La santé mentale des travailleurs dans la ligne de mire

Amélie Revert
Collaboration spéciale
Pas moins de 27,7 % des 25-34 ans ressentent une forte anxiété, selon le rapport dressant le portrait de la santé mentale des travailleurs de PME au Canada.
Photo: iStock Pas moins de 27,7 % des 25-34 ans ressentent une forte anxiété, selon le rapport dressant le portrait de la santé mentale des travailleurs de PME au Canada.

Ce texte fait partie du cahier spécial Santé mentale

Une étude de l’Université Laval révèle que près de la moitié des employés canadiens des PME vivraient avec au moins une difficulté de santé mentale ou de dépendance.

« En 2023, il y a encore des gens qui perdent leur emploi parce qu’ils ont eu un épisode dépressif », fait d’emblée remarquer Martin Binette, directeur principal du développement et de la croissance à Relief, un organisme qui offre plusieurs services d’aide en santé mentale. Un propos d’autant plus alarmant quand on sait que 49 % des employés de PME interrogés dans une récente enquête de l’Université Laval ont rapporté vivre avec un trouble de santé mentale ou d’abus de substances.

Simon Coulombe, chercheur principal de l’étude réalisée auprès de 2500 travailleurs de PME au Canada et titulaire de la Chaire de recherche Relief en santé mentale, autogestion et travail au Département des relations industrielles, reste inquiet, même si ce chiffre a légèrement baissé depuis 2022. « Cette année, on constate qu’une personne sur deux vit une détresse au moins légère, et que 22 % des participants seraient aux prises avec une anxiété qui va au-delà d’un seuil clinique et qui nécessite de voir un médecin », explique-t-il. Pour la dépression, la statistique s’élève à 18 %, alors qu’avant la pandémie, les chiffres que l’on trouvait de façon générale en entreprise n’atteignaient pas les 10 %. « Ça ne va pas très bien », souligne Simon Coulombe. D’après l’étude, il y a donc un fort pourcentage de détresse qui nécessite d’être abordé au sein des PME.

Le pouvoir de la jeunesse

« On voit une amélioration dans la société, comme lorsque Carey Price parle publiquement de sa santé mentale, mais où sont les entrepreneurs qui parlent de ces questions ? On peut les compter sur les doigts d’une main », indique pour sa part Martin Binette. Selon lui, la stigmatisation est la principale responsable. « Ça devient redondant de le dire et c’est un peu frustrant, mais c’est la barrière numéro un qui empêche les gens de chercher de l’aide. »

Optimiste, Martin Binette croit cependant à la capacité des jeunes travailleurs de contrer cette stigmatisation, malgré une recrudescence des problèmes de santé mentale parmi ceux-ci. Plus d’un quart des 18-24 ans interrogés déclarent en effet avoir des symptômes de dépression et 27,7 % des 25-34 ans ressentent une forte anxiété. « Je vois que les jeunes sont en train de faire éclater les plafonds de verre et de parler ouvertement de leur état, c’est ce qui me rassure. » Celui-ci est persuadé que la nouvelle génération d’employés est celle qui peut dicter la conduite des PME sur la stigmatisation.

Chacun a un rôle à jouer

Pour Martin Binette, le manque d’information et de communication constitue aussi une autre barrière au sein des PME. « Beaucoup de gens dans le milieu du travail ne peuvent pas faire la différence entre l’anxiété et le stress, entre la dépression et le burn-out. Si les gens ne savent pas, comment peut-on leur demander d’aller chercher de l’aide ? C’est impossible », dit-il. De son côté, Simon Coulombe note que les Programmes d’aide aux employées (PAE) — qui sont offerts dans une grande partie des organisations, payés par l’employeur et donc gratuits pour les salariés, qui peuvent avoir recours à des services en psychologie ou avec un travailleur social — sont méconnus ou peu envisageables. « L’année dernière, 30 % des employés n’ont pas utilisé le PAE par honte ou embarras », a-t-il pu observer selon les résultats de l’étude. Le professeur à l’Université Laval croit par ailleurs que des solutions de rechange intéressantes existent, en particulier les programmes de soutien par les pairs, où les collègues mandatés sont soumis à la confidentialité.

« Le plus important, c’est la prévention et l’amélioration des environnements de travail en amont », confie enfin Simon Coulombe. Et Martin Binette de poursuivre : « Il faut que l’ensemble de l’organisation participe à la solution. » Ce dernier croit que ce n’est ni en ajoutant un PAE ni en bonifiant un régime d’assurance collective que la situation va s’améliorer. « Il faut aller à la source, suggère-t-il. Quand on est capable de reconnaître ses angles morts, on est capable de travailler dessus pour contrer la stigmatisation. » Pour lui, parler ouvertement de santé mentale dans une PME change complètement la donne. « C’est dur, mais ça doit être fait », conclut-il.

Une initiative pour la santé mentale en entreprise

L’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés propose désormais aux employeurs un dossier gratuit sur les questions de santé mentale dans le monde du travail. Grâce à de nombreux outils et documents mis à leur disposition, comme des vidéos, des infographies et des articles, l’Ordre mise sur la sensibilisation afin de favoriser un milieu psychologiquement sain pour les salariés. Actions à prendre en amont sur les facteurs qui nuisent à la santé mentale, gestion d’un climat de travail propice à l’épanouissement ou encore stratégies et pratiques d’encadrement qui encouragent le mieux-être sont autant de thèmes qui y sont décortiqués.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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