Ensemble Montréal demande des comptes sur la construction de logements abordables

En date du 15 août, les données ouvertes de la Ville, font état de 156 projets immobiliers assujettis au Règlement pour une métropole mixte depuis son entrée en vigueur, en avril 2021. Aucun logement abordable n’est prévu dans l’ensemble de ces projets immobiliers, qui totalisent 7288 logements privés.
Jonathan Hayward La Presse canadienne En date du 15 août, les données ouvertes de la Ville, font état de 156 projets immobiliers assujettis au Règlement pour une métropole mixte depuis son entrée en vigueur, en avril 2021. Aucun logement abordable n’est prévu dans l’ensemble de ces projets immobiliers, qui totalisent 7288 logements privés.

L’opposition officielle à l’Hôtel de Ville de Montréal presse l’administration de Valérie Plante de dresser un bilan des impacts de son Règlement pour une métropole mixte.

Une demande qui survient au moment où une vaste majorité de promoteurs préfèrent remettre une compensation financière à la Ville plutôt que d’inclure des logements sociaux dans leurs projets immobiliers, ou encore de lui céder des terrains à cette fin.

En entrevue avec Le Devoir en octobre 2021, l’ancien responsable de l’habitation au comité exécutif, Robert Beaudry, entrevoyait que la hausse du montant des compensations financières exigées aux promoteurs qui refusent d’inclure 20 % de logements sociaux dans leurs projets immobiliers aurait un effet dissuasif auprès de ceux-ci. « En fin de compte, c’est plus intéressant financièrement pour les promoteurs de faire de la place pour du logement social ou abordable [dans leurs projets immobiliers] » que de remettre une compensation à la Ville, avait alors affirmé l’élu de Projet Montréal.

Or, en date du 15 août 2023, les données ouvertes de la Ville, consultées par Le Devoir, font état de 156 projets immobiliers assujettis au Règlement pour une métropole mixte depuis son entrée en vigueur, le 1er avril 2021. Du lot, cinq promoteurs ont cédé à la Ville une partie de leurs terrains aux fins de logement social, tandis que trois autres prévoient de construire ou ont livré un immeuble de logements sociaux clés en main.

Aucun logement abordable — dont le prix est inférieur à la valeur du marché — n’est d’autre part prévu dans l’ensemble de ces projets immobiliers, qui totalisent 7288 logements privés.

La vaste majorité des propriétaires et des promoteurs assujettis à ce règlement ont donc préféré remettre des contributions financières totalisant plus de 25,5 millions de dollars plutôt que de construire des logements sociaux ou abordables, ou encore de céder des terrains à la Ville.



 

« Les chiffres sont particulièrement catastrophiques », déplore Julien Hénault-Ratelle, porte-parole de l’opposition officielle en matière de développement économique et membre de la Commission sur le développement économique, l’urbanisme et l’habitation.

La Ville avait indiqué vouloir réaliser un bilan du Règlement pour une métropole mixte deux ans après son entrée en vigueur, le 1er avril 2021, dans le but de réviser certains de ses paramètres à la lumière du contexte éconmique. Or, cet exercice, qui permettrait notamment de revoir les contributions financières versées par les promoteurs pour compenser l’absence de logements sociaux ou abordables dans leurs projets, aurait dû avoir lieu il y a plusieurs mois déjà, déplore l’opposition officielle.

« L’enjeu principal, c’est le manque de transparence et d’honnêteté d’une administration qui disait justement prioriser le logement », déplore M. Hénault-Ratelle.

Le parti déposera une motion à la prochaine séance du conseil municipal, le 21 août, afin de demander à la Ville de faire « preuve de transparence quant aux effets de ses politiques publiques en matière de logements abordables ».

Ensemble Montréal demande par le fait même à la Ville de rendre des comptes sur le nombre de logements sociaux et abordables construits grâce à ce règlement, ainsi que sur la façon dont les contributions financières remises par des promoteurs ont été utilisées jusqu’à maintenant.

« Il y a une reddition de comptes, c’est prévu et c’est certain qu’on va la faire », assure pour sa part le responsable de l’habitation au comité exécutif, Benoit Dorais, sans s’avancer sur une date. « On est extrêmement ouvert à donner l’ensemble des données. On est en pleine crise du logement et on se démène pour s’assurer qu’on attaque ça sur plusieurs fronts. »

L’élu explique, qu’en raison de leur petite taille, la majorité des projets assujettis au Règlement pour une métropole mixte choisissent de remettre une contribution financière à la Ville. Ce règlement s’applique en effet à tout projet immobilier de cinq logements ou plus. Or, « c’est impossible qu’un petit projet fasse du logement social ou qu’il cède un terrain », fait valoir M. Dorais.

Les promoteurs qui souhaitent réaliser des logements sociaux « clés en main » dans le cadre de ce règlement se heurtent pour leur part au mur de bureaucratie qui accompagne le Programme d’habitation abordable Québec, mis en place par le gouvernement Legault. « C’était nettement plus facile avec AccèsLogis », un programme dont Québec a signé l’arrêt de mort l’an dernier, soupire M. Dorais.

Baisse des mises en chantier

 

L’opposition s’inquiète d’autre part de constater que le nombre de mises en chantier a diminué de 29 % l’an dernier à Montréal, tandis qu’il a augmenté de 5 % à Laval pendant la même période, selon des données de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec. Le parti se demande si le Règlement pour une métropole mixte aurait pu inciter des promoteurs à se tourner vers la banlieue de Montréal, où la réglementation est moins lourde en matière de logements sociaux et abordables.

« Ce serait complètement inacceptable de maintenir le statu quo », martèle Julien Hénault-Ratelle, selon qui des changements à ce règlement s’imposent pour ralentir la baisse des mises en chantier dans la métropole. « La situation actuelle est très problématique et vient empirer la situation que vivent les ménages locataires à faible revenu », poursuit l’élu, selon qui cette réglementation « nuit à l’abordabilité » en contribuant à la rareté de logements dans la métropole.

« Je suis certain qu’on n’a pas de promoteurs qui se disent : “Il n’y a plus d’affaires à faire à Montréal, on va aller ailleurs” », réplique M. Dorais. Si les mises en chantier ont diminué dans la métropole, c’est plutôt en raison du contexte économique instable l’an dernier, fait-il valoir. « C’est extrêmement difficile pour les promoteurs qui empruntent sur les marchés et ont de la difficulté à voir ce qui s’en vient. »


Une version précédente de ce texte, qui indiquait que la vaste majorité des propriétaires et des promoteurs assujettis au Règlement pour une métropole mixte ont préféré remettre des contributions financières totalisant 22,2 millions de dollars, a été corrigée.

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