Les hommes et les femmes inégaux face aux gènes de la dépression

Martine Letarte
Collaboration spéciale
Plus on connaîtra les gènes impliqués dans la maladie, plus on arrivera à développer des traitements spécifiques qui tiendront compte des différences, notamment de sexe, entre les personnes », croit la chercheuse Patricia Silveira.
Photo: iStock Plus on connaîtra les gènes impliqués dans la maladie, plus on arrivera à développer des traitements spécifiques qui tiendront compte des différences, notamment de sexe, entre les personnes », croit la chercheuse Patricia Silveira.

Ce texte fait partie du cahier spécial Santé mentale

Alors que les femmes sont deux fois plus susceptibles d’obtenir un diagnostic de dépression que les hommes, on en savait encore très peu sur les raisons qui peuvent expliquer cette situation. Une nouvelle étude sexospécifique dirigée par la chercheuse Patricia Silveira, professeure associée au Département de psychiatrie de l’Université McGill, nous en apprend un peu plus. Elle révèle de nombreuses différences entre les hommes et les femmes par rapport aux gènes liés à la dépression.

« Jusqu’à maintenant, les études sur la dépression se faisaient toujours avec des groupes de participants qui mélangeaient les hommes et les femmes, indique Patricia Silveira. Or, comme nous voyons de grandes différences entre les sexes concernant la présentation de symptômes cliniques dépressifs et aussi la réponse au traitement, nous avons pensé que des processus biologiques pourraient être liés à ces différences. »

C’est ainsi qu’une étude sexospécifique qui a porté sur plus de 270 000 personnes a révélé que pas moins de 11 zones d’ADN liées à la dépression ont été trouvées chez les femmes, contre une seule chez les hommes. De plus, l’équipe de recherche a découvert que la dépression était spécifiquement liée aux maladies métaboliques chez les femmes, comme le diabète et l’obésité. « En fait, chez les femmes, certains gènes liés à la dépression sont les mêmes qui sont présents lorsqu’on voit ces maladies métaboliques », explique celle qui est aussi chercheuse au Centre de recherche Douglas affilié à l’Université McGill et au CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal.

Améliorer le diagnostic

Cette découverte change bien des choses en ce qui a trait au dépistage de la dépression et des problèmes métaboliques chez les femmes. Parce que non seulement les gènes impliqués sont les mêmes, mais ces maladies coexistent aussi souvent chez les patientes. Or, on aurait pu penser naturellement que la présence de dépression chez les patientes qui souffrent de maladies métaboliques s’explique simplement par de mauvaises habitudes de vie qui nuisent à la santé mentale et physique. Mais c’est vraiment à un autre niveau qu’il se passe quelque chose : celui des gènes.

« On pourrait donc commencer à étudier, à investiguer et à prévenir ensemble ces différentes maladies en clinique, affirme Patricia Silveira. Il faudrait aussi être particulièrement vigilant lorsqu’une patiente qui a un diagnostic de dépression a la présence de maladies métaboliques dans sa famille. »

Améliorer le traitement

Des questions se posent aussi concernant le traitement de la dépression. « On sait déjà que les gens ne répondent pas tous de la même façon aux antidépresseurs, indique la chercheuse. Certaines personnes répondent très bien, d’autres pas du tout. Or, on ne sait pas pourquoi et on n’est pas capable de prévoir la réponse en ce moment. »

C’est pour cette raison que cette étude de Patricia Silveira, qui a réalisé ses études doctorales à la Universidade Federal do Rio Grande do Sul, au Brésil, est importante pour faire avancer les traitements. « Plus on connaîtra les gènes impliqués dans la maladie, plus on arrivera à développer des traitements spécifiques qui tiendront compte des différences, notamment de sexe, entre les personnes. »

Encore beaucoup de travail à faire

L’étude sur la génétique de la professeure Silveira demeure tout de même un premier pas dans ce vaste domaine de recherche. « Il y a encore beaucoup d’éléments à découvrir, par exemple plus spécifiquement sur les différentes molécules, pour créer de nouveaux médicaments en considérant les gènes », indique-t-elle.

Alors que cette recherche portait sur les adultes, la chercheuse se demande maintenant si on voit la même différence liée au sexe au niveau des gènes impliqués dans la dépression chez les adolescents par exemple, ou encore chez les enfants ou les personnes âgées. « Pour le moment, on ne le sait pas, précise-t-elle. Il faudra réaliser d’autres recherches. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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