Elle, c’était Domino, lui, c’était Ti-Gars

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Dans ses chroniques, notre collaboratrice Nathalie Plaat en appelle à vos récits. Dans « Amours chienne », elle demandait à lire vos histoires d’amour avec vos animaux, mais aussi de pertes de ces êtres chers, afin que nous puissions retrouver le chemin du meilleur chez l’humain. La rubrique « Des nouvelles de vous » en offre un éventail.

Elle, c’était Domino. Une chatte noir et blanc qui est née dans mon garde-robe, d’une maman de gouttière pas trop d’adon qui y avait élu domicile pendant l’hiver. Elle a eu trois petits. Domino est celle qui vivra le plus longtemps. Presque quinze ans.

Lui, c’était Ti-Gars, un chaton jeté dans une boîte de carton au fond d’une poubelle, dévoré par la vermine. Noir et blanc aussi. Quatre souliers blancs, une redingote et une barbichette. Un jazzy cat. Il gardera une taille assez frêle.

Dès que je l’ai ramené à la maison et renippé, Ti-Gars est devenu un chat capable de manifester sa gratitude. Point de volonté de projections anthropomorphiques de ma part. Entre le tempérament de Domino et Ti-Gars, il y avait un monde de différences. Elle était frileuse, peureuse, délicate, solitaire. Il était colleux, joueur, casse-cou et bavard. Dès qu’ils se sont trouvés, ils ne se sont plus quittés. Il avait vraiment l’air d’un couple. Ils étaient beaux à voir. Ensemble.

Ce couple félin a tout vu. Les ruptures, les décès et les déménagements. Les peines et les orgasmes. Les naissances. La plupart de mes plus importants souvenirs des vingt dernières années sont ponctués par la présence de ces deux êtres phénoménaux.

 

Domino, c’était ma grande consolatrice. Bien qu’elle fût solitaire, il suffisait que je pleure ou que je sois malade pour qu’elle vienne se lover sur moi et qu’elle monte de plusieurs crans les décibels de son ronronnement. Je vous dis pas à quel point ça pouvait vibrer. C’était systématique. Si je faisais semblant de pleurer, elle avait une sorte de feulement de désapprobation. Elle faisait la différence.

Ti-Gars, lui, n’avait pas cette faculté. Pas avec moi en tout cas. Il ne l’a manifesté que lorsque ma fille est née. Une seule fois. Pour elle.

Ma fille devait avoir autour d’un an. Elle était malade depuis deux jours. La fièvre était élevée. Elle pleurait, criait, ne pouvait pas dormir. On était incapables de la calmer. Et Ti-Gars de se manifester avec un étrange miaulement ayant les airs d’un reproche. S’il avait été soudainement doué de parole et qu’il nous avait dit « tassez-vous, les parents ! Vous savez pas quoi faire ! Je m’en occupe ! », nous n’aurions été surpris qu’à moitié.

Il s’est couché en boule sur les jambes de ma fille. Ça l’a calmée. Elle s’est vite assoupie. Il n’a pas bougé d’un iota pendant les heures de sommeil de notre bébé. Ti-Gars n’était pas un frileux. Il ne cherchait jamais à se blottir contre une source de chaleur. Cette fois-là, alors que ma fille était brûlante, il n’a pas bougé d’un cran.

Je m’ennuie encore de ces deux-là, des années plus tard. J’ai « loadé » ma carte de crédit plusieurs fois pour leur besoin de santé. Aucun regret.

Quand Ti-Gars est tombé malade, il a fallu que nous le fassions euthanasier chez le vétérinaire. Je regrette encore ce choix. C’est comme s’il était juste disparu.

Quand les reins de Domino ont commencé à la faire trop souffrir, nous l’avons fait euthanasier à la maison. Ma fille a pris le corps de sa chatte dans ses bras pour l’escorter à la porte de notre maison et la remettre au vétérinaire. C’était un beau moment. Doux.

Mon garçon de quatre ans, nous voyant tous pleurer, eut un moment d’interrogation. Il nous dit :

« Est-ce qu’on arrête de pleurer un jour ? »

Je n’ai pas su quoi lui répondre, mais j’ai eu envie de lui dire que non. Et qu’au final, c’est très bien comme ça.

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Vous avez pris la bonne décision, elle ne souffre plus et gambade maintenant au ciel canin, me dit la vétérinaire, en lui fermant les paupières. J’ai caressé Lolita avant, pendant et après l’injection. Lui ai dit combien je l’aimais. […] J’ai tellement pleuré. J’avais demandé son collier comme souvenir. J’ai été incapable de le lui retirer. Je suis rentrée chez moi en tenant sa laisse pliée au creux de ma main. Quand mon conjoint de l’époque est rentré, un peu plus tard, assise sur le canapé, je tenais encore la laisse au creux de ma main. Il a tout compris, il s’est effondré lui aussi. On a pleuré ensemble, alors que nous étions au bord de la rupture depuis quelques semaines. – Linda Véroni, Montréal

Je partage avec vous la perte d’un merveilleux compagnon, une golden retriever à qui j’ai fait prendre, pour une fois seulement, une marche sans sa laisse et qui s’est précipitée à la rencontre d’un autre chien pour se faire frapper par une voiture. Son dos disloqué me fait encore mal. Au moins son euthanasie m’a donné une dernière image plus apaisante. […] Quand je repense au regard de Chloé (du nom d’un personnage mythique que je ne pensais pas qu’on donnerait à un enfant) où je croyais lire carrément de la bonté, je me dis qu’elle avait sans doute une conscience plus développée que nous lui permettant d’être en accord avec son monde. – Patrice Gagnon, de Baie-des-Sables en Matanie

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