Un troisième procès, hors de l’ordinaire, pour Adèle Sorella, accusée du meurtre de ses fillettes

Les avocats de l’accusée, Me Guy Poupart et Me Pierre Poupart, qui ont mené les deux premiers procès
Peter McCabe La Presse canadienne Les avocats de l’accusée, Me Guy Poupart et Me Pierre Poupart, qui ont mené les deux premiers procès

Deux procès pour le meurtre de ses deux fillettes et deux résultats identiques : « coupable », a déclaré le jury à deux reprises à l’endroit d’Adèle Sorella. Mais la Cour d’appel a aussi annulé les deux verdicts de culpabilité rendus contre elle et a ordonné à la Couronne de recommencer à zéro.

Mercredi matin, le troisième procès de la mère de famille a commencé au palais de justice de Laval, et il sera très différent des deux précédents.

 

La Couronne ne veut pas baisser les bras dans cette affaire et insiste pour que la femme soit envoyée derrière les barreaux, 14 ans après le crime qui lui est reproché. « On parle du meurtre de deux fillettes. Manifestement, c’est de la plus grande importance », a déclaré aux journalistes la procureure de la Couronne dans le dossier, Me Marie-Claude Bourassa.

Les deux verdicts de culpabilité ont été annulés par la Cour d’appel pour cause de directives erronées données aux jurés. Mais pour cette troisième prise, le procès va se dérouler différemment. Exit le jury : le procès va se dérouler devant une juge.

De plus, dans une procédure hors de l’ordinaire, aucun témoin physique ne défilera à la barre : les enregistrements de leurs témoignages seront joués dans la salle de cour, sous l’oreille attentive de la juge Myriam Lachance, de la Cour supérieure. « C’est un peu inhabituel », a convenu Me Bourassa, qui explique que la décision de procéder de la sorte a été prise après de nombreuses discussions avec les avocats de l’accusée, Me Guy Poupart et Me Pierre Poupart, qui ont mené les deux premiers procès.

Toute la preuve sera la même : ainsi, l’entièreté de ce qui a été présenté au juge du dernier procès sera versée dans celui-ci, une façon de procéder qui va épargner beaucoup de temps.

La thèse du « suicide élargi »

L’accusée a tout de même dû se lever pour la lecture de l’acte d’accusation. Deux chefs de meurtre au second degré lui sont reprochés pour avoir causé la mort de ses deux fillettes — Amanda, 9 ans, et Sabrina, 8 ans — le 31 mars 2009. « Non coupable », a soufflé la femme, maintenant âgée de 57 ans.

La Couronne entend présenter la thèse du « suicide élargi », selon laquelle l’accusée aurait voulu s’enlever la vie et entraîner ses enfants dans la mort avec elle. Elle fera valoir que Mme Sorella avait « l’opportunité exclusive » de tuer ces enfants ce matin-là : elle était seule avec ses fillettes et sa mère était absente. « C’était prévu », a lancé Me Bourassa.

Les fillettes ont été retrouvées mortes dans la résidence familiale en fin d’après-midi par leur oncle.

Pas de traces d’effraction, pas de traces de violence, pas de preuves de menaces, a énuméré la procureure de la Couronne, en ajoutant que ces éléments sont « au coeur de notre théorie ».

Des morts encore mystérieuses

 

Malgré deux procès, des éléments demeurent mystérieux : l’autopsie n’a pas permis de déterminer la cause de la mort des fillettes.

La Couronne maintient la théorie avancée lors des deux précédents procès et montre du doigt la chambre hyperbare présente dans la résidence familiale pour traiter l’arthrite juvénile d’une des petites filles. Il s’agit d’une espèce de caisson qui utilise de l’oxygène à une pression supérieure à la pression atmosphérique. Selon la Couronne, « cet endroit clos » est la source possible d’une mort par suffocation des fillettes.

Les avocats de Mme Sorella n’ont pas encore étayé leur défense, mais lors du dernier procès, ils avaient fait valoir qu’un tiers avait pu entrer dans la maison et s’en prendre à Amanda et Sabrina. Ils avaient notamment plaidé que le père des enfants, Giuseppe De Vito, un chef de clan de la mafia, était recherché par la police au moment où ses filles sont mortes. Il avait quitté le domicile familial en 2006 et était en cavale depuis. Il a été retrouvé mort dans sa cellule de prison en 2013.

Parmi les éléments soulevés, des traces de bottes suspectes au sous-sol et la disparition d’un module d’enregistrement d’un système d’alarme fort sophistiqué soutenaient cette théorie, selon la défense, qui estimait que la police avait bâclé l’enquête et n’avait même pas vérifié toutes les fenêtres de la maison.

Le procès doit durer jusqu’à la fin du mois d’octobre.

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