Redorer le blason des médias

À travers les quelque 160 pages de son essai, Marie-Ève Martel s’est attardée sur les notions d’intérêt public, sur le droit du public à l’information ou encore sur la liberté de la presse.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir À travers les quelque 160 pages de son essai, Marie-Ève Martel s’est attardée sur les notions d’intérêt public, sur le droit du public à l’information ou encore sur la liberté de la presse.

La confiance du public envers les médias a été mise à mal ces dernières années, et la méconnaissance du métier de journaliste n’y est certainement pas étrangère. Pour remettre les pendules à l’heure, la reporter Marie-Ève Martel prend la plume pour expliquer, dans un nouvel essai, les rouages du métier, en déboulonnant au passage certains mythes tenaces.

« Un journaliste, ce n’est pas juste quelqu’un qui a une tribune et qui en profite pour écrire ou dire ce qu’il veut. Il y a une série de règles, de normes, qui encadrent le métier pour garantir un journalisme de qualité au public », lance d’emblée en entrevue la journaliste Marie-Ève Martel, qui publie ces jours-ci aux Éditions Somme toute l’essai Pas de lapin dans le chapeau.

Cumulant quinze années d’expérience dans ce « métier-vocation », elle constate avec désolation à quel point les citoyens se font souvent de fausses idées sur le quatrième pouvoir, influencés par des productions culturelles qui l’idéalisent, le dénigrent ou le caricaturent. Une situation qui, selon elle, n’est pas sans conséquence sur la confiance qu’ils accordent aux médias, une confiance en constante baisse depuis plusieurs années.

Elle a donc décidé de consacrer tout un ouvrage aux rouages de sa profession. En tant que chargée de cours en journalisme à l’Université de Montréal, elle travaillait déjà à vulgariser les normes éthiques et déontologiques du métier aux apprentis journalistes, alors pourquoi ne pas en faire un livre accessible au grand public ?

Revenir aux bases

« S’il y a une chose qu’un journaliste n’est pas, c’est un magicien. […] Il doit travailler avec la vérité, la vérité toute nue : il la met en lumière, il présente les faits tels qu’ils sont, sans chercher à les déformer. C’est donc, contrairement au magicien, quand son public comprend bien tous les tenants et les aboutissants de son rôle que le journaliste parvient à bien effectuer son travail », explique-t-elle d’emblée dans Pas de lapin dans le chapeau.

Je préfère parler de “subjectivité honnête” plutôt que d’objectivité journalistique

À travers les quelque 160 pages de son essai, elle revient aux bases en s’attardant sur plusieurs notions essentielles telles que l’intérêt public, le droit du public à l’information ou encore la liberté de la presse. Elle présente ensuite les coulisses d’un bon reportage, s’appuyant sur des exemples et des contre-exemples qui ont marqué les esprits ces dernières années. Elle rappelle ainsi que c’est la recherche de vérité qui guide la profession et revient sur l’importance de rapporter la nouvelle en l’ayant vérifiée et contre-vérifiée, et de présenter toujours les deux côtés de la médaille d’une histoire, de ne pas avoir de parti pris et d’éviter tout conflit d’intérêts.

Elle s’attarde par ailleurs à rappeler la différence entre un journaliste et un chroniqueur. « C’est LA chose la plus basique qu’il est important que les gens comprennent. Beaucoup ont encore du mal à différencier une chronique d’un reportage. Ils se mettent alors à accuser un chroniqueur d’être partial, alors que c’est son travail de livrer son opinion sur un sujet, contrairement au journaliste, qui doit rester objectif », souligne Marie-Ève Martel.

Elle se penche d’ailleurs sur cette fameuse notion d’objectivité journalistique, de plus en plus remise en question au sein même de la profession. « Je préfère parler de “subjectivité honnête” plutôt que d’objectivité journalistique, en ce sens où, en ne revendiquant pas une objectivité totale, le journaliste demeure conscient de ses propres partis pris qui peuvent, sans même qu’il s’en rende compte, influer sur la manière dont il traite son sujet », écrit-elle.

De bons lecteurs

Avec cet ouvrage, la journaliste souhaite ainsi donner les outils aux citoyens pour qu’ils deviennent de meilleurs consommateurs de nouvelles. En comprenant mieux comment un journaliste travaille, ils apprécieront davantage le travail journalistique, espère-t-elle. Ils seront par ailleurs plus aptes à juger de la qualité des informations qui circulent en ligne et à déceler plus rapidement les fausses nouvelles.

« C’est un des droits les plus fondamentaux de ne pas aimer un reportage ou de juger qu’un journaliste a mal fait son travail. Mais là, au moins, ça donne des outils, de la matière à réflexion pour juger si un journaliste a vraiment mal fait son travail », note Marie-Ève Martel, rappelant qu’il est « de notre devoir de corriger [les erreurs] aussitôt que celles-ci sont portées à notre attention ».

Elle accorde ainsi tout un chapitre sur les mécanismes mis en place pour permettre au public de se faire les chiens de garde du quatrième pouvoir, en devenant en quelque sorte le cinquième pouvoir. Tout un chacun peut écrire aux journalistes ou à leurs supérieurs pour signaler une erreur, ou bien faire une plainte au Conseil de presse du Québec ou à l’ombudsman de Radio-Canada.

« On n’est pas parfaits. Avec la réalité des médias qui cherchent à se réinventer pour survivre, […] des fois, est-ce qu’on ne voudrait pas aller trop vite pour sortir la nouvelle ? C’est sûr que ça arrive. »

Pas de lapin dans le chapeau. Coulisses éthiques et déontologiques du travail journalistique

Marie-Ève Martel, Éditions Somme toute, Montréal, 160 pages. En librairie le 19 septembre.

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