QS veut que Québec se penche sur les permis de travail fermés

Guillaume Cliche-Rivard espère ainsi que le débat « s’élève au-dessus de la partisanerie » afin que les parlementaires puissent « trouver rapidement des alternatives » au permis de travail fermé. Avant d’être élu député, il était avocat en immigration, et c’est à ce titre que ce problème le préoccupait depuis une dizaine d’années.
Jacques Boissinot La Presse canadienne Guillaume Cliche-Rivard espère ainsi que le débat « s’élève au-dessus de la partisanerie » afin que les parlementaires puissent « trouver rapidement des alternatives » au permis de travail fermé. Avant d’être élu député, il était avocat en immigration, et c’est à ce titre que ce problème le préoccupait depuis une dizaine d’années.

Le problème est de plus en plus difficile à éluder. Le député Guillaume Rivard-Cliche souhaite que Québec aille au fond de la question des « conditions humaines et de travail des travailleurs étrangers temporaires » et de leur permis fermé.

À la sortie des consultations sur le seuil de nouveaux résidents permanents, mercredi soir, le porte-parole solidaire en immigration a déposé une requête de mandat d’initiative à la Commission des relations avec les citoyens. Si elle est acceptée par les autres membres de cette commission, des séances pourraient être tenues pour que soient entendus les différents points de vue. Les permis fermés sont décriés de longue date, car ils font en sorte que le migrant dépend de sa seule relation de travail.

M. Cliche-Rivard espère ainsi que le débat « s’élève au-dessus de la partisanerie » afin que les parlementaires puissent « trouver rapidement des alternatives » à ce permis de travail qui lie l’immigrant à un seul employeur. Avant d’être élu à l’Assemblée nationale, il était avocat en immigration, et c’est à ce titre que ce problème le préoccupait depuis une dizaine d’années.

Le « point de basculement » actuel, selon ses termes, est la récente visite du rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage. « Le Programme des travailleurs étrangers temporaires constitue un terrain propice aux formes d’esclavage moderne », a conclu Tomoya Obokata dans son énoncé de fin de mission, le 6 septembre dernier. Il s’est aussi dit « profondément troublé par les récits d’exploitation et d’abus » dont lui ont fait part des travailleurs migrants. M. Obokata présentera son rapport au Conseil des droits de l’homme en septembre 2024.

« De se faire dire ça par les Nations unies, si ça ne donne pas un électrochoc à l’effet qu’il faut saisir la question, je ne sais pas ce que ça va prendre », dit M. Cliche-Rivard. « C’est gênant, que ce soit un rapporteur qui vienne au Québec pour faire notre travail », poursuit-il.

Ce programme de migration temporaire a été créé par le fédéral, mais il est cogéré par Québec, qui intervient à certaines étapes du processus, en délivrant notamment un certificat d’acceptation du Québec.

Avant l’ouverture des consultations, la ministre québécoise de l’Immigration, Christine Fréchette, a d’ailleurs affirmé qu’elle discutait avec son homologue fédéral, Marc Miller, pour étudier la possibilité d’imposer des critères de francisation aux travailleurs temporaires.

En commission, mercredi, Mme Fréchette a évoqué certaines options de rechange au permis fermé qui lui ont été soumises, comme un permis de travail régional ou encore sectoriel. Au printemps dernier, elle avait refusé d’inclure la question des immigrants temporaires dans sa consultation sur les cibles de cet automne.

Le Parti libéral du Québec a déposé un projet de loi au printemps dernier pour presser le gouvernement Legault de tenir compte des immigrants temporaires, a rappelé le député de Nelligan, Monsef Derraji, jeudi matin. « Nous sommes favorables à toute initiative visant à corriger et à améliorer les conditions de travail des travailleurs étrangers temporaires », a-t-il indiqué au Devoir en réaction à cette demande de mandat d’initiative.

Les travailleurs vulnérables victimes de violence peuvent demander un permis ouvert s’ils entrent dans les critères dictés par Ottawa. « Ça règle quelques histoires individuelles, mais le fardeau est lourd. [Le travailleur] doit savoir que ce permis existe et qu’il soit accompagné », note toutefois le député solidaire.

Fronde unie

 

Alors qu’en matinée, le commissaire à la langue française avait montré quelques réticences à faire grimper le seuil de résidents permanents admis chaque année au Québec, c’est plutôt la question des travailleurs étrangers temporaires que toutes les centrales syndicales tenaient à aborder en priorité.

Elles ont toutes dénoncé le « système d’immigration actuel à deux vitesses » et exigé « l’abolition des permis fermés » par communiqué. La Centrale des syndicats démocratiques (CSD), la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) ont ensuite chacune leur tour soulevé cette question devant la ministre Fréchette.

« La hausse des travailleurs étrangers temporaires dans le système d’immigration est alarmante », a souligné en commission Denis Bolduc, secrétaire général de la FTQ. Il a relaté recevoir de plus en plus souvent des communications sur des abus ou des situations d’exploitation de ces travailleurs, qui ont peur d’exercer leurs recours à cause du permis fermé. Il a donc insisté « fortement sur la nécessité de mettre fin aux permis de travail fermés ».

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec avait vertement critiqué ce programme dès 2012, jugeant que les travailleurs étrangers temporaires sont victimes de discrimination systémique « en raison de leur origine ethnique ou nationale, de leur race, de leur condition sociale, de leur langue ». Le Bureau du vérificateur général du Canada a aussi souligné toutes les défaillances dans la surveillance de ce programme en 2017. Des comités de la Chambre des communes ont aussi recommandé en 2009, en 2016 et en 2021 que des voies vers la résidence permanente soient rendues plus accessibles.



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