Anxiété et alcool, et le risque du cercle vicieux

Catherine Couturier
Collaboration spéciale
Boire pour faire face à l’anxiété peut augmenter le risque d’avoir des problèmes d’alcool.
Photo: iStock Boire pour faire face à l’anxiété peut augmenter le risque d’avoir des problèmes d’alcool.

Ce texte fait partie du cahier spécial Santé mentale

« Les gens pensent que les habitudes de consommation des jeunes se calment en vieillissant, mais ce n’est pas le cas pour tous », soulève Roisin O’Connor, professeur de psychologie à l’Université Concordia. Et si certaines personnes, sensibles à l’anxiété, étaient plus à risque ?

C’est dans le cadre de ses études en psychologie à l’Université Concordia que la doctorante Charlotte Corran a voulu explorer le lien entre la sensibilité à l’anxiété et la consommation d’alcool. « Les personnes sensibles à l’anxiété ont peur d’être anxieuses, et croient que cette anxiété mènera à des conséquences négatives : “je vais rougir, je vais transpirer, les gens vont me juger…” », décrit Mme Corran. Pour ces personnes, l’alcool peut devenir une béquille pour les aider à gérer cet état.

Un cercle vicieux

Ce comportement d’évitement peut entraîner les jeunes dans un cercle vicieux. « Ils se sentent nerveux, alors ils boivent, parce qu’ils se disent qu’ils ne peuvent pas gérer la situation sans ça. Mais cela fait en sorte qu’ils sont de moins en moins capables de tolérer ces sensations », observe Mme O’Connor. « C’est là où est le risque. Ils pensent qu’ils doivent boire pour se sentir mieux », ajoute Mme Corran.

Ainsi, boire pour faire face à l’anxiété peut augmenter le risque d’avoir des problèmes d’alcool. « Si vous buvez pour diminuer une sensation négative, la consommation peut mener à des situations ou à des comportements problématiques : boire jusqu’à perdre connaissance, sexe non protégé, difficultés à l’école ou au travail… », explique Mme O’Connor. Inversement, ces mêmes problèmes d’alcool peuvent renforcer la tendance à boire pour gérer son anxiété. Pour mieux comprendre ces facteurs de risque, Charlotte Corran, sous la direction de Roisin O’Connor, a donc voulu explorer les liens entre la sensibilité à l’anxiété et la consommation d’alcool chez les jeunes adultes ; les résultats de cette étude viennent d’être publiés dans la revue Psychology of Addictive Behaviors.

Une étude longitudinale

Près de 200 cégépiens et cégépiennes ont participé à l’étude en remplissant un questionnaire en ligne en trois temps, sur une période d’un an. « Nous voulons ultimement aider les jeunes adultes à mieux gérer ces facteurs de risque, pour prévenir le développement de futurs problèmes », souhaite Mme Corran. Les jeunes ont répondu à trois questionnaires à six mois d’intervalle, deux durant leur dernière année de cégep, et un six mois après avoir obtenu leur diplôme, une période charnière dans leur parcours.

L’équipe de chercheurs a examiné les différentes motivations poussant à boire (pour composer avec l’anxiété ou pour accroître des sensations) de même que les attentes envers l’alcool (réduire la tension, améliorer les habiletés sociales ou courage liquide). « Nous avons examiné les deux côtés : se débarrasser de quelque chose de négatif, et renforcer quelque chose de positif », précise Mme Corran. Tous ces facteurs ne sont pas linéaires, mais s’influencent et se renforcent mutuellement au fil du temps. « Si je bois pour faire face à une situation stressante, je vais probablement m’attendre à ce que l’alcool réduise mes tensions, ce qui peut conforter ma perception que c’est bien de boire pour faire face à une situation », avance Mme Corran.

Les résultats montrent que les attentes envers l’alcool et les motivations pour consommer se renforcent mutuellement, et que les personnes sensibles à l’anxiété étaient plus susceptibles de consommer pour y faire face. « Mais ce qui est intéressant, c’est qu’on a noté une certaine variabilité selon le contexte ou la situation. Ces choses ne sont pas complètement solidifiées, tout n’est pas aussi noir ou blanc sur le plan individuel », nuance Mme Corran.

Des stratégies d’adaptation plus saines

Sur le plan de la recherche fondamentale, cette étude permet de comprendre les effets de la sensibilité à l’anxiété sur les raisons de consommer de l’alcool, et sur les risques de consommation. Les chercheurs espèrent également que leurs résultats aideront ceux qui conçoivent les interventions.

La psychologie offre plusieurs stratégies pour gérer autrement cette peur de l’anxiété : exercices de respiration, journal, méditation, thérapie cognitivo-comportementale. « Il ne faut pas avoir peur de ces sensations, on peut les interpréter différemment », résume Mme O’Connor.

La professeure O’Connor suggère aussi de consommer prudemment, et selon les situations plutôt que selon nos émotions : au lieu de prendre un verre après une dure journée au travail, il est plus sain de consommer pour souligner un événement positif, quand nous sommes dans un bon état d’esprit. « Il faut reprogrammer le cerveau : vous n’êtes pas en danger, les sensations finiront par passer », conclut Mme Corran.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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