La Ville de Québec commence la collecte de ses déchets alimentaires

Francine Dion a été la première, mardi, à recevoir un bac de collecte de résidus alimentaires de la part de la Ville de Québec, en présence du maire, Bruno Marchand (à gauche).
Francis Vachon Le Devoir Francine Dion a été la première, mardi, à recevoir un bac de collecte de résidus alimentaires de la part de la Ville de Québec, en présence du maire, Bruno Marchand (à gauche).

Après plus de 10 ans de gestation, la Ville de Québec a lancé mardi sa collecte de déchets alimentaires. Les 86 000 tonnes de résidus recueillis chaque année doivent servir à nourrir les estomacs mécaniques de son centre de biométhanisation, un des plus imposants en Amérique du Nord, dont la réalisation se chiffre à 210 millions de dollars après de nombreux dépassements de coût.

La distribution du matériel de collecte a commencé dans l’arrondissement de La Haute-Saint-Charles, mardi. Elle doit se poursuivre graduellement jusqu’à couvrir l’ensemble du territoire de Québec, en plus des villes périphériques de Saint-Augustin et de L’Ancienne-Lorette, à l’horizon d’avril 2023.

La collecte, à Québec, a déjà sa propre couleur. Des sacs mauves remplacent les bacs bruns, la ville ayant choisi de tourner le dos à ce symbole « utilisé à la grandeur du Québec, et même à la grandeur de l’Amérique du Nord », souligne Mathieu Fournier, directeur de la division de la gestion des matières résiduelles à la Ville.

« Pourquoi nous n’avons pas choisi le bac brun ? Dans les plex, les multiplex et les condos, il a une performance très inégale, voire très, très faible, explique M. Fournier. Les gens n’aiment pas partager ces bacs-là. Ils ne veulent pas nécessairement voir le homard du voisin. »

Québec a élaboré un mode de collecte adapté à sa réalité, où 62 % du bâti résidentiel comporte plus deux logements. Chaque ménage aura gratuitement son propre bac blanc, conçu pour accueillir les sacs de plastique mauves destinés aux déchets alimentaires. Une fois remplis, ces sacs rejoindront les autres déchets dans la poubelle. Les camions ramasseront les résidus alimentaires en même temps que les autres ordures.

La méthode, souligne le maire Bruno Marchand, « va permettre d’éviter l’ajout de 50 voyages de camion par jour. Donc, nous évitons la production de 3150 tonnes de [gaz à effet de serre] par année ».

Les sacs mauves, de la maison à la biométhanisation

Les sacs eux-mêmes ont fait l’objet d’un soin particulier pour en assurer l’efficacité et la fiabilité. Leurs bretelles ont nécessité l’importation d’une machine d’Italie, précise Mathieu Fournier, et 95 % d’entre eux résistaient aux voyages à bord des camions à ordures.

La consigne de tri se veut la plus simple possible pour la population. « Tout ce qui se mange et tout ce qui est une partie de ce qui se mange, ça se met dans le sac mauve », résume la conseillère municipale responsable de la gestion résiduelle, Marie-Josée Asselin.

Les sacs aboutiront au centre de biométhanisation, le plus important du genre au Québec, capable de traiter 86 000 tonnes de résidus alimentaires par année et 96 000 tonnes de matières en provenance de l’usine des traitements des eaux usées.

Pour isoler les sacs de résidus alimentaires des autres déchets, un système de reconnaissance permettra de les suivre à la trace à mesure qu’ils défilent dans les intestins du centre de biométhanisation. Les résidus alimentaires se rendront à bon port grâce à des jets d’air qui propulseront les sacs mauves jusqu’à destination.

Une machine baptisée le « tiger » par Carl Desharnais, directeur des services de projets industriels et de la valorisation à la Ville de Québec, aura ensuite la tâche de trier les indésirables qui se trouvent parmi les déchets alimentaires. Le but : extraire le « smoothie de nourriture, ou la pulpe », propice à la fabrication de biogaz.

La Ville ambitionne de produire 10,2 millions de mètres cubes de gaz naturel par année grâce à son centre de biométhanisation. Elle a conclu une entente d’achat d’une durée de 20 ans avec Énergir qui devrait permettre d’éponger une partie des 150 millions de dollars investis dans l’aventure.

Facture élevée, grandes ambitions

 

Au départ, en 2014, le centre de biométhanisation devait coûter 125 millions de dollars. Huit ans plus tard, la facture s’élève à 210 millions, soit 155 millions pour la réalisation de l’usine elle-même et 55 millions pour assurer la collecte des déchets alimentaires.

Le montant est élevé, tout comme les ambitions de la Ville, qui rêve de réduire de 40 %, voire de 50 %, la production de déchets de sa population et, ainsi, réduire considérablement l’utilisation de son incinérateur, un important générateur de pollution dans la capitale nationale. « À l’heure où chaque geste compte pour faire face aux changements climatiques, je pense que chaque citoyen a, ici, tous les leviers pour diminuer ce que nous envoyons à l’incinérateur », se félicite Bruno Marchand.

Certains éléments demeurent cependant encore à peaufiner. La Ville, par exemple, cherche comment recycler les sacs de plastique nécessaires à la collecte des résidus alimentaires. « Au milieu 2023, nous devrions être fixés », assure Mathieu Fournier.

La valorisation du digestat, un fertilisant issu du processus de biométhanisation, fait elle aussi toujours l’objet d’études. La Ville entend en produire 73 000 tonnes annuellement, mais cherche encore comment parvenir à le mettre en marché. « C’est une dépense pour le moment, indique Carl Desharnais. Il faut commencer par le produire avant de l’améliorer et de pouvoir le vendre. »

« Ce ne sera pas parfait »

Seules une poignée de villes au Québec ont érigé une usine de biométhanisation pour gérer leurs résidus organiques. Saint-Hyacinthe a connu son lot de problèmes, dus en grande partie au traitement des résidus verts — branches, gazons, feuilles mortes, etc. — que la Ville de Québec ne traitera pas dans son centre.

Le maire de Québec, Bruno Marchand, fait cette mise en garde. « Nous sommes dans une mise en service qui va durer six mois. Il va y avoir des défis, il va y avoir des enjeux, ce ne sera pas parfait, et j’assume complètement, a-t-il indiqué. Nous préférons l’imperfection au néant. »

La collecte des déchets alimentaires commencera dès cette semaine dans l’arrondissement de La Haute-Saint-Charles. Le déploiement des bacs de cuisine et des sacs mauves continuera ensuite dans les arrondissements de Charlesbourg en décembre, de Sainte-Foy, Sillery et Cap-Rouge en janvier, dans l’arrondissement Les Rivières et la ville de L’Ancienne-Lorette en février, puis dans Beauport et la ville de Saint-Augustin-de-Desmaures en mars. La Cité-Limoilou fermera la marche en avril 2023.

La réussite du centre de biométhanisation dépendra de la participation citoyenne, tient à rappeler la conseillère Marie-Josée Asselin, avant de conclure par un appel à la mobilisation générale. « À vos sacs et à vos bacs, citoyens ! »

À voir en vidéo