Anticiper les risques pour les infrastructures hydroélectriques et minières

Jean-François Venne
Collaboration spéciale
Dans un contexte de changements climatiques, les statistiques du passé n’aident plus autant qu’avant à prévoir les événements hydrométéorologiques.
Photo: Guillaume Levasseur Archives Le Devoir Dans un contexte de changements climatiques, les statistiques du passé n’aident plus autant qu’avant à prévoir les événements hydrométéorologiques.

Ce texte fait partie du cahier spécial Recherche: enjeux climatiques

Les changements climatiques mettent à mal les anciens modèles de simulation des aléas hydrométéorologiques. Un professeur de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) dirige un projet de recherche pour affiner la prédiction de ces événements et ainsi prévoir les risques de dommages sur les infrastructures névralgiques de la province.

L’épisode de verglas qui a plongé des milliers de foyers québécois dans le noir en décembre dernier a coûté au bas mot 55 millions de dollars à Hydro-Québec. Une facture salée, mais moins que celle de 70 millions de dollars liée aux dégâts du dérécho de mai 2022, une ligne orageuse violente qui a généré des vents horizontaux ayant atteint jusqu’à 144 km/h.

Depuis quelques années, Hydro-Québec cherche des moyens de mieux comprendre comment les aléas hydrométéorologiques comme les vents intenses, les précipitations et les crues affecteront leurs activités de production, de distribution et de transport d’électricité. Dans un contexte de changements climatiques, les statistiques du passé n’aident plus autant qu’avant à prévoir ces événements.

En 2018, la société d’État a approché Philippe Gachon, professeur au Département de géographie de l’Université du Québec à Montréal et membre du Centre pour l’étude et la simulation du climat à l’échelle régionale (ESCER). « Le Centre ESCER a développé un modèle régional du climat à haute résolution, lequel permet une meilleure prévisibilité des aléas hydrométéorologiques », explique le chercheur. L’élaboration de ce modèle a été financée par le gouvernement du Québec.

Une meilleure visibilité

Le Centre ESCER a récemment obtenu une subvention de 3,6 millions de dollars du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) pour mener un projet de recherche visant à améliorer la connaissance des risques associés aux aléas hydrométéorologiques, dans un contexte de changements climatiques.

« Nous contribuerons à prévoir les conséquences possibles des vents intenses et des précipitations et crues maximales probables sur les activités d’Hydro-Québec, mais également de certaines entreprises minières et du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs du Québec (MELCCFP) », précise le chercheur. Polytechnique Montréal et l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue participent aussi au projet, en particulier pour la partie qui concerne les mines.

Mais qu’est-ce exactement qu’un modèle climatique à haute résolution ? « C’est un modèle qui permet, par exemple, de bien reproduire la topographie d’un lieu — comme la vallée du Saint-Laurent ou les montagnes des Appalaches ou des Laurentides — qui a une incidence sur les vents et les régimes de précipitations », explique Philippe Gachon. Il ajoute que de tels modèles sont nécessaires pour prévoir la plupart des précipitations extrêmes, car ils permettent, entre autres, de reproduire les cellules orageuses.

Les informations générées par le projet de recherche sont destinées à être intégrées dans les processus décisionnels et les analyses de risque d’Hydro-Québec, du MELCCFP et des entreprises minières.

Un partenaire de choix

Ouranos, un organisme qui travaille à aider la société québécoise à mieux s’adapter aux changements climatiques, sera lui aussi de l’aventure. Il est d’ailleurs le plus gros partenaire financier du projet, après le CRSNG. Mais sa contribution dépasse l’octroi de fonds.

« Plusieurs de nos spécialistes en analyse de données climatiques participeront à l’encadrement des étudiants avec d’autres chercheurs, précise Alain Bourque, directeur général d’Ouranos. Notre spécialité est justement d’aider des étudiants et des chercheurs à garder un pied dans le monde académique et un autre dans la réalité d’autres parties prenantes, comme dans ce cas-ci Hydro-Québec et les entreprises minières. »

Alain Bourque estime d’ailleurs que la création d’expertises représentera l’un des résultats les plus importants de ce projet. « On peut penser que beaucoup des étudiants qui feront des maîtrises ou des doctorats dans le cadre de cette initiative travailleront ensuite dans ce domaine, dans des sociétés d’État ou privées, ou à l’université », souligne-t-il.

De son côté, Ouranos bénéficiera de nouvelles données et de scénarios hydrométéorologiques plus précis à des échelles locales, qu’il pourra rendre accessibles à d’autres usagers.

Partager les connaissances

L’équipe de Philippe Gachon a déjà obtenu des résultats encourageants en testant son modèle de simulation rétrospectivement sur le dérécho de 2022. Elle commencera bientôt à l’utiliser de manière prospective, pour prédire des événements futurs. Actuellement, le modèle a une résolution de 2,5 km, mais le chercheur croit que cette précision pourrait à terme atteindre quelques centaines de mètres. Cela permettrait par exemple de mesurer et de comparer les effets des îlots de chaleur dans les zones asphaltées et les zones vertes d’une ville comme Montréal.

« Ce sera aussi important de travailler au transfert des connaissances auprès des décideurs gouvernementaux, estime le chercheur. Nos gouvernements ont besoin de connaissances de pointe pour mettre en place des mesures d’adaptation aux changements climatiques réellement efficaces. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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