Un cadre contractuel de 5000 pages autour du tramway de Québec

Plus volumineux que l’intégrale d’À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, ces contrats comporteront des exigences d’usage sur l’exécution des travaux, mais aussi sur les devoirs que les partenaires privés devront remplir pendant la phase d’exploitation.
Photo: Ville de Québec Plus volumineux que l’intégrale d’À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, ces contrats comporteront des exigences d’usage sur l’exécution des travaux, mais aussi sur les devoirs que les partenaires privés devront remplir pendant la phase d’exploitation.

La Ville de Québec imposera un contrat de plus de 5000 pages aux deux partenaires privés choisis pour réaliser et exploiter son tramway. Une façon de garantir « des seuils de performance », selon le bureau de projet, mais qui pourrait aussi faire gonfler la facture, selon une experte.

Plus volumineux que l’intégrale d’À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, ces contrats comporteront des exigences d’usage sur l’exécution des travaux, mais aussi sur les devoirs que les partenaires privés devront remplir pendant la phase d’exploitation.

« Il y aura des exigences en matière de fiabilité, de maintenabilité, de disponibilité et de sécurité », a précisé, mardi, le directeur du bureau de projet, Daniel Genest, lors d’une séance du comité plénier consacré au tramway. « Si [les partenaires privés] ne les respectent pas, ils ne seront pas payés. C’est aussi simple que ça. »

L’exercice du comité plénier a permis d’obtenir un aperçu des obligations que les partenaires privés devront respecter. Les deux contrats — un de 2000 pages pour le matériel roulant et un autre de 3000 pour les infrastructures — iront du nettoyage quotidien des wagons à l’entretien du système d’alimentation, en passant par le déneigement synchronisé des rails centraux et des voies partagées sur le boulevard René-Lévesque.

« Nous définissons le cadre et ensuite, nous mesurons la performance pendant la période d’exploitation de 30 ans, a indiqué M. Genest, donnant en exemple la taille des 30 000 arbres devant remplacer les 1500 abattus pour faire place au tramway. « Nous n’accepterons pas de nous faire remplacer des arbres de 15 cm par des arbres d’un cm. »

Selon le directeur du bureau de projet, cette façon de faire permettra de garder le contrôle sur le chantier. « À Montréal, vous avez le projet du REM, livré par CDPQ Infra qui a des objectifs différents de ceux qu’une ville a normalement, a affirmé Daniel Genest. C’est éminemment plus simple de travailler à Québec qu’à Montréal : nous avons l’avantage d’avoir la Ville qui impose sa vision aux partenaires privés. »

Facile à dire, difficile à faire

Il est toutefois plus facile de menacer un partenaire de le priver de paiement que de passer à l’acte, avertit Danielle Pilette, professeure et spécialiste de la gestion municipale à l’Université du Québec à Montréal. Même en vertu d’un contrat-fleuve. « Nous l’avons vu dans les contrats publics comme le CHUM, relève-t-elle. La performance n’a pas été sans problème et le ministère de la Santé a cédé, même s’il y avait des enjeux majeurs comme des infiltrations d’eau. »

La professeure croit d’ailleurs qu’une trop longue liste d’exigences pourrait décourager des soumissionnaires. « Ma crainte, indique Mme Pilette, c’est que plus nous allons ajouter des exigences de performance, moins nous aurons de soumissionnaires et plus les coûts vont être élevés. »

Pour le moment, quatre consortiums ont manifesté leur intérêt pour concevoir et exploiter le tramway : Siemens et Alstom ont levé la main pour réaliser les rames, ModerniCité et Mobilité de la Capitale sont en lice pour concevoir l’infrastructure.

Estimée à 3,965 milliards de dollars, la facture du tramway de Québec doit faire l’objet d’une mise à jour en novembre prochain, lors du dépôt du dossier d’affaires devant la Société québécoise des infrastructures.

Arbres à trouver

D’ici là, la Ville entrevoit la possibilité d’apporter d’autres modifications au projet, notamment pour sauver des arbres matures en bordure du boulevard René-Lévesque. « Il y a des optimisations possibles, a indiqué Alejandro Calderón, chef d’équipe de l’intégration urbaine au sein du bureau de projet. Nous revenons à la planche à dessin ce printemps. »

La station Saint-Charles-Garnier pourrait ainsi passer à la trappe ou être déplacée, une solution que le maire Bruno Marchand ne préconise pas, pour l’instant, en raison de sa proximité avec d’importants pôles comme le collège Garnier, l’hôpital du Saint-Sacrement ou le siège social d’Industrielle Alliance.

Par ailleurs, l’approvisionnement auprès des pépinières pourrait devenir problématique, au moment où la vision de l’arbre de Québec, jumelée à la promesse de planter 20 arbres pour chacun des 1500 abattages prévus dans la foulée du tramway, nécessitera 130 000 feuillus et confères d’ici 2027.

« C’est une réelle problématique », a estimé Etienne St-Pierre, responsable de la foresterie urbaine au sein du bureau de projet. « Nous sommes conscients qu’il y aura une grande demande d’arbres et que les pépiniéristes pourraient faire face à des défis », a renchéri le directeur, Daniel Genest, en estimant que le tramway de Québec se hissait « dans le top 10 » des grands projets d’infrastructure publique en matière de protection de la canopée.

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