Saint-Hyacinthe, entre continuité et renouveau

Marijo Demers (à droite) et Hernan Restrepo se sont engagés à planter des arbres pour compenser les émissions de CO2 de leur campagne électorale.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Marijo Demers (à droite) et Hernan Restrepo se sont engagés à planter des arbres pour compenser les émissions de CO2 de leur campagne électorale.

Une ville de taille moyenne avec tous les problèmes — et les solutions — du XXIe siècle. Une population vieillissante. Plus d’immigration qu’ailleurs hors des grands centres. Et maintenant, un parti politique, le premier en 40 ans. À Saint-Hyacinthe se joue une lutte où renouveau et continuité font valoir leurs avantages respectifs.

« Mon Dieu, vous êtes courageuse. Ça fait longtemps qu’il n’y a pas eu de femme mairesse. »

Une dame positionne son masque juste avant de répondre sur le pas de sa porte, dans le district de Sainte-Rosalie, à Saint-Hyacinthe. Devant elle, l’aspirante à la mairie Marijo Demers et le candidat au poste de conseiller Hernan Restrepo parlent sans attendre de leur programme en 16 pages concocté à la suite d’une tournée de consultation dans chaque quartier de la ville. « On espère que vous pourrez aller voter, c’est moins de quatre citoyens sur dix qui vont exercer ce droit aux élections municipales », dit Mme Demers, cheffe du parti Saint-Hyacinthe unie.

Elle assaisonne ses conversations de porte-à-porte de quelques statistiques bien placées, sans trop compliquer l’écoute. Elle sourit aussi beaucoup, fière et intarissable. « Est-ce que je vous ai parlé de l’aile jeunesse de notre parti ? C’est très rare d’avoir ce genre de groupe de jeunes au municipal », dit-elle au Devoir entre deux adresses de sa tournée.

Enseignante de science politique au cégep, mère de deux enfants, chroniqueuse, elle est arrivée deuxième dans la circonscription de Saint-Hyacinthe aux dernières élections provinciales, sous la bannière de Québec solidaire, devançant l’ancien ministre péquiste de l’Environnement Daniel Breton.

Hernan Restrepo, lui, veut décrocher le siège de conseiller de cet ancien village qui fait maintenant partie de la plus grande ville. Il s’empresse donc de demander à la femme qui apparaît dans l’entrebâillement : « J’habite ici depuis plusieurs années, je voulais connaître vos préoccupations. »

Un camion vrombissant passe à bonne vitesse derrière lui, comme pour répondre à sa question. « Je suis sorti à vélo avec mes enfants, et un camion nous a frôlés. Il y a beaucoup trop de circulation ici », affirme alors M. Restrepo, qui en profite pour remettre au centre des discussions un thème cher à sa formation politique.

Saint-Hyacinthe unie mène en effet une campagne carboneutre. Le parti a calculé les émissions de gaz à effet de serre produits par les cartons, pancartes et déplacements électoraux des 12 candidats, qu’ils compenseront en plantant 55 arbres. « C’est une prise de position politique. Que je gagne ou pas, je vais rester écoresponsable », dit Mme Demers.

Entre expérience et sang neuf

 

L’adversaire de Mme Demers n’est pas en reste. Le candidat indépendant André Beauregard siège depuis 12 ans comme conseiller municipal du district de Douville et s’est à présent lancé pour obtenir le poste de maire, qui est occupé à l’heure actuelle par Claude Corbeil, qui ne sollicite pas un autre mandat.

Il a adopté lui aussi plusieurs propositions environnementales dans sa plateforme, qu’il énumère à grande vitesse : ajouter des bornes de recharge électriques pour les voitures, améliorer les infrastructures d’égouts et d’aqueducs, ajouter un vaste parc urbain, entre autres.

Plusieurs résidents de Saint-Hyacinthe admettent lorgner la canopée urbaine, les activités et les loisirs de Granby et Drummondville, deux villes de taille comparable. « On reconnaît que la canopée n’est toujours pas suffisante, même si on a planté de plus en plus d’arbres », affirme M. Beauregard en entrevue. À l’aura de changement de ses adversaires, il oppose sa « connaissance des dossiers » : « Il y a beaucoup de projets en cours à poursuivre et qui sont déjà sur les rails », résume-t-il.

L’apport de sang neuf « et de beaucoup d’idées » a peut-être un peu accéléré la discussion, suggère Marijo Demers de son côté. Alors que plus de la moitié des candidats au poste de maire dans la province ont plus de 61 ans, elle détonne avec ses 41 ans.

Le candidat qu’elle accompagne, Hernan Restrepo, fait lui aussi figure de jeunesse dans ce panorama vieillissant. À 35 ans bien comptés, avec ses deux enfants et ses deux entreprises, il a 20 ans de moins que l’âge médian des aspirants conseillers municipaux québécois. Quant à son opposant, Daniel Côté, c’est un sixième mandat qu’il sollicite dans le même district.

Le visage de Saint-Hyacinthe

 

Arrivé au Québec à 16 ans, après avoir fui la Colombie avec sa famille, M. Restrepo espère être le premier candidat issu de l’immigration à être élu au poste de conseiller du district de Sainte-Rosalie. Fils d’un professeur et syndicaliste, il a le caractère sociable des gens d’affaires et « la couenne dure » — comme il le dit lui-même — de ceux qui sont passés par de rudes épreuves. « Si j’étais encore en Colombie, je ne me lancerais jamais en politique, c’est trop dangereux », note-t-il.

Le district qu’il convoite est un milieu assez homogène, encore agricole, tissé serré avec la plupart des résidents de très longue date. « Je craignais un peu la réaction des gens, mais je n’ai vu que de l’ouverture », se réjouit-il.

Il faut dire que la population de Saint-Hyacinthe change, et peut-être plus vite qu’à d’autres endroits au Québec. Avec une moyenne de 500 nouveaux arrivants chaque année, la municipalité compte une plus grande proportion d’immigrants que la région de Québec, par exemple, ainsi que ses voisines Granby et Drummondville.

« C’est aussi ça, l’avenir », sourit Hernan Restrepo.

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