Le genre à l’école, qu’en pensent les élèves?

Depuis quelque temps, l’épineuse question des identités de genre à l’école est au centre des discussions.
Marie-France Coallier archives Le Devoir Depuis quelque temps, l’épineuse question des identités de genre à l’école est au centre des discussions.

Depuis quelque temps, bien du monde partage son avis sur l’épineuse question des identités de genre à l’école, y compris des intellectuels qui évoquent le bien des enfants dont ils pourraient être les grands-parents, mais appellent surtout la société à prendre une pause sur cette question. Mercredi, le ministre Bernard Drainville a annoncé la mise sur pied d’un comité scientifique sur la question de la transidentité. Et des élèves, qu’entend-on ? Rien.

Pourtant, il existe depuis des années des comités d’élèves lesbiennes-gais-bis-trans-queer-intersexe et autres (LGBTQ+), y compris dans des écoles élémentaires. Ces comités peuvent compter plus d’une vingtaine d’élèves qu’accompagnent des adultes, parfois une stagiaire en sexologie. On s’y retrouve pour réfléchir, échanger et organiser des activités de sensibilisation. Des camarades hétéros peuvent s’y joindre par empathie et solidarité et pour lutter contre l’injustice.

La création du comité est parfois l’initiative d’élèves trans, et des organismes aident à les former, comme le Groupe régional d’intervention sociale de l’Estrie avec son projet Génération5+, Interligne avec son programme Alliances genre, identité et sexualités et la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick, qui offre depuis 2016 un Guide sur la création et la mise en oeuvre d’un comité de la diversité sexuelle, de genre et leurs alliés dans les écoles francophones.

Côté anglophone, on parle de comités Gender and Sexuality Alliance ou Gay-Straight Alliance. En 2018, aux États-Unis, l’élève charismatique X González (alors prénommée « Emma ») était membre d’un tel comité lorsqu’elle a lancé une mobilisation nationale contre les armes à feu, après une tuerie dans son école. L’année suivante, en Alberta, des milliers d’élèves manifestaient devant leurs écoles contre un projet de loi du gouvernement conservateur qui obligerait celles-ci à informer les parents si leurs enfants se joignaient à un tel comité. « Les jeunes ont le droit à leur vie privée à l’école », pouvait-on lire sur leurs pancartes.

Tout cela est moins nouveau qu’on le dit. Dans les années 1990, à Los Angeles, des parents appelaient à garder leurs enfants à la maison pendant le mois de la Fierté célébré dans des écoles. Plus récemment, au Missouri, une centaine d’élèves ont manifesté, avec leurs parents, contre l’utilisation des toilettes et des vestiaires des filles par une élève transgenre. Pour sa sécurité, elle a dû se retirer derrière la porte verrouillée d’un bureau.

En juin dernier, à Los Angeles, des parents ont à nouveau appelé à garder les enfants à la maison, en plus de manifester devant l’école avec des chandails frappés du slogan « Laissez nos enfants tranquilles » et des bannières contre l’« endoctrinement », hurlant à la tête d’élèves LGBTQ+ brandissant le drapeau arc-en-ciel.

Au Québec, la Journée contre l’homophobie et la transphobie a été cette année l’occasion d’exprimer son intolérance : certains élèves se sont vêtus entièrement de noir pour protester contre l’appel à porter des vêtements colorés (à Coaticook), d’autres ont lancé une pétition contre les « symboles ou publicités en lien avec les orientations sexuelles » (à Sherbrooke) ou arraché le drapeau arc-en-ciel dans le grand hall avant de le piétiner, devant une foule d’élèves criant de joie en filmant la scène avec leur téléphone (à Pincourt).

Tolérance

 

Cela dit, nos recherches sur les mobilisations d’élèves indiquent qu’elles expriment plutôt la tolérance à la diversité sur ces questions, au risque de sanctions par la direction. En Alberta, des élèves ont protesté devant l’école contre la décision de la direction d’effacer un arc-en-ciel dessiné à l’entrée de l’établissement à la craie. La direction a fait appel à la police.

Aux États-Unis, des élèves ont fait la grève pour protester contre des discours haineux anti-LGBTQ+. La direction a suspendu 11 grévistes. Dans une école privée pour filles en Grande-Bretagne, une enseignante a refusé d’appeler par son prénom choisi une personne non binaire s’identifiant comme « iel » (they ou them, en anglais). Des élèves de 11-12 ans ont alors manifesté dans l’école et l’enseignante s’est finalement excusée.

Plus empathique, le directeur du Brighton College a modifié le code vestimentaire datant de 1846 pour accommoder les transgenres, expliquant que « si des garçons et des filles sont plus heureux en s’identifiant à un genre différent de celui reçu à leur naissance, alors mon travail est de les accommoder. Mon seul intérêt en tant que directeur est leur bien-être et leur bonheur ».

Cette décision aurait peut-être évité à une centaine d’élèves de Lille de se rassembler pour respecter une minute de silence à la mémoire de Fouad, une camarade transgenre qui s’est suicidée. Quelques jours avant, la direction l’avait renvoyée chez elle, sous prétexte qu’elle rendait d’autres élèves mal à l’aise en portant une jupe. Sur les réseaux sociaux, ses jeunes camarades lançaient le mouvement Venez en jupe, pour dénoncer la transphobie, et rappelaient que « les droits des trans sont des droits de la personne », y compris à l’école.

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