15,5 millions de plus pour des refuges pour itinérants au Québec

L’annonce du ministre Carmant vise à consolider et à offrir des places en refuge en prévision de l’hiver.
Marie-France Coallier Le Devoir L’annonce du ministre Carmant vise à consolider et à offrir des places en refuge en prévision de l’hiver.

Le gouvernement du Québec débloque 15,5 millions de dollars pour financer des projets de refuge aux quatre coins du Québec afin de faire face à la crise de l’itinérance, que le premier ministre qualifie de « tempête parfaite ».

« Les ressources qu’on avait suffisent pas », a reconnu le premier ministre François Legault, jeudi.

Un peu plus tôt, le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, avait annoncé 15,5 millions d’argent frais en réponse à l’importante augmentation de l’itinérance au Québec.

Son ministère avait lancé un appel de projets cet été dans le but de financer certains d’entre eux. Or, face à l’ampleur de la crise, il a décidé de financer tous ceux qui pouvaient démarrer dès cet hiver.

Un rapport de l’Institut national de santé publique du Québec indique une augmentation de 44 % du nombre de personnes en situation d’itinérance par rapport à 2018. Lors d’un dénombrement réalisé à l’automne 2022, pas moins de 10 000 itinérants ont été recensés. Quatre ans plus tôt, ils étaient moins de 6000.

Réaction trop tardive ?

Le ministre Carmant a indiqué qu’il s’attendait à une telle augmentation, mais se défend d’avoir tardé à agir dans le dossier. « C’est un phénomène nouveau qui a explosé avec la COVID », a-t-il dit.

Le premier ministre Legault a quant à lui souligné que le nombre de lits disponibles pour personnes sans logis dans la métropole était passé de 900 à 1600 depuis son arrivée au pouvoir.

La Coalition avenir Québec est notamment sur la sellette parce qu’elle a tardé à reconnaître l’existence de la crise du logement dans son premier mandat. Or, le rapport rendu public mercredi précise que le fait d’avoir été « expulsé de son logement, que ce soit pour non-paiement de loyer, reprise du logement ou tout autre motif », est un facteur qui contribue à précariser certaines personnes qui risquent de tomber dans l’itinérance.

La ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, qui n’était pas en poste avant 2022, a répété qu’elle mettait tout en oeuvre pour augmenter le nombre de logements. « On le reconnaît, qu’il y a une crise du logement. Moi, depuis que je suis en poste, tout ce que je fais, c’est débloquer des projets. »

« On voit aujourd’hui le prix de l’inaction caquiste, depuis cinq ans, en matière de logement, a dénoncé le député de Québec solidaire Étienne Grandmont. Ça a pris tout un mandat pour qu’ils reconnaissent qu’il y avait une crise du logement. »

Une critique similaire est venue du Parti québécois, qui estime que les fonds annoncés jeudi sont insuffisants. « Le ministre a annoncé, aujourd’hui, 20 millions de dollars. C’est largement insuffisant. Ça manque d’ambition », a fait valoir le député Joël Arseneau, des Îles-de-la-Madeleine.

Le gouvernement avait d’abord annoncé un investissement de 20 millions de dollars, mais ces fonds incluent des sommes déjà annoncées dans le dernier budget. Ce sont donc, en réalité, 15,5 millions qui s’ajoutent.

À la veille de la tenue du sommet sur l’itinérance, les libéraux jugent, eux aussi, qu’il faudra investir bien davantage. « On a besoin de 40 millions de dollars à Montréal juste pour maintenir l’offre d’hébergement d’urgence », a dit la députée Elisabeth Prass (D’Arcy-McGee). 

Le Parti libéral du Québec propose aussi, comme solution, qu’on utilise les locaux commerciaux des centres-villes pour les convertir en lieux d’hébergement pour personnes sans abri.

Avec La Presse canadienne

Une présence «préoccupante» d’immigrants chez les sans-abri

Alors même qu’il étudie la possibilité d’augmenter ses seuils d’immigration, Québec se dit « préoccupé » de voir un nombre grandissant de nouveaux arrivants se retrouver à la rue.

La ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, a convenu jeudi qu’une part des 10 000 personnes en situation d’itinérance dénombrées l’an dernier au Québec étaient issues de l’immigration.

« La hausse de l’itinérance est un phénomène préoccupant. Comme le reste de la population, les personnes immigrantes, notamment les demandeurs d’asile, sont touchées par le phénomène », a-t-elle affirmé dans une déclaration écrite transmise au Devoir.

En matinée, le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay, avait affirmé que les niveaux actuels d’immigration avaient contribué à l’augmentation à 44 % du nombre de personnes en situation d’itinérance depuis 2018. « C’est clair que ça a eu un impact, parce que, lorsque l’on parle de la première cause de l’itinérance, [c’est la] non-disponibilité des logements. […] Ça participe de ça », avait-il dit, avant d’ajouter qu’il ne voulait pas lancer la pierre aux nouveaux arrivants.

Interrogé lui aussi sur ce phénomène, le député péquiste Pascal Bérubé a accusé le gouvernement caquiste de s’être rangé du côté des autres groupes d’opposition en proposant un scénario de hausse des seuils. « C’est sûr que c’est un enjeu », a-t-il dit lorsqu’interrogé sur l’apport de l’immigration au phénomène d’itinérance. « Il y a un certain nombre de tabous qu’il faut être capables d’aborder. »

Le Parti québécois propose de rabaisser les seuils à 35 000 immigrants permanents par année. Au contraire, Québec solidaire souhaite une cible entre 60 000 et 80 000. Jeudi, le porte-parole du parti de gauche en matière d’immigration, Guillaume Cliche-Rivard, a convenu que « la pression de l’immigration [sur l’itinérance] existe », mais a plutôt invité le gouvernement à investir en logement social et en lutte à l’itinérance.

François Carabin

 



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