Les terres des Soeurs de la Charité deviennent propriété du Québec

Le gouvernement s’engage à s’en porter acquéreur pour la somme de 28,7 M $ et préserver sa « vocation nourricière ».
Photo: Renaud Philippe Archives Le Devoir Le gouvernement s’engage à s’en porter acquéreur pour la somme de 28,7 M $ et préserver sa « vocation nourricière ».

Les terres des Sœurs de la Charité, un immense rectangle agricole surplombant le Saint-Laurent en plein cœur de Beauport, deviendront propriété de l’État. Le gouvernement s’engage à s’en porter acquéreur pour la somme de 28,7 millions de dollars et à préserver leur « vocation nourricière ».

Les sœurs, propriétaires du site depuis la fin du XIXe siècle, cèdent ainsi 203 hectares de terres agricoles d’excellente qualité. Le gouvernement entend y aménager un agro-parc et ambitionne d’en faire une « vitrine agricole d’exception » capable d’inspirer « le monde entier », a indiqué jeudi matin le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne.

Les terres serviront également à la poursuite de la connaissance, a poursuivi le ministre. « La recherche en agriculture, elle se fait dans le champ, a indiqué M. Lamontagne. Il peut y avoir des laboratoires, mais ce n’est pas nécessaire qu’ils soient sur des terres agricoles. S’il y a éventuellement du bâtiment, ce serait du bâtiment qui serait vraiment lié à la valeur intrinsèque des terres. L’objectif, c’est la préservation de la capacité nourricière de ces terres-là. »

Le ministère de l’agriculture entend demeurer propriétaire des terres après la mise en place de l’agro-parc. Le gouvernement doit lancer des consultations au cours des prochains mois, notamment auprès de la Ville et de la population de Québec, pour présenter une version plus aboutie du projet au printemps 2023.

Le maire de la capitale nationale, Bruno Marchand, a salué la conservation de la vocation agricole de ces terres qui remontent à l’époque de la Nouvelle-France, il y a trois siècles et demi.

« Nous n’avons jamais été aussi bien placées pour faire pousser des fruits extraordinaires sur ce terrain-là », a-t-il souligné, saluant la volonté de consulter affichée par le gouvernement.

L’offre d’achat « dûment acceptée » par la congrégation prend maintenant le chemin de Rome, a indiqué la mère supérieure des Sœurs de la charité, Monique Gervais, afin d’obtenir les dernières autorisations.

« Nous aurions pu obtenir beaucoup plus pour ces terres, a renchéri sœur Gervais, mais pour nous, ce n’est pas juste une question d’argent. On a toujours été au service de la société et dans leur projet, on retrouve nos valeurs. »

Les Soeurs de la Charité qui subsistent demeureront dans la Maison Généralice de leur congrégation et pourront continuer de cultiver un lot de huit hectares qui la voisine. « Nous sommes encore suffisamment de personnes pour l’utiliser encore un bon moment », a expliqué la mère supérieure des Sœurs.

Le Mont d’Youville gâche la fête

Un citoyen a refroidi l’enthousiasme entourant l’annonce et dénoncé le sort réservé aux 600 victimes de sévices qui auraient été perpétrés à l’orphelinat du Mont d’Youville, administré pendant sept décennies par la congrégation.

« Ça s’échange des millions ici [quand] ça fait plus de quatre ans que nous sommes en cour », a dénoncé Jean Simard, lui-même représentant des requérants dans le processus judiciaire.

« Je trouve ça un peu immoral, a-t-il poursuivi. Les victimes sont complètement absentes du débat. Je prends place ici, aujourd’hui, parce qu’il n’y a pas de places données aux victimes nulle part. »

M. Simard a demandé à la congrégation « de reconnaître les faits » et d’arrêter la judiciarisation à outrance du litige.

« Il y a 600 personnes qui prétendent avoir été agressées […] Ce ne sont pas 600 menteurs, a-t-il affirmé. Surtout que dans mon cas, l’agresseur a été condamné au pénitencier pour avoir commis ces actes-là. Il les a avoués ! »

Interrogé à savoir si la somme recueillie pour la vente des terres pourrait accélérer un règlement à l’amiable avec les victimes, l’avocat qui représente les Sœurs, Me Jean Gagné, n’a pas voulu faire de commentaires.

« Je ne suis pas étonné de votre question, a tranché l’avocat. Mais nous ne ferons pas de commentaires en lien avec un dossier devant les tribunaux. »



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