Composer avec les séquelles d’un phénomène météorologique extrême

Pascaline David
Collaboration spéciale
En 2016, le feu de forêt de 2016 à Fort McMurray a rasé 5890 km2 de terres, soit environ la superficie de l’Île-du-Prince-Édouard.
En 2016, le feu de forêt de 2016 à Fort McMurray a rasé 5890 km2 de terres, soit environ la superficie de l’Île-du-Prince-Édouard.

Ce texte fait partie du cahier spécial Santé mentale

Feux de forêt, inondations, ouragans… Les conséquences des phénomènes climatiques et météorologiques extrêmes peuvent être dévastatrices sur le plan matériel, mais la science démontre de plus en plus ses effets délétères sur la santé mentale humaine. Directrice du programme de doctorat à l’École de psychologie de l’Université Laval, Geneviève Belleville, accompagnée de son équipe, a développé un programme d’intervention en ligne pour aider les personnes sinistrées qui présentent des symptômes de traumatisme après une catastrophe naturelle.

En mai 2016, des feux survenus à Fort McMurray, dans le nord de l’Alberta, ont forcé l’évacuation de plus de 90 000 personnes. La chercheuse Geneviève Belleville et son équipe ont enquêté auprès de 1500 d’entre elles. Un an après la tragédie, plusieurs présentaient toujours des symptômes tels que l’insomnie, le stress post-traumatique, la dépression, l’anxiété généralisée ou un trouble lié à la consommation d’alcool ou de drogue. Moins du tiers avait reçu de l’aide psychologique ou de la médication.

« Il est normal d’avoir des réactions post-traumatiques dans le mois suivant une catastrophe, comme des cauchemars ou des sursauts, ça va s’estomper au fil du temps, explique la professeure en psychologie. Mais chez certaines personnes, ces symptômes vont devenir chroniques, soit parce qu’elles présentaient déjà une fragilité au départ, soit à cause de stresseurs qui s’accumulent après la catastrophe. » Le degré d’effort de reconstruction, de relocalisation, les négociations avec les assurances sont tout autant de gouttes d’eau qui peuvent amener à faire déborder le vase.

Or, la très grande majorité des personnes essaient de régler leurs problèmes par elles-mêmes. « C’est très naturel, humain et sain d’essayer de faire face à ses propres difficultés », souligne Geneviève Belleville. Le programme Resilient propose justement des stratégies d’autotraitement, à raison de 12 séances durant lesquelles des lectures, des exercices, des réflexions et des recommandations sont suggérés en fonction des problèmes identifiés.

Des méthodes éprouvées

L’approche cognitivo-comportementale, réputée la plus efficace pour diminuer les symptômes de stress post-traumatique, est privilégiée. La partie cognitive se concentre sur la perception des événements, des symptômes et de leurs conséquences, qui influencent les émotions. Par exemple, comment réagit-on après une nuit d’insomnie ? « Il peut parfois y avoir une dramatisation du symptôme, précise la chercheuse. Le but est de faire réaliser l’existence de certains raccourcis dans les pensées, qui amplifient les émotions négatives inutilement. »

Sur le plan comportemental, il est question de comprendre comment nous agissons face à ces symptômes. « On met en place des comportements utiles à court terme, comme l’évitement de certains lieux qui rappellent l’événement traumatique, poursuit Geneviève Belleville. Mais à long terme, c’est comme de la rouille, ça prend de l’ampleur et la personne va se mettre à éviter des choses qu’elle aimait auparavant, ce qui maintient les difficultés. » Une bonne stratégie consiste à identifier ce comportement pour reprendre graduellement l’exposition à un endroit ou à une situation, afin d’affronter l’anxiété et les émotions difficiles qui y sont associées.

Pour évaluer l’efficacité de ces stratégies, on a testé celles-ci sur 136 personnes évacuées de Fort McMurray, présentant des symptômes légers ou modérés de stress post-traumatique, de dépression et d’insomnie. Selon les conclusions de Geneviève Belleville et de son équipe, publiées dans la revue Behavior Therapy, le programme a permis une réduction importante de ces symptômes. Une autre étude publiée dans le Journal of Clinical Therapy a montré que ses bénéficiaires allaient davantage chercher du soutien émotionnel auprès de leurs proches et de leurs amis.

Un outil de plus

Lorsque l’autotraitement ne fonctionne pas, voire qu’il cause des difficultés plus grandes encore, il est essentiel d’aller consulter. « C’est une chose d’éviter une rue, c’en est une autre de ne plus être capable de sortir de chez soi, illustre Geneviève Belleville. Dans les cas plus graves, une dissociation peut subvenir, c’est-à-dire que la personne est envahie par les émotions négatives et perd le contact avec la réalité.

Un programme comme Resilient ne devrait pas non plus se soustraire au suivi psychologique par des professionnels. « C’est un outil de plus qu’on veut développer pour toucher une plus grande quantité de personnes », prévient la chercheuse. Alors qu’il n’est accessible qu’aux participants d’études pour le moment, des démarches sont en cours pour que le programme soit proposé à un plus large public. Du financement est nécessaire pour investir davantage dans la plateforme, dans sa prise en main par les utilisateurs et dans le soutien technique, entre autres.

« Les solutions existent pour soutenir les personnes qui en ont besoin, mais il va falloir traiter le problème d’accès aux psychologues dans le réseau public », conclut Geneviève Belleville. Un besoin essentiel pour la population en général, et plus spécifiquement pour les personnes rescapées de catastrophes naturelles, alors que les événements météorologiques extrêmes se multiplient au rythme du réchauffement de la planète.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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