Pas de centre d’inhalation près d’une école sans «acceptabilité sociale», dit Carmant

Lors du passage du Devoir mardi soir devant l’école Victor-Rousselot, des parents et résidents mécontents tenaient des affiches et banderoles sur lesquelles on pouvait lire « Pas dans ma cour… d’école » et « Crack, fentanyl et crystal meth à quelques pieds de nos enfants ».
Guillaume Levasseur Le Devoir Lors du passage du Devoir mardi soir devant l’école Victor-Rousselot, des parents et résidents mécontents tenaient des affiches et banderoles sur lesquelles on pouvait lire « Pas dans ma cour… d’école » et « Crack, fentanyl et crystal meth à quelques pieds de nos enfants ».

Le contesté centre supervisé d’inhalation de drogues qui pourrait ouvrir ses portes proche d’une école primaire du quartier Saint-Henri à Montréal doit être accepté par la communauté et ne doit pas être imposé, pense le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, alors que le projet n’a pas encore reçu le feu vert.

« Un centre d’inhalation supervisé (CIS) est un service important pour réduire les méfaits mais il est impératif qu’il y ait de l’acceptabilité sociale dans le quartier. On ne peut pas imposer un CIS dans un quartier aussi près d’une école », a indiqué son cabinet dans une déclaration écrite transmise au Devoir.

Le projet de la Maison Benoît Labre, qui ouvrira ses portes cet automne, comprend également 36 logements pour les personnes itinérantes ayant des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie. Des parents sont toutefois inquiets à l’idée qu’un centre permettant aux usagers de consommer leurs propres substances soit ouvert à moins de 100 mètres de l’école de leurs enfants et ils réclament un examen public du projet.

« Des rencontres sont prévues entre l’organisme, l’école primaire et certains parents aujourd’hui [mardi] notamment. Nous continuerons de suivre l’évolution du dossier dans les prochains jours », a indiqué le cabinet, en précisant être « conscients des craintes associées au projet de centre d’inhalation supervisé ».

Le directeur national de santé publique (DNSP) n’a toujours pas accordé une exemption pour l’ouverture d’un tel centre, a précisé le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) au Devoir, et qui est nécessaire pour que celui-ci voit le jour. La demande sera analysée dès qu’elle sera transmise par la Santé publique de Montréal.

Des conditions sont à respecter, notamment qu’il y ait « un engagement avec la communauté et les autres fournisseurs de services touchés ». « Toute préoccupation soulevée devrait être documentée, ajoute le ministère. Le cas échéant, le Site temporaire répondant à un besoin urgent en matière de santé publique (SBUSP) devrait mettre en oeuvre des stratégies d’atténuation pertinentes en réponse aux préoccupations soulevées. »

« On n’accepte pas »

Lors du passage du Devoir mardi soir devant l’école Victor-Rousselot, des parents et résidents mécontents tenaient des affiches et banderoles sur lesquelles on pouvait lire « Pas dans ma cour… d’école » et « Crack, fentanyl et crystal meth à quelques pieds de nos enfants ». Devant la mer d’opposants, quelques représentantes de la CDC Solidarité Saint-Henri installées derrière un kiosque ramaient à contre-courant en présentant calmement le projet et en répondant sans prendre une pause aux d’inquiétudes, dans l’espoir de changer la donne.

« On n’accepte pas, nous avons vraiment peur de ce qu’il va arriver », lance Ani Sosa, qui tenait fermement un côté de bannière et dont le garçon fréquente l’école. Elle n’achète pas les arguments en faveur projet. « Je vais rester contre, dit-elle, avant de s’engouffrer dans l’école. Il y a presque 2000 signatures contre ».

L’entrée dans le bâtiment, où se tenait une séance d’information rassemblant des représentants de l’organisme La Maison Benoît Labre, de l’arrondissement du Sud-Ouest, du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de- Montréal et du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), était étroitement surveillée. Seuls les parents y avaient accès.

« C’est un manque de considération, mais bon je comprends », lance Marie Benani, une résidente du quartier, après avoir tenté en vain d’entrer et qui avait la ferme intention de manifester son opposition au projet. « À côté d’une école, c’est débile, c’est vraiment inconscient ».

Alors que les déclarations du ministre Carmant ont donné un regain d’espoir aux opposants, abandonner le centre supervisé d’inhalation de drogues serait une mauvaise idée, croit de son côté Anick Desrosiers, une autre résidente du quartier et qui travaille comme psychothérapeute et chercheuse en itinérance.

Une voix discordante parmi l’essaim de gens mobilisés contre le projet, elle prenait le temps de discuter pendant de longues minutes avec les opposants et rectifiait plusieurs faits, tout en disant comprendre leur position. Ceux-ci l’écoutaient, mais ne semblaient pas pressés de changer d’avis. « [Si le centre ne va pas de l’avant], se serait extrêmement triste pour des gens qui ne sont desservis par aucun service présentement et qui attendent après un endroit pour exister, dit-elle. Pour moi la peur, ce n’est pas sur ça qu’on devrait faire des politiques publiques ».

Une rencontre organisée par la CDC Solidarité Saint-Henri est prévue le 4 octobre prochain pour discuter du projet et « de pistes de solutions collectives ».

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