Attendons avant de signer les contrats de fourniture d’électricité

«Attendons avant de nous lancer», propose l’autrice.
Olivier Zuida archives Le Devoir «Attendons avant de nous lancer», propose l’autrice.

Attendons avant de signer quelque contrat que ce soit et réfléchissons à plusieurs éléments. La faisabilité, d’abord. Nous ne la produisons pas encore, cette électricité. Nous ne savons pas encore à quel endroit elle sera produite ni comment nous nous y prendrons.

Comment allons-nous planifier la main-d’oeuvre nécessaire pour de tels projets, en n’oubliant pas que nous venons de promettre 1250 MW à nos voisins de la ville de New York… presque l’équivalent de Manic 5 (1596 MW), pour 25 ans, et en pleine pénurie.

Il ne faut pas bouger trop vite ; approfondissons l’analyse des risques. Cela m’inquiète pour mes enfants que nous n’ayons pas revu le modèle de calcul et de projection sociale utilisé par le gouvernement pour générer le résultat annonçant les besoins en énergie dans dix ans afin de créer de la richesse.

Cela m’inquiète tout d’abord parce qu’on peut oublier des éléments importants, dans l’empressement de faire réaliser toutes ces ententes d’un coup. Parce que nous ne savons pas, à la base, comment et à qui profiteraient les profits générés par les onze compagnies ou sociétés industrielles qui utiliseraient cette électricité promise. Nous ne savons pas qui seraient les actionnaires ni les gestionnaires profitant de cette vision : la population québécoise, ou des étrangers ? Advenant des dépassements de coûts imprévus causés par une main-d’oeuvre non qualifiée, causant des prolongements d’échéanciers, qui épongerait cette dette ?

Muskrat Falls

 

Le meilleur exemple d’analyse de risque incomplète, c’est le mégaprojet hydroélectrique de Muskrat Falls, où les dirigeants étaient empressés de sortir les contrats plutôt que de parachever les analyses en cours et d’écouter les recommandations qui touchaient notamment à la faisabilité et aux risques. Les coûts ont dépassé les 20 milliards plutôt que les 6,2 milliards prévus. Ce sont 824 mégawatts, le projet d’une centrale hydroélectrique construite au Labrador, qui ont été livrés en onze ans plutôt que les quatre ans annoncés, principalement par de la main-d’oeuvre étrangère.

Les quelque 500 000 habitants de Terre-Neuve sont endettés par-dessus la tête, un désastre. Une grande commission d’enquête provinciale a été tenue là-bas, et les gestionnaires ont été fustigés, mais à quoi bon, après coup, cela ne remboursera pas la dette.

Au Québec, on vise dix fois plus d’électricité.

Penchons-nous donc tout de suite sur les risques du modèle, et révisons-le avant de nous engager avec ces quelques compagnies. Les modèles de prédiction sont des calculs faits par ordinateur et produisent des résultats en fonction des paramètres entrés. Le projet de développement des ressources du gouvernement québécois, même en évitant un fiasco comme celui de Terre-Neuve, s’appuie-t-il sur le prolongement de la société de consommation dans laquelle nous vivons ? J’en reviens donc au modèle de calcul à la base des prévisions.

Attendons avant de nous lancer. Nous avons l’occasion et le devoir d’intégrer de nombreux paramètres additionnels au logiciel d’intelligence artificielle utilisé pour nous assurer de prendre en compte tant la sagesse des aînés que le bien-être de nos enfants et celui des générations futures.

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