Une poudrière sous tension en Iran

La mort de Mahsa Amini, le 16 septembre 2022, a déclenché une immense vague de contestation sévèrement réprimée par le régime iranien.
Agence France-Presse La mort de Mahsa Amini, le 16 septembre 2022, a déclenché une immense vague de contestation sévèrement réprimée par le régime iranien.

Un an s’est écoulé depuis que le peuple iranien s’est soulevé contre la tyrannie religieuse qui l’opprime depuis des décennies. Cette révolte a secoué les fondements mêmes du régime théocratique en place. À l’approche du sinistre anniversaire du massacre de Zahedan, le mouvement pour la justice et les partisans de la liberté baloutches ont annoncé la création d’une unité rebelle, signe d’une détermination inébranlable. Auparavant, le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) avait dévoilé la formation de 5000 unités de résistance, prêtes à en découdre.

Face à cette menace grandissante, la dictature religieuse iranienne n’a pas ménagé ses efforts pour étouffer toute velléité de révolte. Elle a nommé à la tête des forces de police le général Radan, l’un des éléments les plus répressifs du régime. Le général Salami, commandant des Gardiens de la Révolution, a ordonné une surveillance impitoyable, ne tolérant aucune faille qui puisse être exploitée par l’ennemi.

Les sinistres patrouilles des moeurs sont de retour dans les rues, symbolisant la répression brutale du régime. Les purges au sein du corps enseignant ont pour but de neutraliser l’université, un foyer de contestation potentiel. Les arrestations se multiplient, avec plus de 2000 personnes appréhendées en seulement 48 heures. Les Moudjahidine du peuple, acteur central du CNRI, ont déclaré que plus de 3000 proches de leurs membres avaient mystérieusement disparu, sans que l’on ait la moindre nouvelle d’eux.

Le soulèvement de l’année dernière ressemble, selon Mohsen Ronani, un dissident du régime, à un jeu de dupes entre l’opposition et le pouvoir en place. L’opposition semblait se préparer pour le moment inéluctable où elle se dresserait à nouveau. Des chiffres impressionnants témoignent de l’intensité du soulèvement : 1500 opérations antirépression et 4000 manifestations dans 282 villes en l’espace de 100 jours.

Ces faits augurent de possibles émeutes urbaines qui pourraient mettre fin au régime en un clin d’oeil. Le théoricien dissident Mehdi Nassiri estime que, si ce régime parvient à survivre encore cinq ans, ce sera un véritable miracle.

À la veille de cet anniversaire, le régime a annoncé l’arrestation de 2000 personnes et la découverte de 20 000 bombes. Que ces chiffres soient véridiques ou non, ils témoignent d’un climat explosif. La société iranienne est une poudrière sous tension, et la théocratie a perdu tout semblant de légitimité et de crédibilité. Les indicateurs économiques sont au plus bas : chômage, inflation à deux, voire à trois chiffres, pénurie d’eau, et une corruption généralisée. Officiellement, 20 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, mais certains médias parlent d’un taux de 80 %. Le régime a multiplié par cinq le prix de l’huile et du riz, provoquant une inflation galopante que les statistiques ne peuvent plus dissimuler.

Selon l’expert gouvernemental Mehdi Pazouki, l’inflation est hors de contrôle et les dirigeants ont perdu leur capacité à résoudre les problèmes bancaires. Le régime iranien fait face à une énorme quantité de liquidités en circulation, une bombe à retardement sur le point d’exploser. Pour une sixième année consécutive, l’inflation dépasse les 40 %, mais si l’on prend en compte l’« inflation accumulée », qui épuise les économies et les actifs de valeur des citoyens, elle atteint les 100 %. D’autres défis attendent le régime, tels que la crise des caisses de retraite, l’affaissement des terres et la pénurie d’eau imminente.

La société iranienne est de plus en plus divisée, avec une très mince minorité de riches et la vaste majorité vivant dans la pauvreté. La nouvelle génération, surnommée la « génération des années 2000 », est rebelle, principalement en raison de la pauvreté endémique. La classe moyenne s’est fondue dans la classe inférieure, créant une classe sociale pleinement consciente de sa précarité. Tous les éléments semblent réunis pour un soulèvement majeur et potentiellement exterminateur.

Devant cette réalité implacable, une question se pose : le régime peut-il survivre à un affrontement final ? Il est impossible de savoir ce qui se passera dans l’avenir, mais une chose est sûre : la détermination du peuple iranien à se libérer de la dictature religieuse est plus forte que jamais. Le régime théocratique doit entendre ce message fort et clair : le temps de la liberté approche et aucune répression ne pourra étouffer la voix de la justice.

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