900 millions de dollars de fonds fédéraux «en attente» pour le logement au Québec

«Ça fait déjà six mois qu’on est en attente. C’est bien trop long», a précisé le président de l’UMQ, Martin Damphousse, vendredi après-midi.
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne «Ça fait déjà six mois qu’on est en attente. C’est bien trop long», a précisé le président de l’UMQ, Martin Damphousse, vendredi après-midi.

Une enveloppe de 900 millions de dollars de fonds réservée au logement est bloquée faute d’entente entre Québec et Ottawa, dénonce l’Union des municipalités du Québec (UMQ).

« On est attente, on a les mains liées, on ne peut rien faire », a déploré son président, Martin Damphousse, à l’occasion du Sommet sur l’itinérance à Québec vendredi. « Sans cette entente-là, on ne peut rien faire, l’argent reste gelé. »

Ce dernier en a profité pour écorcher le premier ministre Justin Trudeau, qui a insinué cette semaine que les maires traînent pour déposer leur demande, alors que plusieurs villes québécoises contactées par Le Devoir ont affirmé être plutôt en attente de la conclusion de négociations avec Québec.

Selon les informations obtenues par Le Devoir, Québec et Ottawa sont toujours en négociation sur l’utilisation du fonds au Québec. Une source au cabinet de la ministre de l’Habitation du Québec indique que le gouvernement Legault est en attente d’une réponse du fédéral à l’offre qu’il lui a soumise en juin dernier.

Le gouvernement fédéral a annoncé mercredi que la ville ontarienne de London serait la première municipalité au pays à toucher aux sommes du Fonds pour accélérer la construction de logements (FACL). Ce fonds de 4 milliards de dollars a été annoncé lors du budget de 2022, mais les villes ne pouvaient pas y souscrire avant cet été. Une enveloppe de 900 millions est réservée au Québec.

« Ça fait déjà six mois qu’on est en attente. C’est bien trop long, a précisé le président de l’UMQ, M. Damphousse, en après-midi vendredi. Toutes les autres provinces canadiennes, les municipalités [canadiennes] ont accès à ces sommes-là maintenant. »

On a besoin de femmes et d’hommes politiques qui sont en colère […] Si Mme Duranceau n’est pas en colère, on a un problème. Si M. Bonnardel n’est pas en colère, si M. Dubé n’est pas en colère […], on a un problème.

Dans son discours en début de journée, Martin Damphousse avait même invité à la blague les ministres des deux ordres de gouvernement dans la salle (le ministre fédéral des Services publics, Jean-Yves Duclos, et le ministre québécois des Services sociaux, Lionel Carmant) à profiter de la pause pour dénouer le dossier. Sans succès.

M. Duclos, qui a quitté l’événement avant qu’on puisse le questionner à ce sujet, a réagi par écrit en indiquant que les « négociations se poursuivent pour débloquer la somme destinée au logement qui changera des vies ». « Nous sommes impatients que cela se concrétise », a-t-il aussi mentionné.

10 000 itinérants en 2021

Des centaines de personnes étaient réunies vendredi au Sommet sur l’itinérance organisé par l’UMQ dans la capitale. À cette occasion, le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, a annoncé la tenue d’un nouveau dénombrement des itinérants en 2024.

Le dernier dénombrement, dont les résultats sont sortis cette semaine, indique une augmentation de 44 % du nombre de personnes en situation d’itinérance par rapport à 2018. Lors de cette opération réalisée à l’automne 2022, pas moins de 10 000 itinérants ont été recensés. Quatre ans plus tôt, ils étaient moins de 6000.

L’exercice se tenait auparavant tous les quatre ans. Or, le monde municipal, dont le maire de Québec, Bruno Marchand, pressait le ministre Carmant d’en augmenter la fréquence.

Jeudi, M. Carmant a annoncé un nouvel investissement de 15,5 millions de dollars destiné aux refuges pour sans-abri. Une somme jugée insuffisante par les maires. « Ce ne sera pas suffisant, mais vous l’avez admis vous-même », lui a lancé M. Marchand dans son allocution vendredi.

Absence remarquée de la ministre Duranceau

 

Sa collègue, la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, brillait quant à elle par son absence à l’événement de vendredi. Ce que n’ont pas manqué de critiquer les députés de Québec solidaire et du Parti libéral du Québec présents sur place.

Le cabinet de la ministre l’a défendue notamment en affirmant qu’elle n’avait pas été invitée, ce qu’a contredit l’UMQ.

Dans un cas comme dans l’autre, elle aurait dû s’assurer d’être présente, a fait valoir le maire Marchand. « Tous les ministres étaient les bienvenus. Ça fait six mois que ça s’organise, que les gens sont au courant. Si elle avait voulu être là, elle aurait pu être là. On lui aurait déroulé le tapis rouge. »

Le maire de Québec presse en outre le gouvernement de faire de la lutte contre l’itinérance une priorité nationale. « On a besoin de femmes et d’hommes politiques qui sont en colère, a-t-il dit. Si Mme Duranceau [la ministre de l’Habitation] n’est pas en colère, on a un problème. Si M. Bonnardel [François, ministre de la Sécurité publique] n’est pas en colère, si M. Dubé [Christian, ministre de la Santé] n’est pas en colère […], on a un problème. »

« L’objectif ultime », a-t-il ajouté, « c’est de réduire l’itinérance à zéro », « c’est la médaille d’or pour un peuple qui se veut fier et qui ne veut pas laisser personne en chemin ».

Avec Boris Proulx

 

Une version précédente de ce texte, qui désignait François Bonnardel comme ministre des Transports dans une citation du Bruno Marchand, a été corrigée.

Legault vise une aide plus immédiate que d’abolir la TVQ

Le premier ministre François Legault ne ferme pas la porte à l’idée d’exempter la construction de logements locatifs de la taxe de vente provinciale (TVQ), comme l’a annoncé le gouvernement Trudeau jeudi, mais il y a d’autres mesures plus urgentes qui peuvent être prises, selon lui. « Il y a aussi d’autres mesures qu’on regarde de très près, qui pourraient avoir, peut-être, plus d’efficacité à court terme », a répondu M. Legault en mêlée de presse vendredi. « Oui, ça peut être intéressant à long terme pour encourager la construction d’enlever la TVQ, mais reste qu’il y a une priorité aussi à court terme, d’aider les gens. » M. Legault n’a pas voulu s’avancer sur les mesures étudiées, mais il a parlé d’aides financières pour « les personnes qui ont connu des grosses augmentations de loyer ». Le gouvernement dévoilera ses intentions dans la mise à jour économique prévue en novembre.

La Presse canadienne


À voir en vidéo