Montréal défend sa politique d’habitation

En vertu du Règlement pour une métropole mixte, les promoteurs peuvent remettre une compensation financière à la Ville pour l’absence de logements sociaux ou abordables dans leurs projets immobiliers.
Marie-France Coallier Le Devoir En vertu du Règlement pour une métropole mixte, les promoteurs peuvent remettre une compensation financière à la Ville pour l’absence de logements sociaux ou abordables dans leurs projets immobiliers.

L’administration de Valérie Plante a défendu mardi après-midi son Règlement pour une métropole mixte, dans le cadre duquel une écrasante majorité de promoteurs ont préféré remettre une compensation financière à la Ville plutôt que d’inclure des logements sociaux ou abordables dans leurs projets.

En date du 15 août, les données ouvertes de la Ville de Montréal faisaient état de 156 projets immobiliers assujettis au Règlement pour une métropole mixte depuis son entrée en vigueur, le 1er avril 2021.

Ce règlement devait, en théorie, forcer les promoteurs à inclure 20 % de logements sociaux et autant de logements abordables et familiaux dans leurs projets immobiliers. Or, à l’instar de la défunte stratégie d’inclusion de la Ville que ce règlement est venu remplacer, il comporte une porte de sortie pour les promoteurs. Celle-ci leur permet de remettre une compensation financière à la Ville pour l’absence de logements sociaux ou abordables dans leurs projets.

Une option que 95 % d’entre eux ont préféré choisir, montrent les données ouvertes de la Ville. Ces compensations totalisent plus de 25,5 millions de dollars remis par des promoteurs souhaitant construire plus de 7200 logements.

Pendant ce temps, aucun promoteur n’a inclus de logements abordables dans ses constructions immobilières. « Tous les promoteurs ont préféré payer une compensation financière », a déploré mardi après-midi Vana Nazarian, élue du parti d’opposition Ensemble Montréal.

Cinq promoteurs ont pour leur part cédé à la Ville des terrains afin que cette dernière y réalise des projets de logement social, tandis qu’un autre s’est engagé à construire un bâtiment de 184 logements sociaux, a indiqué au Devoir le cabinet de la mairesse Valérie Plante.

Ensemble Montréal a ainsi présenté mardi une motion réclamant un bilan complet des effets du Règlement pour une métropole mixte, y compris de la manière dont les sommes versées par les propriétaires seront utilisées par la Ville.

 

« C’est une question de transparence et d’honnêteté, de présenter un bilan », a souligné Mme Nazarian, selon qui il serait « inacceptable de maintenir le statu quo » concernant le règlement, qui n’atteint pas sa cible, selon elle.

« Un changement de paradigme »

Tout en promettant de « rendre public » le bilan demandé par l’opposition, le responsable de l’habitation au comité exécutif, Benoit Dorais, s’est porté mardi à la défense du Règlement pour une métropole mixte.

« Nous sommes passés d’une politique d’inclusion qui ne visait que les projets immobiliers qui avaient des changements de zonage. Et là, maintenant, on l’impose à l’ensemble des projets. C’est important : c’est un changement de paradigme », a fait valoir l’élu. Ce dernier a alors présenté une version modifiée de la motion, qui a été adoptée à l’unanimité mardi.

Quant au recours systématique des promoteurs à des compensations dans le cadre de ce règlement, l’élu a de nouveau jeté la faute sur la fin annoncée du programme AccèsLogis par le gouvernement du Québec. « Le gouvernement a décidé de mettre fin à ça et d’y aller par appels de projets » pour la construction de logements sociaux. Un modèle « imprévisible » qui freine les élans de plusieurs promoteurs qui pourraient proposer la construction de bâtiments de logements sociaux « clés en main » dans le cadre du règlement montréalais, a-t-il fait valoir.

Baisse des mises en chantier

 

Par ailleurs, Julien Hénault-Ratelle, d’Ensemble Montréal, s’est montré inquiet des données compilées la semaine dernière par l’Institut de développement urbain du Québec selon lesquelles il y a eu une diminution de 61 % des logements autorisés par des permis de construction à Montréal au premier semestre de 2023 par rapport à la même période l’an dernier.

Le nombre de mises en chantier a diminué de 29 % l’an dernier à Montréal, tandis qu’il a augmenté de 5 % à Laval, selon des données de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec. « Les villes de Toronto et de Vancouver ont aussi connu une hausse des mises en chantier. Donc, je me pose la question : si les autres grandes métropoles canadiennes et les villes adjacentes à Montréal arrivent, sur les mêmes périodes que nous, à des hausses des constructions, pourquoi est-ce que nous, on n’y arrive pas ? C’est une question qui mérite une réponse », a lancé M. Hénault-Ratelle.

L’élu d’opposition a donc demandé un « inventaire des processus réglementaires qui viennent freiner les mises en chantier résidentielles et qui doivent être modifiés pour [qu’on] attein[gne] les objectifs qu’on a tous en matière de retour à l’abordabilité à Montréal ».

Sur ce point, l’administration de Valérie Plante a répliqué, dans une proposition de modification à cette motion, qu’une « cellule facilitatrice » travaillait déjà à trouver des moyens d’améliorer les processus réglementaires municipaux « afin d’encourager les mises en chantier résidentielles dans la métropole ». Les résultats de cette démarche seront rendus publics, assure la Ville.

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