Québec a déposé son appel sur les commissions scolaires anglophones

Les commissions scolaires anglophones jugent que projet de loi 40 constitue une attaque à leur pouvoir de gestion et de contrôle de leurs institutions scolaires.
Jacques Nadeau Archives Le Devoir Les commissions scolaires anglophones jugent que projet de loi 40 constitue une attaque à leur pouvoir de gestion et de contrôle de leurs institutions scolaires.

Le récent jugement de la Cour supérieure sur la réforme de la gouvernance scolaire s’appuie sur une vision trop large du droit à l’instruction dans la langue de la minorité, fait valoir le Procureur général du Québec dans la déclaration d’appel qu’il vient de déposer.

Le premier ministre, François Legault, a annoncé la semaine dernière que Québec avait l’intention de contester un récent jugement à la faveur de l’Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ). Celle-ci estime que le projet de loi 40 — qui a notamment transformé les commissions scolaires en centres de services scolaires — brime les droits des minorités linguistiques du Québec.

« On est déçus, mais pas surpris », a réagi vendredi le directeur général de l’ACSAQ, Russell Copeman. « Nous soupçonnons depuis le début que cette affaire-là va aller jusqu’à la Cour suprême, mais quand même, on avait espoir qu’il y ait une certaine ouverture du gouvernement du Québec pour […] discuter avec nous et voir s’il y a une alternative à la judiciarisation. »

Les commissions scolaires anglophones avaient remporté une manche contre le gouvernement le 3 août dernier. Le juge Sylvain Lussier, de la Cour supérieure, avait alors conclu que la réforme de la gouvernance scolaire était en partie inconstitutionnelle, en plus de violer les droits de la communauté anglophone du Québec.

Or, voilà que la lutte devant les tribunaux se poursuit. Dans une déclaration d’appel datée du 8 septembre, le Procureur général du Québec avance que les conclusions du juge Lussier « découlent de la très large portée qu’il donne à l’article 23 de la Charte canadienne ».

Cet article garantit aux membres des groupes minoritaires le droit à l’enseignement dans leur langue, lorsque leur nombre le justifie.

La souveraineté parlementaire en péril

 

Selon Québec, « le premier juge a erré en concluant que l’article 23 impose une obligation de consultation des membres de la communauté linguistique minoritaire, qu’elle s’applique dans le cadre du processus législatif et qu’elle impose au pouvoir législatif l’obligation d’intégrer dans une loi les éléments qui sont demandés par la communauté anglophone qui répondraient à leurs besoins. ».

Le magistrat a aussi fait erreur « en n’établissant aucune limite des sujets sur lesquels ces demandes doivent être considérées », écrit le Procureur général du Québec. Les conclusions du juge Lussier « heurtent de plein fouet les principes de la séparation des pouvoirs et de la souveraineté parlementaire », lit-on dans la déclaration d’appel.

Les commissions scolaires anglophones jugent que projet de loi 40, adopté sous bâillon en février 2020, constitue une attaque à leur pouvoir de gestion et de contrôle de leurs institutions scolaires. Elles estiment être amputées de leur pouvoir décisionnel au profit du ministère de l’Éducation.

La réforme de la gouvernance scolaire entraîne notamment le remplacement des conseils des commissaires par des conseils d’administration. Chez les anglophones seulement, les élections scolaires sont maintenues, mais uniquement pour les membres des conseils d’administration étant des parents d’élèves ou des représentants de la communauté. Les postes de présidents et de vice-présidents des CSS sont réservés aux membres siégeant à titre de parent d’un élève, et cette disposition est jugée trop restrictive par les commissions scolaires anglophones.

Fait à noter, le conseil d’administration du Québec Community Groups Network a voté jeudi une motion afin d’avoir un statut d’intervenant dans le dossier. « C’est important pour la communauté d’avoir des institutions qui sont gérées par la communauté. Alors une centralisation du gouvernement n’est pas une bonne idée, dans n’importe quel secteur », a déclaré la directrice générale Sylvia Martin-Laforge au Devoir. Elle a aussi dit croire que le dossier cheminera jusqu’à la Cour suprême.

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