Une école qui isole et départage les élèves selon leur statut économique

Nous avons collectivement construit des écoles publiques au sein desquelles on dépossède sciemment une classe d’enfants d’un parcours engageant et motivant, observe l’auteur.
Getty Images Nous avons collectivement construit des écoles publiques au sein desquelles on dépossède sciemment une classe d’enfants d’un parcours engageant et motivant, observe l’auteur.

Depuis 2022, je poursuis un baccalauréat en enseignement au secondaire. Notre cohorte commence à acquérir graduellement de l’expérience pour que nous puissions devenir de futurs enseignants et enseignantes. Lors de notre premier stage, j’ai eu la chance d’observer les méthodes pédagogiques d’un enseignant formidable qui travaille dans le secteur public.

Cette expérience m’a tout de suite rappelé mon parcours scolaire à l’école publique. Les difficultés d’apprentissage dans les classes observées sont disproportionnées. D’un côté, on retrouve des classes à vocation particulière ultraperformantes dans lesquelles les élèves sont motivés.

De l’autre, on retrouve des classes normales où l’on compte d’énormes défis et une quantité importante d’élèves en difficulté d’apprentissage. On reconnaît tout de suite les différences entre les groupes et on peut rapidement attribuer à l’effet de « l’école à trois vitesses » ce déséquilibre patent au sein de l’école publique.

Nos écoles publiques sont malades. On propose aux enseignants et aux enseignantes du public le choix entre une classe de « bons élèves » et de « mauvais élèves. » J’ai reçu mon diplôme d’études secondaires en 2015, à l’époque on militait déjà pour une déconstruction du phénomène de classes sociales à l’école. Au moyen de diverses actions plus ou moins pertinentes, on dénonçait le phénomène du clivage entre les programmes à vocation particulière et le parcours général.

Appartenant à cette dernière classe, j’étais envieux de la chance des élèves des programmes à vocation particulière de pouvoir participer à des activités scolaires enrichissantes et de profiter d’un horaire de cours atypique.

À l’époque, le prix pour changer de classe sociale, c’était 2000 $. Avec 2000 $ par année, on pouvait changer de statut dans l’école. On pouvait changer d’étiquette ; devenir un « bobo » au lieu d’un « Bougon ».

Je me souviens encore des effets négatifs de cette barrière économique sur nos vies ; clans distincts, insultes, intimidation, jugement et dislocation des liens entre les élèves. On nous répète toujours qu’aller à l’école, c’est apprendre à vivre en société. Sauf que cette simulation sociétale est brisée. Dans les écoles publiques, c’est le portefeuille qui définit la place des enfants dans l’école et c’est l’argent qui dicte l’expérience des élèves avec leurs pairs et leurs enseignants et enseignantes.

Nous avons collectivement construit des écoles publiques au sein desquelles on dépossède sciemment une classe d’enfants d’un parcours engageant et motivant. Si les parents de ces élèves ne peuvent pas payer les faramineux coûts d’inscription à un programme à vocation, tant pis ! Ces enfants se retrouveront confinés dans des classes ordinaires.

J’étudie dans un système d’éducation disloqué, qui isole et départage ses élèves en fonction de leur statut économique. On leur apprend à accepter, sans broncher, l’injustice douloureuse des contraintes économiques.

Je ne veux pas enseigner dans ce système-là. Je ne veux pas avoir à expliquer à mes futurs élèves pourquoi ils et elles ne peuvent pas participer comme leurs collègues à des activités intrascolaires. Je ne veux pas leur expliquer pourquoi nous avons collectivement fait le choix de balayer les idéaux du rapport Parent qui proposait une égalité des chances entre les élèves.

Il faut amorcer un chantier national sur l’éducation au Québec. Il faut offrir une expérience scolaire juste et équitable à nos enfants.

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