Prévenir le suicide en adoptant de meilleures pratiques

Leïla Jolin-Dahel
Collaboration spéciale
Oeuvre créée dans le cadre d'un atelier en art-thérapie
Photo: Centre d'apprentissage parallèle de Montréal Oeuvre créée dans le cadre d'un atelier en art-thérapie

Ce texte fait partie du cahier spécial Santé mentale

Prévenir le suicide et penser les questions éthiques associées aux pratiques d’aide médicale à mourir, telle est la mission de Brian L. Mishara, sommité mondiale dans le domaine. La Société québécoise pour la recherche en psychologie (SQRP) l’a d’ailleurs couronné lauréat 2023 du prix Adrien-Pinard pour l’ensemble de ses réalisations.

« C’est une bonne occasion de présenter quelque chose qui me préoccupe actuellement », résume le chercheur au sujet de cette distinction reçue en juin dernier. Il occupe notamment les fonctions de professeur au Département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et de directeur du Centre de recherche et d’intervention sur le suicide, enjeux éthiques et pratiques de fin de vie (CRISE).

Le prix souligne, entre autres, la qualité de ses travaux et son influence sur les approches en matière d’intervention en santé et sur les politiques du gouvernement. Arrivé au Québec depuis les États-Unis en 1979, M. Mishara a d’ailleurs pris part à la mise en place de services d’aide aux personnes suicidaires. On lui doit notamment la fondation de l’organisme Suicide Action Montréal.

Photo: Nathalie St-Pierre Brian L. Mishara, directeur du Centre de recherche et d’intervention sur le suicide,
enjeux éthiques et pratiques de fin de vie (CRISE)

À travers plusieurs initiatives de recherche, M. Mishara a contribué à de meilleures pratiques en matière de prévention du suicide. L’un de ses plus récents projets s’est fait avec le réseau américain des centres oeuvrant pour cette cause. « Ils sont désireux de trouver comment mieux aider les personnes qui leur téléphonent souvent, résume-t-il. On a aussi essayé de comprendre pourquoi ces gens appelaient si fréquemment. Est-ce qu’il y a des besoins qui ne sont pas comblés ? Est-ce que d’autres types d’intervention pourraient être plus appropriés ? » explique le chercheur.

M. Mishara souligne d’ailleurs l’importance de la prévention en santé mentale. « On investit beaucoup, mais, d’ordinaire, c’est auprès des personnes qui sont déjà à risque. Il faut aussi créer des choses en amont », dit-il. À l’UQAM, le professeur a élaboré un programme destiné aux enfants de 4e et de 5e années du primaire. Le projet Passeport : s’équiper pour la vie propose des stratégies d’adaptation aux événements difficiles avec l’aide de jeux et de mises en situation. « C’est pour tout le monde, parce qu’on n’enseigne pas assez comment réagir quand on est face aux problèmes », souligne M. Mishara.

Si, selon ce que le chercheur a constaté, les gens sont « plus ouverts » à parler de santé mentale que par le passé, il croit que Québec devrait en faire plus en matière de prévention. « Le Québec a décidé qu’il ne voulait pas avoir de programmes spécialisés, en suicide, en toxicomanie, en tabagisme, dans les écoles. Il a favorisé ce qu’il appelle l’école en santé, mais il n’y a pas de preuve que cela influence la prévention du suicide », dit celui qui milite pour qu’il y ait plus de services intégrés.

Des questions éthiques

En 2024, Ottawa projette d’élargir l’aide médicale à mourir aux personnes présentant une maladie mentale comme « seule condition médicale sous-jacente ». Une question qui préoccupe actuellement M. Mishara. « C’est très inquiétant, parce que dans ces cas, ce n’est pas comme pour un cancer, où on peut prévoir que la maladie sera en phase terminale. À ce jour, les recherches indiquent que c’est impossible de déterminer qui va aller mieux dans l’avenir et qui va continuer à souffrir », souligne-t-il.

Ainsi, des personnes pourraient bénéficier de traitements adéquats et suffisants pour améliorer leur état et les encourager à vouloir vivre, affirme-t-il. Il se réjouit toutefois que les maladies mentales ne soient pas prises en compte au Québec pour l’aide médicale à mourir.

Des projets pour mieux prévenir les tentatives de suicide

Fort de sa contribution à la prévention du suicide, M. Mishara mène aussi un projet auprès des populations autochtones, jugées à risque, au Nunavut. Ainsi, une personne qui aurait essayé de mettre fin à ses jours et qui serait hospitalisée se verrait offrir un suivi en inuktitut par téléphone ou par visioconférence afin de diminuer les risques de récidive.

Le chercheur se penche aussi sur les interventions par textos en matière de prévention du suicide. Il étudie également des façons de détecter en temps réel, au moyen de l’intelligence artificielle, les individus susceptibles de tenter de passer à l’acte dans le métro de Montréal. Le projet se fait en collaboration avec le professeur en informatique à la TELUQ Wassim Bouachir.

Après avoir écrit plusieurs livres sur les problématiques du vieillissement et de la consommation de médicaments ainsi que sur le suicide et l’euthanasie, il publiera dans les prochains mois un ouvrage aux Presses de l’Université de Cambridge. « J’y aborde la question de comment on peut mieux faire des choix en matière de prévention du suicide et en pratiques de fin de vie. »

Besoin d’aide ?

Si vous pensez au suicide ou vous inquiétez pour un proche, des intervenants de suicide.ca sont disponibles pour vous aider, partout au Québec, en tout temps.
• Téléphone : 1 866 APPELLE (1 866 277-3553)
• Texto : 535353
• Clavardage, informations et outils : suicide.ca

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