Itinérance et logement, apprendre du modèle finlandais

L’itinérance est en hausse dans plusieurs régions du Québec.
Graham Hughes La Presse canadienne L’itinérance est en hausse dans plusieurs régions du Québec.

La question de l’accès au logement et de l’itinérance fait les manchettes depuis plusieurs mois. Avec le dernier dénombrement des personnes en situation d’itinérance, qui constate une hausse dans plusieurs régions du Québec, le Sommet sur l’itinérance prévu vendredi risque d’être attendu de pied ferme.

Pour régler le problème d’accès au logement, le ministre fédéral du Logement, Sean Fraser, a proposé, en suscitant de vives réactions, de limiter l’accueil d’étudiants étrangers. Sur la question de l’itinérance, plusieurs plans d’action, des investissements, des initiatives et surtout des équipes de terrain qui travaillent d’arrache-pied pour minimiser les situations de vulnérabilité accrue vécues au quotidien par les personnes en situation d’itinérance. Le modèle finlandais triomphant nous démontre que les deux dossiers sont fortement liés.

Le modèle finlandais

 

La Finlande a adopté une politique « Logement d’abord » (Housing First), dans le cadre de laquelle les services sociaux attribuent d’abord des logements locatifs aux personnes sans domicile et traitent ensuite les problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Depuis son lancement en 2008, le nombre de personnes sans domicile en Finlande a diminué d’environ 30 % et le nombre de sans-abri de longue durée a chuté de plus de 35 %.

Le modèle finlandais démontre que les personnes en situation d’itinérance étaient mieux à même de gérer leurs dépendances et leurs quêtes d’emploi quand elles avaient un logement. Ainsi, plus de dix ans après le lancement de la politique « Logement d’abord », 80 % des personnes qui avaient été en situation d’itinérance vivaient toujours dans le logement qui leur avait été fourni, payant désormais elles-mêmes leur loyer.

L’une des principales réussites de ces initiatives gouvernementales a été la conversion des centres d’hébergement existants en logements permanents. Les programmes ont été élaborés et mis en oeuvre dans le cadre de vastes partenariats entre l’État finlandais, les municipalités et les ONG locales. Nulle part ailleurs le succès n’a été aussi grand que dans la ville d’Helsinki.

Il est à noter que les projets du genre de « Logement d’abord » existent en France, au Royaume-Uni et au Canada sous diverses formes. Néanmoins, le programme en Finlande a été élevé au rang de principe structurant la vision politique de la prévention de l’itinérance, tandis que dans les autres pays les initiatives sont encore au stade de petits projets pilotes censés permettre d’étendre progressivement leur modèle.

Faire face au secteur privé à Montréal

Il faudra bien se rendre à l’évidence. Jusqu’à présent, les expériences menées en dehors de la Finlande montrent distinctement que nul ne peut bénéficier d’une approche de type « Logement d’abord » lorsque les logements disponibles sont rares. Le manque de logements sociaux abordables semble être le principal obstacle à son introduction ou à son expansion dans de nombreux pays.

Ainsi, c’est ici, en observant le rapport entre Montréal et le secteur locatif privé, que nous apercevons les limites de la métropole québécoise : la municipalité d’Helsinki possède 70 % des terrains de la ville, dont plus de 60 000 logements sociaux. Elle mène une politique d’habitation qui augmente ces logements d’environ 6000 unités par an, et 25 % de ceux-ci sont des logements sociaux tandis que le reste est un mélange de logements achetés et de logements du secteur locatif privé.

Dire que Montréal n’est pas encore à cette étape est un euphémisme. Comme cela fut relevé par l’Observatoire du Grand Montréal (2023), à partir des données de l’Enquête sur les logements locatifs qui analysent principalement le secteur privé, 60,4 % des ménages de l’agglomération de Montréal vivent dans un logement locatif privé.

Avec le modèle finlandais en tête, est-ce que ces données, primordiales pour réduire la vulnérabilité vécue par les personnes en situation d’itinérance, seront discutées lors du Sommet sur l’itinérance ?

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