Y a-t-il un pilote dans l’avion de l’immigration?

En 2022, le Québec a accueilli 68 700 immigrants permanents, rapporte l’auteur.
Leo Patrizi Getty Images En 2022, le Québec a accueilli 68 700 immigrants permanents, rapporte l’auteur.

Ces semaines-ci se tient à Québec une commission parlementaire sur la planification de l’immigration au Québec pour la période 2024-2027. Cette commission a pour but de choisir entre le maintien du scénario actuel de 50 000 ou une augmentation progressive à 60 000 pour 2026. En 2022, le Québec a accueilli 68 700 immigrants permanents… Comme dirait l’autre, une heure plus tard dans les Maritimes.

Du côté de l’immigration temporaire (travailleurs et étudiants), on constate une progression fulgurante puisqu’on est passé de 145 000 sur le sol québécois en 2021 à 370 000 aujourd’hui. Des chiffres que certains (CIBC, C. D. Howe) considèrent bien en deçà de la réalité, puisqu’ils vont jusqu’à parler du double.

Tout cela s’inscrit évidemment dans le cadre de la délirante politique canadienne appelée l’« Initiative du siècle » qui vise un Canada à 100 millions d’habitants d’ici 2100. Résultat, ça pète de partout. On a même assisté récemment à un accrochage entre Justin Trudeau et un de ses ministres. Le point de friction : la crise du logement qui sévit partout au Canada. Ici, au Québec, l’Université du Québec à Rimouski a dû annuler en juin l’arrivée de 200 étudiants étrangers faute de pouvoir les loger.

Autre point de friction : la langue d’intégration des immigrants. Ce problème est vital dans un Québec où le français est sérieusement mis à mal depuis plusieurs années. Or, les immigrants qui immigrent avant tout au Canada dans une mer anglophone nord-américaine ont tendance à être très ouverts à l’anglais. Les immigrants temporaires, dont le nombre est en pleine explosion, n’ont aucune obligation à ce niveau. Dans un semblant de pays où les fédéralistes instrumentalisent depuis longtemps l’immigration pour combattre l’aspiration des Québécois à l’indépendance, il y a de quoi alimenter une certaine paranoïa.

Conditions de travail

 

Point de friction additionnel : la pression à la baisse sur les conditions de travail générée par l’emploi croissant des travailleurs étrangers temporaires. À cet égard, une lumière rouge s’est récemment allumée puisqu’un rapport de l’ONU est allé jusqu’à parler de nouvel esclavage en citant nommément le Canada et le Québec. Les cas d’exploitation de travailleurs étrangers révélés par les médias se multiplient. Les étudiants étrangers sont souvent aussi des travailleurs, ne serait-ce qu’à temps partiel, et leur vulnérabilité est bien réelle, même si elle n’est pas aussi flagrante que celle des travailleurs étrangers avec permis fermé. De plus, leur conjoint obtient aussi le droit d’immigrer et… de travailler.

Tout le monde se souvient du discours offensif de François Legault aux élections de 2018. « Nous allons rapatrier tous les pouvoirs en immigration. » On connaît la suite. M. Legault est revenu d’Ottawa « la veste sous l’bras en disant : “OK, d’abord” ». Aujourd’hui, non seulement il a pris son trou, mais il est devenu un artisan zélé de l’« Initiative du siècle » par la force des choses. Les chiffres sont là pour le démontrer. Tout cela sans le dire, dans une parfaite hypocrisie.

La raison de ce revirement est facile à trouver puisque l’explosion du nombre de travailleurs étrangers temporaires fait bien plaisir aux patrons du Québec, qui trouvent là une main-d’oeuvre hypervulnérable et complètement à la merci des plus agressifs d’entre eux. Il ne faut quand même pas oublier que le Conseil des ministres est composé au tiers de gens d’affaires.

Discrets sur l’immigration, les caquistes sont par contre très loquaces concernant une supposée pénurie de main-d’oeuvre. Ils nous la servent à toutes les sauces. Pourtant, à Montréal actuellement, un nouveau Walmart ouvre ses portes. Pour 300 postes, les dirigeants ont reçu plus de 3000 postulations. Il n’y a pas pénurie de main-d’oeuvre, mais plutôt rareté, et il est aisé de comprendre que cela déplaise aux employeurs qui doivent mettre les mains dans leurs poches profondes pour mieux traiter leurs employés.

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