Les avocats d’organisateurs du Convoi tentent d’empêcher des Ottaviens de témoigner

Tamara Lich (au centre), une organisatrice des manifestations du Convoi de la liberté, arrive à son procès à Ottawa, lundi.
Justin Tang La Presse canadienne Tamara Lich (au centre), une organisatrice des manifestations du Convoi de la liberté, arrive à son procès à Ottawa, lundi.

Les avocats de deux des principaux organisateurs des manifestations du Convoi de la liberté à Ottawa ont tenté lundi d’empêcher le témoignage de huit résidents et représentants d’entreprises de la capitale, dans un débat qui met en lumière l’un des principaux différends juridiques dans cette affaire.

Tamara Lich et Chris Barber subissent leur procès pour des accusations criminelles liées à leur rôle présumé dans la manifestation qui a bloqué des rues du centre-ville d’Ottawa pendant trois semaines, l’année dernière, alors que plusieurs personnes manifestaient contre les restrictions sanitaires liées à la COVID-19.

« Ce n’est pas le procès du convoi », a répété encore une fois lundi au tribunal l’avocat de Mme Lich, Lawrence Greenspon, un argument qu’il a souvent évoqué depuis le début du procès la semaine dernière.

La Couronne ne voit pas la chose du même oeil. « Il s’agit en fin de compte d’un procès sur ce qui s’est passé dans cette ville » pendant la manifestation et sur le rôle que les coaccusés ont joué, a soutenu lundi la procureure Siobhain Wetscher.

La Couronne veut notamment appeler à la barre cinq résidents d’Ottawa pour décrire ce qu’ils ont vu et vécu pendant les manifestations du convoi. La poursuite souhaite ainsi appeler notamment Zexi Li, qui a demandé la permission d’intenter une action collective contre les organisateurs de la manifestation, au nom de ceux et celles qui vivaient et travaillaient au centre-ville de la capitale fédérale à ce moment-là.

La poursuite souhaite que s’ils sont autorisés à témoigner, ces résidents puissent parler des rues bloquées, du bruit incessant des klaxons et des moteurs de poids lourds, de l’odeur oppressante des gaz d’échappement, des gens qui urinent en public et de la réticence même à sortir de chez soi.

La Couronne entend également appeler à la barre le propriétaire d’une boutique de vêtements pour dames, un responsable du transport en commun d’Ottawa ainsi que des employés du Centre national des arts. La Couronne avait prévu d’appeler à la barre un employé de l’hôtel Fairmont Château Laurier, mais elle y a depuis renoncé.

Mme Lich et M. Barber ont déjà déposé au tribunal des aveux signés où ils reconnaissent que les « gestes de certains individus » qui ont participé à la manifestation avaient interféré avec les transports en commun ainsi qu’avec l’emploi ou la jouissance légitime de propriétés et de commerces.

« Il n’est absolument pas nécessaire d’appeler ces neuf témoins », a plaidé lundi Me Greenspon, soutenant que leur témoignage ne serait pas pertinent au sens strictement juridique. Les témoins n’ont eu aucune interaction directe avec Mme Lich ou M. Barber, et les deux organisateurs n’ont pas admis qu’ils avaient joué un rôle dans les perturbations, a plaidé l’avocat.

Mais pour la Couronne, leur aveu ne va pas assez loin pour empêcher le témoignage de personnes directement touchées par la manifestation. « Je ne pense pas que M. Greenspon soit en mesure d’admettre que la manifestation n’était pas pacifique », a déclaré Me Wetscher. La Couronne a déjà allégué que la manifestation était « tout sauf » pacifique.

La poursuite veut montrer exactement comment les perturbations, les intimidations et les obstructions se sont manifestées après que des milliers de gros camions sont arrivés à Ottawa à la fin de janvier 2022, bloquant des rues dans ce que le maire de la ville de l’époque avait qualifié de « siège » et d’« occupation illégale ».

La juge Heather Perkins-McVey a souligné lundi que la question de savoir si la manifestation était pacifique n’affectait pas les accusations portées contre M. Barber et Mme Lich, mais pourrait constituer un facteur aggravant.

Les deux organisateurs font face à des accusations de méfaits et d’incitation à commettre des méfaits, d’intimidation et d’entrave à la police. M. Barber est également accusé d’avoir encouragé d’autres personnes à enfreindre une ordonnance du tribunal interdisant de klaxonner pendant la manifestation.

Me Wetscher a soutenu que la Couronne avait le droit de présenter les preuves qu’elle juge appropriées pour relier les paroles et les actes des coaccusés aux résidents et aux travailleurs du centre-ville d’Ottawa. « La Couronne soutient que les meilleures preuves proviendront des civils », a plaidé la procureure.

Si la juge leur permet de témoigner, les témoins ne seront pas autorisés, par contre, à parler de l’impact que la manifestation a eu sur eux personnellement. La juge Perkins-McVey a déclaré qu’elle appliquerait fermement cette règle, en tant que gardienne du droit. « Ce sera une porte très étanche. Il y aura beaucoup de serrures sur cette porte », a-t-elle promis lundi.

La juge a par ailleurs souligné que le tribunal avait déjà entendu le premier témoin, l’inspecteur Russell Lucas, de la police d’Ottawa, qui a raconté que diverses personnes ont manifesté à Ottawa pour des raisons différentes. Il sera donc difficile pour la Couronne d’associer les observations des résidents d’Ottawa aux gestes posés par les coaccusés, a-t-elle indiqué.

« Je ne sais pas si ces témoignages auront le poids que vous espérez », a-t-elle mentionné à Me Wetscher.

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