Les régions craignent peu l’arrivée de citadins en zone orange

La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, exclut d'utiliser des barrages routier visant à empêcher les déplacements d'une zone à l'autre à nouveau.
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, exclut d'utiliser des barrages routier visant à empêcher les déplacements d'une zone à l'autre à nouveau.

Les régions qui s’apprêtent à virer à l’orange lundi ne redoutent pas d’invasion imminente de citadins des zones rouges avides de repas au restaurant, même si aucun barrage policier n’est prévu pour contrôler ces déplacements déconseillés, source de critiques auprès des oppositions à Québec.

« Je ne pense pas que les gens vont partir de Québec et de Montréal pour venir s’asseoir prendre un thé pour dire “wow, on est content d’être au restaurant” », prévoit Cindy Marquis, copropriétaire de deux cafés nommés Bonté Divine, situés tout près l’un de l’autre, mais séparés dès lundi par la frontière imaginaire qui départagera la zone orange de la zone rouge.

Alors que les tables de son établissement de Saint-Jean-Port-Joli, dans Chaudière Appalaches, demeureront rangées, celles de son café de La Pocatière seront, elles, parmi les plus proches de Montréal où il sera possible de s’attabler la semaine prochaine. Pour s’y rendre, il faudra à peine plus de trois heures et demie de route pour les Montréalais. Une heure trente pour les gens de Québec souhaitant désobéir aux recommandations du premier ministre François Legault de ne pas quitter la zone rouge pour le plaisir. Une distance à parcourir qui ne laisse pas beaucoup de temps pour savourer un souper et rentrer avant le couvre-feu, toujours à 20 h en zone rouge.

« Je ne pense pas que les barrages soient quelque chose de nécessaire. Il y a beaucoup de gens dans la région qui travaillent dans Chaudière-Appalaches et qui vivent au Bas-Saint-Laurent, et vice-versa. Pour notre café, ce n’est pas nécessaire », explique Mme Marquis, confiante quant au retour de sa clientèle essentiellement locale.

Chez un restaurateur voisin, à la Pizzéria St-Louis, on dit s’être adapté à la pandémie en se tournant vers les livraisons. Les règles entourant l’ouverture de la salle à manger, comme la tenue obligatoire d’un registre des clients, embête son propriétaire, qui n’est même pas certain d’ouvrir la sienne.

« C’est clair qu’il pourrait y avoir plus de monde, comme il y en a eu la première fois [lors du premier déconfinement, au printemps]. Je me vois mal dire aux gens qu’on ne veut pas les voir, qu’ils aillent au McDonald’s près de l’autoroute 20. Je n’ai pas envie de jouer à la police », explique Pierre-Olivier Langlais. Il pense qu’un retour des barrages routiers pourrait effectivement bloquer les visiteurs, mais se dit ni pour, ni contre.

Absence critiquée

 

Mercredi, les partis d’opposition à Québec ont vivement dénoncé la stratégie du gouvernement Legault, qui exclut les barrages routiers visant à empêcher les déplacements d’une zone à l’autre. Québec solidaire et le Parti québécois ont reproché au premier ministre François Legault de faire un « Justin Trudeau » de lui-même en n’imposant pas un contrôle plus strict pour décourager les déplacements, alors que la cheffe libérale Dominique Anglade a invoqué le « principe de précaution », qui commanderait à son avis la mise en place de points de contrôle policiers. « Il est évident que si tu passes de zone rouge à zone orange, il devrait y avoir des barrages routiers », a-t-elle affirmé.

« On s’en remet toujours à la bonne foi des Québécois, depuis le début », leur a répliqué la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault. Le message gouvernemental a trouvé écho auprès d’élus de régions sur le point de passer à l’orange, qui ont confié au Devoir pouvoir se passer de ces contrôles policiers.

« Je pense que le premier ministre a été très clair, on doit compter sur le gros bon sens », estime la mairesse de Saguenay, Josée Néron, qui ne croit pas à l’hypothèse d’un flot de visiteurs de Québec ou de Montréal sur le point d’envahir sa ville. À son avis, la récente hausse des cas au Saguenay–Lac-Saint-Jean, qui a eu des conséquences dramatiques avant d’être maîtrisée en quelques mois, a été suffisante pour dissuader les excursionnistes de faire la route.

« On a tous le goût d’aller se payer un petit week-end quelque part, mais il faut penser à notre responsabilité individuelle, et je pense que la plupart des gens comprennent. »

En Abitibi-Témiscamingue, autre région bientôt orange, des citoyens ont exprimé quelques craintes de voir débarquer des visiteurs montréalais, admet d’emblée la mairesse de Rouyn-Noranda, Diane Dallaire. Elle ne demande pas pour autant un retour des barrages.

« Il faut faire confiance que les gens vont respecter les mesures. Si chacun se responsabilise, on est correct. Il y a quand même une inquiétude, mais ce qui nous rassure, c’est que la période de chasse est terminée. On a vu à l’automne beaucoup de gens de la zone rouge qui se sont déplacés chez nous, et ça s’est bien passé. Ça n’a pas fait de vagues. »

Barrages irréalistes

 

Un constat similaire est fait dans le Bas-Saint-Laurent, région la plus proche géographiquement des grandes villes du sud du Québec toujours en zone rouge. Un retour des barrages ne peut plus être envisagé à cette étape du déconfinement, selon Yvon Soucy, préfet de la MRC de Kamouraska.

« La situation est vraiment différente actuellement, et ce serait beaucoup plus difficile de mettre des barrages. Au printemps, tout était fermé, y compris les manufacturiers, la construction, et les commerces. C’est irréaliste d’envisager ça de nouveau. Par contre, nos policiers nous disent qu’il pourrait y avoir des contrôles aléatoires », prévient M. Soucy.

En plus de faire valoir que la Santé publique ne recommande pas d’instaurer de nouveaux barrages, le gouvernement Legault précise que les policiers du Québec sont occupés à appliquer le couvre-feu et à effectuer des visites aux lieux de quarantaine des voyageurs de retour au pays. 1440 suivis de quarantaine ont eu lieu, la semaine dernière, et 1084 constats d’infraction pour non-respect du couvre-feu ont été remis durant cette période.

Avec Marie-Michèle Sioui  

Hausse des cas à Saint-Jean-sur-Richelieu

Les cas de COVID-19 se multiplient à Saint-Jean-sur-Richelieu. Depuis deux semaines, 338 nouvelles infections ont été détectées dans la ville. Une situation d’autant plus « préoccupante », selon la Santé publique, que la COVID-19 perd du terrain ailleurs en Montérégie. « Nous sommes incapables de relier les trois quarts des cas à des éclosions précises », dit la directrice régionale de santé publique de la Montérégie, la Dre Julie Loslier. La médecin invite les citoyens à se rendre dans des centres de dépistage s’ils ont des symptômes. « Une bonne part de la population » ne le fait pas, déplore-t-elle. « En Montérégie, on a plus de deux jours d’attente entre le début des symptômes et le dépistage », précise-t-elle. La Dre Julie Loslier rappelle qu’un test doit être effectué en présence d’un mal de gorge, d’un nez bouché ou qui coule.  
 

Marie-Eve Cousineau
 


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