Demande d’autorisation d’action collective contre les CHSLD publics

Le CHSLD Sainte-Dorothée (sur la photo), à Laval, a connu l’une des pires éclosions de COVID-19 au Québec.
Marie-France Coallier archives Le Devoir Le CHSLD Sainte-Dorothée (sur la photo), à Laval, a connu l’une des pires éclosions de COVID-19 au Québec.

La Cour supérieure du Québec entend cette semaine la demande d’autorisation d’action collective visant tous les CHSLD publics de la province ayant connu une éclosion de COVID-19 lors des deux premières vagues de la pandémie. Il y est allégué que la conduite « fautive et négligente » des établissements de santé et des autorités est « la cause directe et probable des éclosions » qui ont « fait au moins 5347 morts » dans les CHSLD entre le 13 mars 2020 et le 20 mars 2021.

Jean-Pierre Daubois, qui souhaite intenter cette action collective, a perdu sa mère de 94 ans en avril 2020. Elle résidait au CHSLD Sainte-Dorothée, à Laval, où sont décédés 101 résidents lors de la première vague, soit l’une des pires éclosions au Québec. Trois ans et demi plus tard, le fils de la défunte dénonce toujours haut et fort la gestion de la crise par les établissements de santé, le ministère de la Santé et des Services sociaux et le directeur national de santé publique du Québec.

« Il y a un niveau d’incompétence, de non-préparation et même un niveau de négligence très très grave qui a été faite envers l’ensemble des résidents du CHSLD Sainte-Dorothée, mais envers l’ensemble des résidents de CHSLD au Québec », a dit aux médias Jean-Pierre Daubois, représenté par le cabinet d’avocats Ménard Martin.

En Cour supérieure lundi, Me Patrick Martin-Ménard a notamment argué que les autorités avaient tardé à mettre en application le plan québécois de lutte à une pandémie, adopté en 2006. Selon lui, il aurait dû être activé en janvier 2020 plutôt qu’en mars. « Cela a donné lieu à de l’improvisation, beaucoup de décisions prises en catastrophe et une gestion vraiment négligente au niveau de l’ensemble de la pandémie », a-t-il déclaré aux médias.

Selon l’avocat, le cas de la mère de Jean-Pierre Daubois, Anna José Maquet, est représentatif de ce qui s’est passé dans les CHSLD à l’échelle de la province. « À travers ce qu’on a appris de ce dossier, on a constaté qu’il y avait eu plusieurs manquements au niveau de la préparation, de la gestion, de la prévention et du contrôle des infections, au niveau des soins qui ont été donnés aux résidents, au niveau des décisions qui ont été prises quant à la fin de vie des résidents, dans un contexte où on ne leur permettait pas d’aller à l’hôpital. » Une directive ministérielle limitait les transferts des CHSLD vers les hôpitaux.

Si elle est autorisée par le juge, cette action collective pourrait concerner au moins 10 000 résidents de CHSLD, d’après le cabinet d’avocats, « de même qu’un nombre inconnu de personnes pouvant faire partie du groupe à titre d’aidants naturels, d’enfants, de petits-enfants, d’héritiers ou d’ayants droit ».

Me Martin-Ménard ne s’est pas avancé sur la somme potentielle totale de la réclamation, cette dernière étant « complexe ». Dans la procédure, on indique qu’un montant de 100 000 $ est demandé pour chaque conjoint survivant aux résidents de CHSLD décédés, « en sa qualité personnelle, en compensation des douleurs, stress et inconvénients subis, ainsi qu’en compensation du chagrin causé par la perte d’un être cher […] en raison de la conduite fautive des défendeurs ».

Une somme de base de 40 000 $ est par ailleurs réclamée pour chaque résident vivant en CHSLD durant la période visée, en compensation, entre autres, de la détresse psychologique vécue et de la détérioration de leur santé physique, psychologique et cognitive.

Les défendeurs dans ce dossier, soit le CHSLD Sainte-Dorothée, les CIUSSS et CISSS, le ministère de la Santé et des Services sociaux et le directeur national de santé publique, présenteront leurs contre-arguments jeudi et vendredi.



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