Les étudiants étrangers dorénavant cruciaux pour les cégeps en région

Presque tous les cégeps en région traversent ce changement démographique. Et bien qu’ils ne comptent que pour 4 % des cégépiens (7044 sur 175 474 étudiants au total), les étudiants étrangers sont cruciaux pour les plus petits collèges.
Marie-France Coallier Le Devoir Presque tous les cégeps en région traversent ce changement démographique. Et bien qu’ils ne comptent que pour 4 % des cégépiens (7044 sur 175 474 étudiants au total), les étudiants étrangers sont cruciaux pour les plus petits collèges.

On en recensait 2500 il y a 10 ans ; ils sont aujourd’hui plus de 7000. Les étudiants étrangers remplissent les salles de classe des cégeps. Et ils resteront ici, au grand bonheur des entreprises friandes de cette main-d’oeuvre qualifiée.

Sur le millier d’étudiants du cégep de Saint-Félicien — le plus petit du Saguenay–Lac-Saint-Jean —, le tiers provient cet automne de l’étranger, une hausse de 26 % par rapport à l’an dernier. « Quand on a commencé à recruter, c’était vraiment pour la survie de nos programmes d’études », explique Nathalie Landry, coordinatrice à l’international du collège. « Puis, on s’est aperçus qu’il y avait d’autres bénéfices. »

Non seulement de plus en plus de cégépiens en profitent pour s’ouvrir au monde, mais ces centaines de nouveaux arrivants, dont 89 % proviennent de France, rayonnent partout au royaume du fjord et du bleuet. « On est une municipalité de 10 000 personnes. Les étudiants internationaux, on les voit partout. On entend l’accent français un peu partout dans l’épicerie, dans les restaurants. Ces gens-là travaillent et sont vraiment impliqués », raconte-t-elle.

Presque tous les cégeps en région traversent ce changement démographique. Et bien qu’ils ne comptent que pour 4 % des cégépiens (7044 sur 175 474 étudiants au total), les étudiants étrangers sont cruciaux pour les plus petits collèges.


 

« Ça assure la viabilité », confirme Patrick Bérubé, directeur général de l’Association des collèges privés du Québec. « Pour certains collèges qui sont en région, l’apport des étudiants internationaux peut faire la différence entre une cohorte qui va démarrer et une autre qui ne démarrera pas. Par exemple, s’ils ont besoin de 15 étudiants pour démarrer l’année et qu’ils ont 12 étudiants québécois, ça se pourrait que cette cohorte-là ne soit pas viable. Avec 3 étudiants internationaux, ça permet d’assurer que ça fonctionne. »

Les collèges privés subventionnés accueillent à eux seuls environ 3500 étudiants étrangers, un peu moins de 10 % de l’effectif total. « On y voit vraiment une richesse culturelle pour la diversité dans les collèges », souligne M. Bérubé.

L’aide de Québec

La décision de Québec de réduire les droits de scolarité des étudiants étrangers en région n’est pas étrangère à cette explosion des demandes. Depuis cet automne, ils sont à zéro dans certains programmes collégiaux bien précis.

Le cégep de Drummondville — le plus gros du Centre-du-Québec — s’est lancé à fond dans l’aventure du recrutement à l’étranger l’an dernier. « On a reçu plus de 1000 demandes, on ne s’attendait pas à ça ! On est habitués à en administrer 100, à peu près », s’exclame Pierre Vigeant, directeur du développement international du collège. Finalement, ils sont près de 90 à avoir été admis cet automne, contre une moyenne de 30 les années passées. « L’objectif est d’arriver à 250 en 2025. »

La plupart proviennent naturellement de la francophonie (France, Afrique de l’Ouest, Afrique du Nord) et se dirigent vers des programmes techniques, comme la mécanique, les soins infirmiers ou l’éducation à l’enfance. Ce canal de formation constitue une véritable mine de talents pour les entreprises québécoises souffrant d’un manque de main-d’oeuvre. « [Les entrepreneurs] aussi font beaucoup de recrutement à l’international. Ils sont souvent plus sensibles pour recruter », remarque M. Vigeant.

Au cégep de Rivière-du-Loup — en milieu de peloton des quatre collèges du Bas-Saint-Laurent —, c’est près de 16 % de la clientèle qui vient d’ailleurs. Ce nombre en hausse « apporte un supplément qui est bienvenu, surtout dans les programmes plus difficiles », note René Gingras, directeur général du cégep.

Le « défi » du logement sévit là-bas comme ailleurs, mais « ça force la régionalisation » de l’immigration, et le milieu des affaires ne peut que s’en réjouir. « Comme il y a des stages, les entreprises peuvent, entre guillemets, “tester la marchandise” et voir comment ces étudiants s’adaptent », note-t-il.

Pas tant pour l’argent

Parmi les « objectifs stratégiques » des cégeps, établis en 2019, 86 % considéraient l’augmentation du nombre d’étudiants étrangers comme une priorité. « Augmenter les revenus » ne rejoignait que 32 % d’entre eux.

Ces étudiants étrangers ne fournissent en effet que des revenus modestes pour les cégeps, comme expliquait au Devoir la semaine dernière le p.-d.g. de la Fédération des cégeps du Québec, Bernard Tremblay. D’abord, les étudiants français paient au maximum les mêmes droits que les Québécois. Puis, même dans le cas d’un étudiant africain sans bourse ou exemption, qui paie en moyenne 15 000 $ en droits de scolarité, l’argent va surtout dans les coffres du ministère.

« Quand le collège reçoit un étudiant international, il reçoit la subvention qu’il recevrait s’il s’agissait d’un Québécois, ainsi que 10 % supplémentaires », calcule Bernard Tremblay, qui réclame « trois fois plus » de ces étudiants étrangers.

« Ça peut être une clé pour la régionalisation de l’immigration », affirme-t-il. Un constat partagé par les directions de cégep aux quatre coins du Québec.

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