Les inondations s’invitent à une consultation sur l’avenir de l’eau à Montréal

En plus de revoir son cadre bâti pour mieux se protéger des pluies diluviennes, la métropole devra mettre à jour ses infrastructures vieillissantes dans les prochaines années. En juillet dernier, le bris d’une conduite d’eau a causé une inondation dans le quartier Saint-Michel.
Adil Boukind Le Devoir En plus de revoir son cadre bâti pour mieux se protéger des pluies diluviennes, la métropole devra mettre à jour ses infrastructures vieillissantes dans les prochaines années. En juillet dernier, le bris d’une conduite d’eau a causé une inondation dans le quartier Saint-Michel.

Des investissements colossaux dans les infrastructures souterraines de Montréal ne pourront, en soi, suffire à prévenir les inondations causées par des pluies diluviennes, de plus en plus fréquentes, préviennent des fonctionnaires de la Ville. Il faudra aussi revoir notre cadre bâti en conséquence, soulignent-ils.

« Je sais qu’il y a plusieurs personnes dans la dernière année qui ont été inondées », a déclaré jeudi matin la responsable de l’eau au comité exécutif, Maja Vodanovic, dans le cadre de la première journée d’une consultation publique « sur l’avenir de l’eau de Montréal ». Cette démarche vise à mettre à jour la Stratégie montréalaise de l’eau, échue depuis 2020.

Des experts du Service de l’eau de la Ville ont alors été appelés à répondre aux questions des citoyens préoccupés par la gestion à Montréal de cette ressource vitale, mais qui a aussi endommagé de nombreuses demeures à Montréal cette année pendant les crues printanières et de fortes pluies survenues au cours de l’été. La Ville a d’ailleurs recensé environ 20 000 plaintes de résidents à la suite d’inondations depuis 2013, un nombre voué à augmenter dans le contexte des changements climatiques.

« C’est vraiment un enjeu important de s’assurer que la population ne soit pas autant affectée par les pluies diluviennes qui vont continuer de s’abattre sur Montréal », a ainsi indiqué la directrice du Service de l’eau, Chantal Morissette.

Aménagement du territoire

 

C’est dans ce contexte que Mathieu Guilbault s’est présenté au micro pour réclamer de meilleures infrastructures afin de prévenir les inondations à Montréal. Le résident de Lachine représente un groupe composé d’une centaine de personnes qui ont été affectées par de fortes précipitations qui ont fait déborder le système d’évacuation des eaux pluviales dans le secteur de la rue Victoria en juillet dernier. Plusieurs logements et garages ont alors été inondés, et des dizaines de voitures qui se trouvaient dans la rue ou à proximité ont été endommagées.

« On subit cet événement pour la deuxième fois en quatre ans », a dit dans un soupir M. Guilbault, qui a évoqué les contrecoups que ces inondations ont eus sur les résidents du secteur. « Depuis, plusieurs subissent de l’anxiété. Quand il y a de la pluie, on a toujours peur de se faire inonder une autre fois. »

Mathieu Guilbault a d’ailleurs rappelé qu’un stationnement avait été construit dans les dernières années à proximité de la rue Victoria, avec pour effet de déverser encore plus d’eau sur celle-ci pendant les périodes de pluies intenses. « Auparavant, c’était un terrain vague, avec une capacité d’absorption », a-t-il indiqué. Il a ainsi souligné l’importance, selon lui, d’améliorer les investissements dans les infrastructures d’eau existantes, mais aussi de mieux tenir compte des changements climatiques au moment de délivrer « des permis de construction ».

Le directeur responsable de la gestion des actifs au Service de l’eau, Hervé Logé, a alors convenu qu’une augmentation des dépenses dans les infrastructures d’eau — bien que nécessaire pour contrer la désuétude de celles-ci — ne pourra, en soi, prévenir les impacts des pluies diluviennes sur plusieurs résidences de la métropole situées dans des secteurs à risque d’être affectés par ces précipitations.

« L’infrastructure souterraine municipale n’est pas facilement adaptable aux changements climatiques. On peut dire “on va mettre plusieurs millions de dollars”, mais les plus fortes pluies vont continuer de générer des inondations, parce qu’il y aura toujours un moment où les égouts vont déborder », a relevé M. Logé, selon qui une réflexion s’impose pour revoir le cadre bâti dans certains secteurs de la métropole.

« Le problème, c’est que les gens les plus affectés par les inondations ont souvent construit des garages en contre-pente dans des points bas, là où l’eau va s’accumuler […] Donc, c’est certain qu’il va falloir adapter l’urbanisme et la construction dans ces points bas », a-t-il ajouté.

Le conseiller municipal Jérôme Normand, qui siège dans Ahuntsic-Cartierville, a d’ailleurs affirmé jeudi que plusieurs arrondissements envisagent d’interdire la construction dans des zones de dépression topographique, aussi appelées « cuvettes », où des inondations sont fréquentes. « On y réfléchit actuellement et on a des outils réglementaires dans les arrondissements pour aller encore plus loin dans les prochains mois ou les prochaines années. »

Mesures fiscales

 

Depuis 10 ans, les revenus de la Ville liés à sa taxe spéciale relative au service de l’eau ont crû de 3,3 % annuellement, mais d’autres sources de financement seront nécessaires afin de procurer à la Ville les milliards nécessaires pour mettre à jour ses infrastructures vieillissantes dans les prochaines années.

Des citoyens ont ainsi répondu favorablement jeudi à l’idée, incluse dans le document de présentation de cette consultation publique, d’imposer des taxes additionnelles pour financer les infrastructures d’eau et contribuer à une diminution de la consommation de cette ressource par la population. D’autres s’inquiètent toutefois de la possibilité d’une tarification basée sur la quantité d’eau consommée.

« Qu’est-ce qui arrive si un résident ne parvient pas à payer sa facture pour l’eau ? Ça nous inquiète, parce que l’eau est une ressource vitale et que la couper parce qu’on n’est pas capable de payer la facture, ça nous semblerait poser des enjeux en matière de santé et de sécurité publique », a ainsi indiqué Gabrielle Roy-Grégoire, chargée de projet pour la Coalition Eau Secours.

« Pour l’instant, il n’est pas prévu d’introduire des compteurs d’eau dans les résidences », a assuré Chantal Morissette, sans que la porte soit fermée à cette option qu’ont déjà choisie « plein de villes dans le monde ». « On écoute la population pour savoir si c’est quelque chose que les gens souhaitent ou ne souhaitent pas, puis si ça fait partie du portefeuille de solutions ou non », a-t-elle ajouté, évasive.

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