Du champagne pour les députés et les policiers, des CAQahuètes pour les autres

«L’offre salariale faite aux travailleurs de la santé est scandaleuse et inadéquate», écrit l’autrice.
Douglas Magno Agence France-Presse «L’offre salariale faite aux travailleurs de la santé est scandaleuse et inadéquate», écrit l’autrice.

Monsieur le Premier Ministre Legault,

En tant qu’agente de relations humaines pour le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, l’offre salariale faite aux travailleurs de la santé me laisse perplexe et sans mots. Le Québec a fait des choix de société bien précis, soit d’investir dans la santé, dans la sécurité et dans l’éducation de sa population afin de s’assurer que celle-ci puisse avoir réponse à ses divers besoins et évoluer favorablement.

Or, pour que ces choix s’actualisent, cela nécessite des investissements et une reconnaissance des travailleurs qui répondent directement aux besoins des populations. Leur travail est en quelque sorte une réponse aux idéaux de société que nous avons établis ensemble. Pourtant, lorsque nous constatons les hausses salariales octroyées aux secteurs des forces de l’ordre, il semble que ce soit le seul secteur qui bénéficie de votre appui et de votre reconnaissance.

Il importe de souligner que le travail des policiers est essentiel et critique pour le bon fonctionnement de notre société. Par contre, le travail des travailleurs et des travailleuses de la santé et des services sociaux — emplois majoritairement féminins, il faut le souligner — est tout aussi nécessaire et essentiel à la protection des citoyens et de leurs enfants.

Les conditions de travail des travailleurs de la santé sont ardues, les infirmières et les autres travailleurs de la santé sont éprouvés par le contexte de travail postpandémique et sont contraints de faire des heures supplémentaires obligatoires, au risque de mettre en péril leur santé et le temps consacré à leur propre famille. Quant aux intervenants sociaux, leur pratique s’avère également essentielle.

Ces intervenants assument la responsabilité sociétale de s’assurer que les familles et les individus vulnérables puissent atténuer leurs difficultés et continuer de contribuer à la société. Leurs interventions permettent de réduire les impacts économiques que les difficultés psychosociales des populations vulnérables peuvent avoir sur le système de santé.

Contextes difficiles

 

En ce qui concerne plus spécifiquement les intervenants de la DPJ, s’ils ont le mandat de s’assurer que les enfants se développent favorablement et qu’ils ne soient pas sujets à divers abus et formes de négligence, le contexte dans lequel ils pratiquent leurs interventions est extrêmement difficile. Il n’est pas rare que les intervenants soient victimes d’agressions verbales et physiques, de menaces ou d’intimidation. Quand ils sont inquiets pour leur propre sécurité, ils sont tenus de poursuivre leur intervention parce que leur mandat répond à l’un de nos choix de société : protéger les enfants.

Vous justifiez les hausses salariales des policiers par le fait que chaque quart de travail représente un risque pour leur sécurité physique et par la pénurie de policiers. Mais cela n’est-il pas aussi vrai pour les infirmières et les intervenants sociaux, notamment ceux de la DPJ ? La pénurie de main-d’oeuvre s’explique entre autres par des conditions de travail médiocres au sein des services sociaux et de santé.

Il n’est pas étonnant que les travailleurs partent en masse vers d’autres domaines ou des agences au privé qui paient mieux et offrent de meilleures conditions de travail. Alors, pourquoi une distinction salariale si grande entre ces professions, alors qu’elles sont également centrales au bon fonctionnement de notre société ? Je fais le pari qu’avec des salaires adéquats, les travailleurs de la santé et des services sociaux resteraient davantage dans les services publics.

Lors d’une sortie médiatique récente, vous avez dit que les travailleurs de la santé doivent être raisonnables et considérer la capacité de payer des Québécois. Il est impossible de ne pas se demander si vous avez pensé aux capacités financières de la population et si vous estimez avoir été raisonnable quand vous vous êtes octroyé une augmentation de salaire de 30 %. J’en doute.

L’offre salariale faite aux travailleurs de la santé est scandaleuse et inadéquate dans un contexte où ces professions sont essentielles et critiques pour la santé physique et psychosociale de la population. Cette offre révèle que vous dévalorisez ces professions.

Reconnaître les compétences des travailleurs de la santé et leur apport à la société québécoise, c’est être raisonnable, Monsieur Legault.

Vous souhaitez que l’État soit un employeur de choix qui retient ses travailleurs ? Payez-nous à la hauteur de notre travail. Vous souhaitez venir à bout de la pénurie de main-d’oeuvre en santé ? Payez-nous convenablement.

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