l’endroit des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles, trans, queers et bispirituelles. Ce documentaire, accessible sur Tou.tv, constitue un vibrant témoignage sur la déshumanisation silencieuse à laquelle peuvent concourir nos institutions publiques. Ce piège doit être à tout prix évité dans l’actuel débat public.

Ainsi, respecter et consulter sérieusement les personnes qui s’identifient à la diversité de genre s’impose avant de poursuivre la discussion. Le ministre Bernard Drainville devra tenir compte de cette donnée primordiale dans la « réflexion collective » qu’il souhaite mener sur la question. Afin d’éviter de nouveaux dérapages, il importe aujourd’hui de relever le niveau du débat.

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