Un message de paix pour la prochaine génération

Le philantrope Brian Bronfman
Adil Boukind Le Devoir Le philantrope Brian Bronfman

Lorsque ma fille avait environ six ans, j’ai vécu un moment qui m’est resté gravé en mémoire. Lors de notre rituel du soir, j’étais installé sur son lit, lisant un livre qu’elle aimait, tandis qu’elle était blottie contre moi, la tête sur mon épaule. Je me souviens d’avoir pensé que la vie ne pouvait pas être plus belle, que ce moment ne pouvait pas être plus paisible et heureux. Le présent, mais également l’avenir semblaient brillants et aussi pleins de promesses que possible.

Plus d’une douzaine d’années plus tard, la joyeuse innocence de ce moment s’est transformée en inquiétude, non seulement pour elle, mais pour toute la prochaine génération. Le monde est beaucoup plus dur, car les dilemmes qui ne faisaient que percoler à l’époque sont devenus de véritables crises. Au cours des cinq premières décennies de ma vie, le mouvement en faveur de l’avancée des droits de la personne, de l’égalité des femmes et même des droits des animaux semblait irrépressible. Tout comme le respect toujours plus grand envers la diversité ainsi qu’une prise de conscience et un engagement plus marqué envers les enjeux environnementaux.

Au cours de la dernière décennie, cependant, beaucoup de choses ont changé, alors que des gouvernements populistes et des politiques de division se sont implantés dans des parties du monde qui semblaient autrefois iné-branlablement démocratiques et solidement enracinées dans la justice. Avec la guerre russe contre l’Ukraine et d’innombrables autres exemples de conflit et d’insécurité, en plus des dictateurs mégalomaniaques ayant le doigt sur le bouton nucléaire, l’horloge de l’apocalypse affiche un angoissant 90 secondes avant minuit.

Parallèlement, la planète n’a cessé de se réchauffer et, selon le secrétaire général des Nations unies, António Guterres : « l’effondrement climatique a commencé », ce qui se traduit par des records de chaleur, des incendies de forêt, la fonte de la banquise arctique et des températures océaniques encore jamais atteintes auparavant. Aujourd’hui, de nombreux jeunes se demandent s’ils devraient avoir des enfants, compte tenu à la fois de l’impact d’un être humain supplémentaire sur la planète et du chaos dans lequel naîtrait cet enfant.

Des mouvements tels que Pas d’avenir, pas d’enfants sont largement basés sur les craintes liées au changement climatique, mais dans le documentaire The Climate Baby Dilemma, la Dre Jade Sasser indique que, pour les communautés racialisées, la décision de ne pas avoir d’enfants est davantage guidée par des préoccupations liées à la paix : le racisme et la discrimination, les divisions politiques et les tensions sociales.

Passage à l’action

Cela dit, que les inquiétudes et les décisions de nos jeunes soient liées au climat ou à la paix, nous ne devons pas laisser le désespoir l’emporter sur l’espoir ni le découragement sur le bonheur et l’amour. La clé, d’après mon expérience personnelle et d’après les scientifiques interrogés dans le cadre de ce documentaire, réside dans le passage à l’action, avec le sentiment de responsabilisation et d’espoir qu’il génère.

Selon la Dre Britt Wray, « on peut être totalement dépourvu d’espoir et commencer à agir. L’espoir est alors ce que vous créez lorsque vous travaillez aux côtés d’autres personnes ». Quelque part entre l’optimisme naïf qui n’appelle pas à la nécessité d’agir et le pessimisme déresponsabilisant qui conduit à l’inertie totale, il y a cette perspective pragmatique qu’il n’y a d’autre choix que de s’allier pour construire un avenir plus brillant et plus sain à la prochaine génération, voire aux sept prochaines.

Le changement se produit généralement lorsque nous ressentons un certain inconfort. En japonais, le mot « crise » est composé de deux caractères, l’un signifiant « danger » et l’autre, « opportunité ». En observant les nombreux exemples de l’activisme des jeunes, des marches pour le climat aux initiatives de solidarité en milieu scolaire (en soutien aux personnes autochtones, queers, noires et autres groupes marginalisés), je crois que les crises auxquelles nous faisons face conduiront à une action de plus en plus importante de leur part.

Les jeunes d’aujourd’hui savent qu’ils ne peuvent pas être complaisants, ils ont hérité d’un monde dont les dysfonctionnements exigent une intervention au nom d’un avenir plus prometteur. Les gens de ma génération sont aussi de plus en plus conscients de l’héritage inquiétant qu’ils sont en train de laisser derrière eux. La collaboration intergénérationnelle est plus que nécessaire.

J’espère que de nombreuses personnes, jeunes et moins jeunes, commenceront à agir en participant à la cinquantaine d’activités enrichissantes et fédératrices qui composent la programmation des Journées de la paix. J’espère également que la prochaine génération, se sentant confiante et remplie d’espoir plutôt qu’anxieuse et vaincue, pourra profiter d’intenses moments de bonheur et de connexion dans un monde, construit avec les générations qui l’ont précédée, qui annonce un avenir durable et pacifique.

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