Le Royaume-Uni met un coup de frein à plusieurs engagements climatiques

Le premier ministre britannique a annoncé mercredi le report de plusieurs mesures de la politique climatique du Royaume-Uni.
Justin Tallis Agence France-Presse Le premier ministre britannique a annoncé mercredi le report de plusieurs mesures de la politique climatique du Royaume-Uni.

Un coup de frein « réaliste » : le premier ministre britannique, Rishi Sunak, a annoncé mercredi le report de plusieurs mesures phares de la politique climatique du Royaume-Uni, une décision dénoncée comme électoraliste et réprouvée dans les milieux économiques et jusqu’au sein des conservateurs au pouvoir.

« J’ai confiance dans le fait que nous puissions adopter une approche plus pragmatique, proportionnée et réaliste pour atteindre la neutralité carbone, qui allège le fardeau sur les travailleurs », a déclaré Rishi Sunak lors d’une conférence de presse hâtivement organisée après que ses intentions ont fait l’objet de fuites dans les médias.

L’annonce la plus emblématique concerne les voitures neuves roulant à l’essence et au gazole, qui seront désormais interdites à la vente en 2035 et non en 2030. Une mesure qui « aligne » le Royaume-Uni avec le calendrier d’autres pays comme l’UE, a défendu Rishi Sunak, face au tollé suscité dans le secteur automobile.

Il a aussi annoncé l’assouplissement des conditions d’élimination progressive des chaudières à gaz et l’abandon d’une mesure sur l’efficacité énergétique des logements qui prévoyaient de fortes contraintes sur les propriétaires.

Les ambitions climatiques du Royaume-Uni, qui vise la neutralité carbone en 2050, semblent ainsi faire les frais de la crise du pouvoir d’achat qui touche les Britanniques et de ses possibles répercussions électorales pour le parti conservateur.

Au pouvoir depuis 13 ans, il est désormais à la peine dans les sondages face aux travaillistes, en vue des élections législatives attendues l’an prochain, et certains en son sein appelaient de longue date le gouvernement à réduire la voilure en matière environnementale.

Fin juillet, Rishi Sunak avait déjà provoqué un tollé en promettant des centaines de nouvelles licences d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures en mer du Nord.

Ce nouveau revirement survient alors que l’organisme indépendant chargé de conseiller Downing Street sur ses politiques climatiques avait déploré en juin la « lenteur inquiétante » de la transition dans le pays.

« Acte de faiblesse »

Cette annonce a ravi l’aile droite des conservateurs, comme l’ex-première ministre Liz Truss qui a « salué » des mesures « particulièrement importantes pour les zones rurales ».

Mais les critiques se sont multipliées, y compris dans son propre camp, laissant présager des débats houleux chez les Tories où beaucoup semblent avoir été pris par surprise.

 

« Nous ne pouvons pas nous permettre de faiblir maintenant ou de perdre de quelque manière que ce soit notre ambition pour ce pays », a insisté l’ancien premier ministre Boris Johnson, qui avait fixé nombre des objectifs abandonnés.

« Je ne crois vraiment pas que cela puisse aider électoralement quelque parti que ce soit de décider de s’engager dans cette voie », a estimé le député conservateur Alok Sharma et président de la COP26 de Glasgow en 2021.

Le député du parti d’opposition travailliste chargé des questions d’Énergie, Ed Miliband, a, lui, moqué un « acte de faiblesse d’un premier ministre sans direction, désespéré ». Et le chef du Parti libéral-démocrate, Ed Davey, a estimé que le Royaume-Uni « se retrouvait au dernier rang au moment où le reste du monde se bat pour adopter les industries de demain ».

« Mauvais signal »

Le milieu économique est ainsi monté au créneau. L’association représentant l’industrie manufacturière, Make UK, s’est insurgée contre « une annonce qui envoie un signal totalement mauvais » tandis que la patronne de Ford au Royaume-Uni a dénoncé une décision qui va « à l’encontre » de « l’ambition, des engagements et de la cohérence » attendus par le secteur automobile.

Plus conciliante, l’organisation qui représente la puissante City de Londres souligne que Downing Street a raison « d’explorer les façons d’apporter des solutions dans un environnement budgétairement contraint ».

Ces annonces sont « une escroquerie géante contre le pays », a aussi dénoncé l’ONG Greenpeace dans un communiqué, fustigeant les « revirements incessants de ce gouvernement qui vont faire fuir les investisseurs et coûter des emplois ».

Le gouvernement Sunak semble avoir amorcé un virage en juillet sur la politique climatique, après la victoire surprise des conservateurs dans une élection locale de l’ouest de Londres, attribuée à la défiance des électeurs face à l’extension d’une taxe sur les véhicules polluants par le maire travailliste Sadiq Khan.

Depuis New York où il assiste à l’Assemblée générale des Nations unies, ce dernier a estimé que « les entreprises et des millions de personnes sont déçues » par la direction prise par le gouvernement Sunak.

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