Nicolas Ellis, maître de cérémonie des «Noces» à Montréal

Le chef d’orchestre Nicolas Ellis sera à la tête de l’Orchestre Métropolitain dès samedi pour « Les noces de Figaro ».
Sylvain Légaré Le chef d’orchestre Nicolas Ellis sera à la tête de l’Orchestre Métropolitain dès samedi pour « Les noces de Figaro ».

À partir de samedi, Les noces de Figaro de Mozart prendront l’affiche pour quatre représentations sous la direction de Nicolas Ellis à la tête de l’Orchestre Métropolitain. Ce sera la première présence du prometteur chef dans la fosse à Montréal.

La face rebelle et hirsute d’un jeune homme tatoué qui nous tire la langue en semblant apprécier le travail de son orthodontiste est devenue l’emblème des Noces de Figaro version 2023 à Montréal. Il semble y avoir une sorte de problème d’adéquation ou de corrélation entre l’individu et le chef-d’oeuvre de Mozart, puisque mardi soir, à quelques jours du spectacle, l’Opéra de Montréal s’est mis à déclencher une « vente éclair de 48 heures » (on est en plein dedans) avec le deuxième billet à 50 % et un rabais de 40 % pour les solitaires. Il est bien dommage de constater que ce que Bernard Labadie qualifiait jadis sans hésitation de « plus grand opéra de Mozart » ne remplit pas naturellement et sans efforts quatre soirées à Montréal !

Si le chef québécois attribuait ces vertus, en 2003, aux Noces de Figaro c’est parce que, disait-il alors au Devoir : « C’est l’opéra où la mécanique théâtrale et dramaturgique est la plus parfaite. On y trouve évidemment des airs très connus, mais ce qui éblouit, c’est la mécanique théâtrale très bien huilée sur un rythme souvent très rapide, comme dans la pièce de Beaumarchais. Et la musique est la plus pure expression de cette mécanique dramatique. »

Mécanique et politique

On ne saurait trouver analyse synthétique plus éloquente. Aux vertus musicales et dramaturgiques de l’oeuvre se greffe une importance historique. Avec Les noces de Figaro, se noue, en 1785, la première des trois collaborations entre Mozart et le librettiste Lorenzo Da Ponte. Mozart et Da Ponte osent un opéra sur La folle journée, ou le mariage de Figaro de Beaumarchais, pièce hautement subversive, où l’on voit des domestiques triomphant par la ruse d’un aristocrate adepte du droit de cuissage.

Comme nous le développerons samedi dans un article « Opéra et politique », Louis XVI ne s’y était pas trompé, interdisant la pièce en France pendant trois ans. En Autriche, grâce à l’opéra de Mozart, créé le 1er mai 1786, « ce qu’on ne pouvait dire sur scène, on pouvait désormais le chanter », comme le nota alors un chroniqueur. Même si Da Ponte édulcore le message politique de Beaumarchais pour passer le test de la censure, il n’en laisse pas moins clairement apparaître dans la trame les luttes de pouvoir et la question des moeurs sexuelles.

La coupe majeure de Da Ponte tient à la réduction du procès de Figaro qui clôt l’acte III chez Beaumarchais. Son instinct de librettiste l’amène à finir chacun de ces actes sur un ensemble vocal. L’emballement et la fièvre musicale qui résultent de ces ensembles contribuent à l’irrésistible impact des Noces de Figaro.

Le chef Nicolas Ellis sera attendu avec impatience pour donner tout le rythme voulu à cette « folle journée », tout comme était attendu Jordan de Souza dans Don Giovanni, ici en 2016. Nicolas Ellis avait approfondi les relations Mozart-Da Ponte en 2018 avec son Orchestre de l’agora dans un brillant spectacle retraçant la folle vie du librettiste.

Les noces de Figaro ont été à l’affiche de l’Opéra de Montréal en 2003 et 2011. Il s’agira cette fois de la présentation d’une coproduction des Opéras de Kansas City, San Diego, Philadelphie et Palm Beach, mise en scène par Stephen Lawless, dans des décors et costumes de Leslie Travers fabriqués à Kansas City en 2016. Des extraits sur YouTube permettent de donner une idée de ce spectacle au cadre à la fois sobre, esthétique et conventionnel.

Opéra de Montréal

Les noces de Figaro, opéra de Wolfgang Amadeus Mozart. Hugo Laporte (Le Comte) ; Leon Košavić (Figaro) ; Kirsten MacKinnon (La Comtesse) ; Andrea Núñez (Susanna), Katie Fernandez (Cherubino) ; Scott Brooks (Bartolo), Rachèle Tremblay (Marcellina), Angelo Moretti (Basilio et Curzio), Emma Fekete (Barberina), Matthew Li (Antonio), Choeur de l’Opéra de Montréal, Orchestre Métropolitain, Nicolas Ellis. Mise en scène : Stephen Lawless. Décors et costumes : Leslie Travers. À la Salle Wilfrid-Pelletier, 23 septembre 2023. Reprises mardi, jeudi et dimanche (14 h).

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